Economie

Les semences en Tunisie : un enjeu de souveraineté et d’avenir

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La question des semences en Tunisie est devenue un sujet central dans le débat agricole, marquée par des enjeux de souveraineté alimentaire et de durabilité.

Alors que le pays fait face à des transformations climatiques croissantes et à une dépendance accrue vis-à-vis des importations, la nécessité de repenser les pratiques semencières s’impose. Les agriculteurs tunisiens, confrontés à un manque conjoncturel de semences adaptées, se tournent vers des solutions innovantes pour préserver leur autonomie et garantir la sécurité alimentaire.

L’héritage des semences ancestrales

Le pays dispose d’un patrimoine semencier riche et diversifié, avec des variétés locales comme le blé mahmoudi, reconnu pour sa résilience exceptionnelle face à la sécheresse. Ces semences autochtones représentent un atout stratégique, offrant une alternative naturelle aux semences hybrides standardisées qui dominent actuellement le marché agricole.

Les semences paysannes présentent plusieurs avantages environnementaux par rapport aux semences hybrides, qui sont souvent standardisées et nécessitent des intrants chimiques. Tout d’abord, les semences paysannes sont généralement mieux adaptées aux conditions locales et aux variations climatiques.

Elles résultent de sélections effectuées par les agriculteurs au fil des générations, ce qui leur confère une rusticité et une capacité d’adaptation à des environnements diversifiés. Cette adaptabilité leur permet de survivre à des stress environnementaux tels que la sécheresse, l’humidité excessive ou les maladies, contrairement aux hybrides qui, en raison de leur homogénéité génétique, peuvent être plus vulnérables aux aléas climatiques.

Enjeux de la recherche et du développement

Cependant, de nombreux défis freinent leur développement. La législation, notamment la loi de 1999, ne reconnaît que les semences inscrites dans un catalogue officiel dominé par des variétés hybrides. Cette réglementation pénalise les agriculteurs traditionnels, les privant de subventions et d’aides financières. Un désintérêt croissant des jeunes générations pour l’agriculture traditionnelle aggrave encore la situation, menaçant la transmission des savoirs agricoles ancestraux.

Le ministère de l’Agriculture commence à prendre conscience de ces enjeux, lançant des programmes de recherche pour développer des variétés résistantes tout en préservant la biodiversité. L’Association Tunisienne de Permaculture (ATP) joue un rôle crucial dans la valorisation et la conservation de ces semences paysannes.

L’utilisation de ces semences offre également un bénéfice environnemental significatif. En nécessitant moins d’intrants chimiques, elles contribuent à la santé des sols et à la préservation des ressources naturelles. Elles permettent aux agriculteurs de réduire leur dépendance aux grandes entreprises semencières et de renforcer l’autonomie alimentaire locale.

Vers une autonomie alimentaire durable ?

L’autosuffisance alimentaire est devenue une priorité pour la Tunisie, surtout dans le contexte actuel marqué par l’instabilité mondiale et les crises économiques. Les agriculteurs expérimentent avec succès des variétés traditionnelles qui non seulement répondent aux besoins locaux mais également contribuent à la lutte contre le changement climatique.

En multipliant ces semences adaptées, ils espèrent réduire la dépendance aux importations tout en garantissant une production alimentaire suffisante pour la population. Les initiatives privées et publiques doivent converger pour créer un environnement favorable à l’innovation agricole, permettant ainsi aux agriculteurs tunisiens de retrouver leur indépendance.

La situation actuelle autour des semences en Tunisie souligne l’importance d’un changement de paradigme dans l’agriculture du pays. En réhabilitant les semences ancestrales et en soutenant les agriculteurs dans leurs choix, la Tunisie pourrait non seulement renforcer sa souveraineté alimentaire mais aussi bâtir un avenir agricole durable et résilient face aux transformations environnementales croissantes.

 

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Publié par
Mohamed Ben Abderrazek