Economie

Les rentiers ruinent le secteur laitier

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Les filières agro-alimentaires chutent les unes après les autres, des scènes de chaos sont de plus en plus fréquentes dans les supermarchés avec des foules de citoyens voulant juste se procurer d’un paquet de riz, d’un kilogramme de sucre et depuis peu d’un paquet de lait. La pénurie des produis alimentaires sévit gravement.

La chute des filières agro-alimentaires était prévue et revient entre autres à la crise des matières premières mais surtout à l’incompétence, les réglementations arbitraires et l’hégémonie des rentiers écrasant tout à leur passage : petits agriculteurs, commerçants de détail, etc. La filière du lait est particulièrement touchée de plein fouet par la pénurie et la menace d’arrêt de production est réelle parallèlement à l’épuisement imminent du stock stratégique.

Secteur gravement menacé

Les producteurs laitiers n’ont cessé de mettre en garde contre la disparition du produit sur les marchés et ce, simultanément au recours des usines à l’utilisation du stock stratégique pour approvisionner les grossistes et les centres commerciaux en raison d’une production en chute du secteur qui fournit aux tunisiens 1,8 million de litres de lait par jour.

Le système de production laitière connait ainsi sa pire crise en raison de l’accumulation des pertes par les producteurs et le refus persistant des autorités d’augmenter le prix de vente au public. Les producteurs subissent, à ce titre, des pertes quotidiennes de 500 millimes par litre de lait. 

Du fait de l’impossibilité de poursuivre la production, des milliers de producteurs laitiers ont été contraints à vendre leur cheptel, tandis que d’autres tentent de tenir, face au mutisme troublant des autorités qui essayent d’occulter la crise d’approvisionnement qui s’aggrave chaque jour.

Les producteurs de lait demandent une augmentation urgente du prix à la production afin de maintenir leur équilibre financier, après que le coût a augmenté de plus de 30% à la suite des hausses des prix de l’alimentation du bétail.

Le directeur de la production animale de l’Union tunisienne de l’agriculture et de la pêche (UTAP), Mnaouer Sghairi, a assuré récemment que le système de production est en danger, après que les centres de production ont été contraints d’utiliser 13 millions de litres de stocks stratégiques pour répondre aux besoins du marché.

Il assure, également, que la baisse de la production a provoqué une pénurie quotidienne d’environ 600 000 litres de lait, obligeant les centres de production à les remplacer en utilisant le stock stratégique, notant que ce stock est menacé d’épuisement dans les 10 jours à venir.

Sghairi impute la responsabilité de la crise du secteur laitier aux autorités qui refusent, selon lui, d’augmenter les prix et protéger les producteurs en fournissant un dispositif de soutien qui leur permet de faire face au coût élevé du fourrage et de maintenir le cheptel de vaches, estimé à 400 000 têtes sachant que 80% des producteurs laitiers sont de petits éleveurs.

Les rentiers, premiers gagnants

L’ONG Alert international – Tunis est revenue dernièrement sur cette crise et a souligné que l’agriculteur est le plus grand perdant dans le secteur et le moins soutenue par l’Etat puisque depuis mai 2021, il est contraint de vendre le litre de lait aux centres de collectes à 1,140 dinars contre un coût de revient qui varie entre 1,5 et 1,7 dinars. Elle indique que les autorités refusent d’augmenter les prix malgré l’explosion des charges de production et ce, pour soi-disant lutter contre la cherté de la vie et préserver «la « paix sociale ». 

La situation arrange les producteurs – rentiers qui ne se sont jamais plaints de la situation, d’après l’ONG.

Le coût élevé de production, selon Alert, est principalement dû au coût de fourrage, qui représente environ 70% du coût total de production ce qui fait que les agriculteurs sont actuellement obligés de vendre à perte.

L’ONG rappelle que le secteur laitier est basé sur le système de subventions pour 200 millions de dinars par an afin que le consommateur achète le litre de lait à environ 1,4 dinars.

L’origine du problème du secteur réside dans la manière avec laquelle les subventions sont distribuées, note-t-on. Ce système est totalement défaillant et profite au fabricant qui reçoit 500 millimes pour chaque litre produit et à un degré moindre au collecteur qui obtient 150 millimes pour chaque litre collecté. L’agriculteur ne reçoit presque rien à part une petite quantité de fourrage subventionné et une somme d’argent dérisoire.

Alert précise qu’en 2002, les agriculteurs ont bénéficié de plus de 30 millions de dinars de subventions, soit près du tiers du montant alloué pour soutenir le secteur. En revanche, en 2016, les éleveurs (plus de 110000) n’ont bénéficié que de 1,8 million de dinars sur un montant total de plus de 200 millions de dinars. Au cours de la même période, certaines subventions destinées aux fabricants et aux centres de collecte ont augmenté de 400 et 600%.

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Publié par
Mohamed Ben Abderrazek