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L’immigration inversée vers le Canada s’intensifie : ce que les Tunisiens doivent savoir

Longtemps perçu comme un eldorado pour les migrants du monde entier, le Canada connaît aujourd’hui une mutation profonde de son image à l’international.

Derrière les slogans d’inclusion et les campagnes vantant son modèle multiculturel, de plus en plus de nouveaux arrivants se heurtent à une réalité économique, sociale et administrative plus dure que prévu.

En témoignent des chiffres officiels récents : plus de 106 000 personnes ont quitté le Canada de façon permanente en 2024, un record depuis 1967, marquant l’émergence d’un phénomène désormais qualifié de “migration inversée”.

Le rêve, puis la désillusion

De nombreux migrants, souvent diplômés, formés et hautement qualifiés, arrivent au Canada avec de grandes ambitions. Pourtant, leur parcours bascule dès les premiers mois, confrontés à un marché du travail exigeant, aux coûts de la vie élevés, et à des procédures administratives complexes.

Parmi les obstacles les plus récurrents : l’absence de reconnaissance automatique des diplômes étrangers, la condition souvent impérative de disposer d’une “expérience canadienne” pour décrocher un poste qualifié, et l’exigence implicite de réseaux de contacts locaux dans l’écosystème professionnel.

Un jeune professionnel arrivé en Alberta en 2020 raconte : malgré son diplôme en informatique, il a dû accepter des emplois manuels précaires pour survivre – dans la restauration, l’agriculture, ou le bâtiment – faute de reconnaissance de ses compétences. Après cinq ans d’efforts, il a fini par rentrer dans son pays d’origine en 2025, épuisé et désillusionné.

Une fracture entre attentes et réalité

Cette situation n’est pas marginale. Des dizaines de milliers de nouveaux arrivants vivent ce même décalage : l’image d’un Canada accueillant, où les talents sont valorisés, se heurte à la lourdeur du système.

La barrière linguistique, les démarches longues pour la résidence permanente, la précarité du logement et les coûts de la vie exorbitants, notamment dans les grandes provinces comme l’Ontario (où ont eu lieu 48 % des départs en 2024), poussent certains à faire machine arrière.

Même les profils expérimentés, parlant couramment l’anglais ou le français et riches de longues carrières internationales, peinent à percer. L’exigence de “réseaux canadiens” dans les candidatures professionnelles freine lourdement leur insertion.

Une crise structurelle plus profonde

Le taux de chômage a grimpé à 7 % en mai 2025, le plus élevé depuis près d’une décennie (hors pandémie). 1,6 million de personnes sont actuellement sans emploi, alors même que le nombre d’offres d’emploi a chuté de 22 %.

Ces tendances révèlent un décalage structurel entre les promesses de l’immigration économique et les réalités du marché du travail.

De plus, 70 % des employeurs exigent une expérience canadienne, 52 % des nouveaux arrivants ne maîtrisent pas suffisamment les langues officielles, et 35 % des diplômes étrangers ne sont pas reconnus automatiquement, selon les données gouvernementales.

Clés de l’intégration : entre lucidité et préparation

Des experts en intégration suggèrent des pistes concrètes : maîtriser les langues officielles dès le départ, s’inscrire dans des programmes de bénévolat pour accumuler une expérience locale, envisager des reconversions professionnelles réalistes, ou encore anticiper la validation des diplômes avant le départ.

Le message est clair : la réussite au Canada ne se construit ni sur des illusions, ni sur des raccourcis. Il faut faire preuve d’adaptabilité, de patience, et s’entourer de bons relais dès les premiers mois.

Pour les jeunes Tunisiens et les familles envisageant cette destination, un projet migratoire bien préparé, appuyé sur une connaissance réelle du terrain, reste indispensable.

Un enjeu aussi pour la Tunisie

Pour la Tunisie, ce phénomène interpelle aussi. Alors que des milliers de jeunes talents tunisiens aspirent encore à s’expatrier, souvent au prix de sacrifices familiaux et financiers, les retours volontaires ou les décrochages silencieux posent la question de l’accompagnement post-migration.

Il devient urgent d’instaurer des ponts structurés entre les institutions tunisiennes et sa diaspora, de capitaliser sur leurs expériences, réussies ou non, et de réintégrer les compétences retournées au pays.

En somme, le Canada demeure une destination attractive, mais n’est plus cette “terre promise” universelle. Derrière l’image d’ouverture, les mécanismes d’intégration restent exigeants, sélectifs et parfois impitoyables.

À l’heure où la Tunisie réfléchit à une stratégie de migration circulaire et de valorisation de sa diaspora, il est essentiel de tirer les leçons de ces trajectoires migratoires devenues plus fragiles qu’on ne le pense.

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