Des billets de banque libyens non officiels, imprimés localement ou importés, ont été échangés contre de vrais dollars et ont contribué à la dévaluation du dinar, selon trois sources familières avec la situation. Certains billets ont été imprimés par la Russie et exportés vers l’est de la Libye cette année, tandis que d’autres ont été imprimés illicitement en Libye. (Reuters)
Billets non officiels importés ou imprimés localement
Ces nouveaux billets, qualifiés de contrefaçons par la Banque centrale de Libye (CBL) à Tripoli, sont échangés contre des devises fortes sur le marché noir ou par l’intermédiaire de banques locales, selon une source du gouvernement oriental de la Libye, une source bancaire libyenne et une source diplomatique.
L’argent dépensé pour les travaux publics à l’est après les inondations
L’argent a été utilisé pour financer des projets d’infrastructure dans l’est du pays après les inondations dévastatrices de l’année dernière, ont déclaré la source gouvernementale orientale et la source bancaire. Cet argent pourrait également être utilisé pour financer l’activité des mercenaires russes en Libye et au Sahel, selon la source diplomatique.
De l’argent liquide pour financer des mercenaires russes
Le rôle de la Russie dans l’infusion de nouveaux billets en Libye a été signalé à Reuters par The Sentry, un groupe international de recherche sur la corruption et les crimes de guerre.
Réactions des institutions libyennes et russes
Ni la Banque centrale de Libye basée à Tripoli, ni sa branche à Benghazi, ni l’armée nationale libyenne qui contrôle l’est de la Libye, n’ont répondu aux demandes de commentaires de Reuters. Goznak, l’imprimerie d’État russe, n’a pas non plus répondu à une demande écrite de commentaire.
Depuis 2014, la Libye est divisée entre des factions orientales et occidentales en guerre. Malgré une trêve en 2020 et des efforts pour réunifier les institutions, une solution politique reste insaisissable avec de nouveaux conflits toujours imminents.
Sanctions américaines contre Goznak
En juin, le département d’État américain a sanctionné Goznak pour avoir imprimé plus d’un milliard de dollars en monnaie libyenne contrefaite, sans préciser où et quand les billets avaient été imprimés ou livrés.
Fourniture de dinars par la Russie aux autorités orientales
De 2016 à 2020, la Russie a fourni plusieurs milliards de dinars aux autorités orientales, aidant le commandant oriental allié Khalifa Haftar et le gouvernement qu’il soutenait à Benghazi. L’apport de nouveaux billets cette année n’était pas connu auparavant.
Les dinars importés entre 2016 et 2020 ont été officiellement émis par la branche orientale de la CBL à Benghazi et portaient la signature de son gouverneur Ali al-Hibri. Leur émission a aggravé les divisions économiques à l’intérieur de la Libye, avec des taux de change différents dans différentes parties du pays. Après la trêve et les efforts de réunification bancaire, la branche principale de la CBL à Tripoli sous la direction du gouverneur Sadiq al-Kabir a accepté les billets imprimés par la Russie et émis par Hibri comme monnaie légale.
Hibri a été remplacé en 2022. Kabir a alors déclaré que les nouveaux billets ne devaient pas être utilisés, mais les autorités de l’est de la Libye ont insisté pour que toute institution refusant ces billets soit punie. L’est de la Libye, où se trouve le parlement national, est en effet sous le contrôle de Haftar, qui a déployé des mercenaires russes du groupe Wagner lors des combats en 2019-2020, selon des experts de l’ONU. Les combattants russes sont restés, selon l’armée américaine.
Types de billets de 50 dinars en circulation
La plupart de la monnaie non officielle est en coupures de 50 dinars. La CBL a publié une déclaration plus tôt cette année identifiant quatre types de billets de 50 dinars : ceux officiellement imprimés pour la banque centrale, ceux imprimés par Goznak pour la branche orientale de la CBL sous Hibri, et deux nouvelles émissions qu’elle a qualifiées de contrefaçons. Une des émissions était de meilleure qualité et avait été imprimée en Russie et importée, tandis que les autres billets moins sophistiqués semblent avoir été imprimés en Libye.
Opération d’impression illicite en Libye orientale
La source bancaire libyenne et la source gouvernementale orientale ont toutes deux déclaré qu’une opération d’impression de dinars illicites avait lieu dans l’est de la Libye. Les dinars sont convertis en devises fortes soit par des changeurs de marché noir, soit par des dépôts dans des banques orientales par des sociétés écrans utilisant des lettres de crédit pour envoyer des dollars américains de la banque centrale à des entreprises à l’étranger.
Pour contrer l’impact des billets contrefaits, la CBL a annoncé en avril qu’elle retirerait tous les billets de 50 dinars de la circulation d’ici fin août.
Impact sur le dinar libyen
Le dinar libyen a commencé à chuter l’année dernière mais a glissé plus rapidement au début de 2024, une chute que la source diplomatique et la source bancaire ont attribuée à l’infusion de nouveaux billets dans l’est. Il est un sujet de préoccupation majeur que les Russes impriment des dinars qui sont convertis sur le marché noir en devises fortes, impactant le dinar et étant utilisés pour payer les dettes liées à Wagner ou à l’Africa Corps, la présence militaire russe en Afrique qui a succédé au groupe Wagner depuis la mort de son fondateur Yevgeny Prigozhin en 2023.
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