Encensé en 2020 comme la clé de voûte de la transition énergétique, l’hydrogène vert traverse aujourd’hui une crise de confiance sévère, marquée par des déboires financiers, des retards de projets, et une remise en cause des ambitions européennes. Ce retournement spectaculaire illustre l’écart entre les rêves boursiers et les réalités industrielles.
En Bourse, des sociétés comme McPhy, HRS ou Hydrogène de France ont vu leurs cours s’effondrer après une envolée fulgurante en 2020-2021. McPhy, par exemple, avait intégré le SBF 120 après avoir vu son action grimper de plus de 700 % en 2020. Mais à court de trésorerie, l’entreprise a annoncé en mai 2025 son placement en liquidation judiciaire, provoquant sa radiation des marchés.
HRS, spécialisée dans les stations de ravitaillement à hydrogène, a vu sa valeur être divisée par 13 depuis ses sommets de 2021. Hydrogène de France accuse une perte de plus de 80 % de sa capitalisation. Même les grands groupes comme GTT, pourtant salués par les analystes, ont dû revoir leur stratégie, annonçant 110 suppressions de postes dans leur filiale Elogen, faute de commandes significatives.
Un emballement alimenté par les fonds ESG et les subventions
Les années 2020-2021 ont vu un afflux massif de capitaux, poussés par l’enthousiasme autour des fonds ESG et les premières annonces ambitieuses des plans européens, comme RePowerEU. L’hydrogène vert était alors perçu comme une opportunité d’investir dans une technologie d’avenir.
Mais le modèle économique s’est rapidement heurté à des réalités techniques : coûts élevés, efficacité énergétique faible, dépendance aux subventions, et immaturité des technologies. À cela s’est ajouté un cadre réglementaire complexe et parfois flou, notamment sur la reconnaissance de l’hydrogène issu du nucléaire comme “vert”.
Des ambitions européennes revues à la baisse
L’Union européenne espérait produire 10 millions de tonnes d’hydrogène renouvelable d’ici 2030, nécessitant 100 GW de capacités d’électrolyseurs. Pourtant, 98 % des projets recensés sont encore à l’état de concept ou d’étude de faisabilité, selon EY. La France, de son côté, a revu ses objectifs à la baisse en avril, visant désormais 4,5 GW d’électrolyseurs en 2030, contre 6,5 prévus.
Les lenteurs administratives ont accentué les retards. La dissolution de l’Assemblée nationale a ainsi bloqué une subvention de 149 millions d’euros pour un projet majeur du producteur Lhyfe, pourtant validée par l’Union européenne.
Une industrie encore en gestation
Les trois quarts des projets mondiaux d’hydrogène souffrent de retards dus à des obstacles financiers, matériels ou réglementaires, selon IFP Énergies nouvelles. En parallèle, les entreprises européennes n’ont pas encore prouvé leur capacité à industrialiser des électrolyseurs à grande échelle.
Des entreprises comme Thyssenkrupp Nucera ou Lhyfe semblent toutefois tirer leur épingle du jeu. Lhyfe, en particulier, mise sur un modèle intégré allant de la production à l’exploitation de sites. Sa capacité à s’adapter et à limiter les risques technologiques en recourant à des partenaires fiables lui confère une résilience relative, malgré une action en baisse de 62 % sur trois ans, bien loin des -80 % de ses concurrents.
Vers un rebond encadré
Malgré cette tempête, des signaux positifs émergent. Le cadre réglementaire se clarifie avec la transposition des directives européennes, le lancement d’appels d’offres structurés dans plusieurs pays, et la mise en place de la Hydrogen Bank. De nouveaux systèmes de subvention basés sur la production d’hydrogène, et non plus seulement sur les infrastructures, sont également à l’étude.
Reste à savoir si ces réformes suffiront à rétablir la confiance des marchés et à accélérer la montée en puissance industrielle de l’hydrogène vert. L’euphorie des débuts a laissé place à un réalisme prudent : le temps des promesses est terminé, celui de l’exécution vient à peine de commencer.
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