On l’a appris comme ça, comme si le milliardaire iconoclaste, accessoirement l’homme le plus fortuné de la planète, rencontrait un de ses actionnaires : Musk a secrètement conversé lundi dernier avec l’Ambassadeur d’Iran à l’ONU, Amir Saeid Iravani. Il était question “d’apaiser les tensions“, rapporte New York Times. Rien que ça. En même temps vous me direz que quand on a eu l’honneur d’assister à l’une des toutes premières conversations téléphoniques du nouveau président américain, Donald Trump (avec son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky), parler avec l’émissaire iranien ou autre chose… Mais c’est surtout ce que ça nous dit sur l’Amérique de Trump et ce que le monde en attend – un peu trop – qui nous interpelle.
Les Américains seront servis, beaucoup plus que souhaité
Les Américains voulaient un homme fort pour requinquer le pays après les années d’errements de Joe Biden, surtout sur les grands dossiers internationaux, ils seront servis à satiété. MAGA! (“Make America Great Again“), clamait le républicain durant sa campagne électorale, il démarre fort, beaucoup plus que ne l’espérait le club de ses supporters, qui grossit à vue d’oeil. Lors de son entretien avec Biden à la Maison Blanche le 13 novembre il a promis une passation de pouvoir apaisée, après que le démocrate se soit lui-même engagé dans ce sens…
Trump ne peut pas dire autre chose, lui qui avait refusé en 2020 de recevoir son successeur dans ce même salon au motif qu’on lui avait volé l’élection, ce qui bien entendu est archi faux et impossible techniquement aux USA. S’en suivit l’ordre d’envahir le Capitole pour faire capoter l’officialisation de la victoire de Biden. Forcément la passation se passera bien cette fois parce que le républicain revient dans “sa” maison, celle qu’il n’a jamais quittée dans sa tête. Bon, tout ça est foncièrement pathologique mais l’homme est ainsi fait et les électeurs l’ont choisi en toute connaissance de cause.
Ils l’ont choisi pour ça, pour bousculer le pays, pour faire tout ce que Biden a raté, d’abord chez eux, aux Etats-Unis, mais aussi pour remettre de l’ordre dans le grand bazar que laissera Biden au Proche et Moyen-Orient, en Europe (la guerre en Ukraine), même le voyage qu’il avait promis à l’Afrique il ne le fera pas. A part surarmer Israël et sous-armer l’Ukraine Biden n’a rien fait de notable sur les grands dossiers du monde. Les 2 mois qui restent pour céder la place à Trump seront un enfer pour lui…
Il n’y a pas que Musk, il y a aussi Hegseth, Rubio, Waltz, Gaetz…
Le républicain bouscule déjà Biden avec des nominations fracassantes qui occupent tout l’espace médiatique et les futurs ministres campent déjà devant les bureaux des responsables sur les départ. Parmi ces nominations il y a le secrétaire d’Etat à la Défense, le sulfureux présentateur de Fox News Pete Hegseth ; il y a aussi le très dur Marco Rubio aux Affaires étrangères, un anti-palestinien notoire et un pro-russe (il ne l’a pas toujours été) ; il y a aussi le “faucon” que Trump à la Sécurité nationale, Mike Waltz ; il y a également le ministre de la Justice, Matt Gaetz, qui lui-même traîne des casseroles judiciaires dont une affaire de moeurs.
On peut aussi évoquer l’arrivée d’Elise Stefanik au poste d’Ambassadrice des USA à l’ONU. C’est une pro-israélienne qui s’assume. Celle-là aussi les Palestiniens en entendront parler, les Iraniens également. Donc Téhéran a intérêt à arracher tout ce qu’il peut avec Musk, la musique changera dès le 20 janvier prochain. En attendant le fondateur de Tesla, Space X, Starlink, Neuralink, etc., déroule et sur un gros morceau, au moins aussi gros que son poste de ministre de l’Efficacité gouvernementale, qu’il occupe avec une autre tête brûlée du monde des affaires, Vivek Ramaswamy.
La rencontre entre Elon Musk et Amir Saeid Iravani vient après une séquence d’attaques-ripostes entre Israël et l’Iran. Donc la pacification du Moyen-Orient dépend aussi des développements dans ce dossier. Le propriétaire de X ne se cantonnera pas à un rôle de Monsieur Efficacité-Efficience (surtout pour tailler dans les dépenses publiques, -2000 milliards de dollars disait-il), il sera aussi un Super-Diplomate. C’est du reste la fonction qui avait été ébruitée dans les médias : Vice-président en charge des Affaires étrangères. Sur l’Iran le monde a intérêt à ce qu’il réussisse.
Le Hamas, le Hezbollah et les Houthis attendront, Khamenei a un dossier plus urgent
Rappelons qu’au moment où Israël liquidait le leader du Hezbollah, Hassan Nasrallah, Téhéran et Washington négociaient autour du nucléaire iranien, ou plutôt des garanties pour que l’embargo sur l’économie décrété par les USA soit levé. La mort de Nasrallah et d’une kyrielle de responsables du Hamas et du Hezbollah a figé les discussions, comme l’attaque du 7 octobre 2023 et la réplique israélienne avaient gelé la normalisation entre l’Arabie saoudite et l’Etat hébreu. Le dossier du nucléaire iranien est d’autant plus important que c’est Trump qui avait fracassé l’Accord de Vienne, pour lequel Barack Obama avait mouillé la chemise.
Le nouveau président iranien, Massoud Pezeshkian, en a fait une priorité dès son installation. Il avait très vite envoyé des signaux en direction des Européens, mais tout le monde a compris que c’est surtout Washington qui l’intéresse. Hasard du calendrier : le patron de l’AIEA (Agence internationale de l’énergie atomique), Rafael Grossi, est annoncé ce 15 novembre à Téhéran, pour enfin inspecter les sites nucléaires qui empêchent les Occidentaux – et les Saoudiens – de dormir. L’Ayatollah Ali Khamenei a dit publiquement qu’il veut montrer au monde que l’Iran ne cuisine rien de funeste dans ses centrales.
Si les Mollahs sont si volontaristes – en tout cas dans les déclarations – c’est parce qu’il y a urgence pour lever des sanctions qui étranglent leur économie. Pour le régime il n’y a rien de plus dangereux que des millions de jeunes qui ont faim, qui n’ont aucune perspective d’insertion sociale. Tenir le pays d’une main de fer, sanguinolente, ne résoudra pas tout. Donc c’est ça la priorité de Khamenei, le Hamas, le Hezbollah et les Houthis du Yémen viennent bien après.
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