Monde

L’Ukraine a aussi ses moutons noirs : L’horreur de la corruption en pleine guerre

Partager

Même dans les pires circonstances la nature humaine reste ce qu’elle est. Même dans l’horreur de la guerre certains, idéalement placés, contournent les systèmes de veille pour faire main basse sur le bien commun. L’Ukraine, martyrisée par la Russie depuis presque un an, a aussi ses moutons noirs, ses bourreaux. Il y a quelques mois des scandales avaient éclaté, mouillant de hauts responsables dans des affaires de trahison, de corruption, de collusion avec l’ennemi – la Russie. D’autres affaires retentissantes viennent d’émerger…

De toute évidence l’utilisation des deniers publics en Ukraine – composés essentiellement de financements étrangers puisque l’économie locale est par terre – pose un énorme problème au président Volodymyr Zelensky. Le ministre de la Défense, Oleksiy Reznikov, est un cas d’école…

D’après le site d’information ZN.UA, il est cité dans une affaire de contrats facturés deux à trois fois leurs prix réels ; il s’agit de marchés pour des produits alimentaires de première nécessité dédiés aux militaires. Le ministre rétorque que les accusations sont «fausses», ça n’a pas empêché un audit interne ordonné par son propre département pour faire la lumière sur cette sombre affaire. Certes il est encore en place mais l’opprobre est déjà là.

Il y aussi Vasyl Lozynkiï, le vice-ministre du Développement des Communautés et des Territoires ; il a éjecté dimanche dernier. Il est actuellement incarcéré dans le cadre d’une enquête du Bureau national ukrainien de lutte contre la corruption (NABU). Il est soupçonné de détournement de fonds destinés à l’achat d’équipements et de générateurs électriques, pour un montant de près de 400 000 dollars…

On parle carrément d’un «groupe criminel organisé» dans le communiqué du NABU. Une ribambelle de fonctionnaires sont accusés d’avoir mis la main sur «une partie des fonds de l’État» qui devaient servir à «fournir à la population des sources alternatives d’approvisionnement en lumière, en chaleur et en eau pendant la période hivernale», rapporte HuffPost ce vendredi 27 janvier

On peut aussi parler de ce vice-procureur contraint à la démission après le tollé provoqué par ses vacances en Espagne, en pleine guerre ou encore de la dulcinée du gouverneur dont l’entreprise rafle des marchés publics chiffrés à plusieurs millions d’euros. Même Kyrylo Timochenko, le deuxième responsable du bureau présidentiel et proche de Zelensky, a fauté en s’appropriant un 4×4 affecté à l’aide humanitaire. Il a été limogé pour ça.

Pour le moment les alliés de l’Ukraine mettent le couvert sur ces scandales en cascade mais il est évident que des comptes seront demandés sur l’utilisation de tous ces milliards d’euros de dons et prêts. A noter que le fléau de la corruption n’est pas une nouveauté dans le pays, c’est juste que la guerre le rend encore plus horrible. Rappelons que l’Ukraine est très loin de faire partie des vertueux de la planète, avec une 122e position sur 180 pays dans l’indice de corruption de l’ONG Transparency International.

Voilà comment la politologue Alexandra Goujon, maître de conférences à l’Université de Bourgogne et spécialiste de l’Ukraine, voit les choses : «Depuis la Révolution de Maidan en 2014, la société civile, les ONG de lutte contre la corruption et les journalistes d’investigations mettent une pression constante sur le gouvernement pour en finir avec la corruption systémique dans le pays»…

«La guerre et les bailleurs de fonds accentuent encore cette pression : le pays dépend aujourd’hui tellement de l’aide étrangère qu’il ne peut pas se permettre de ne pas lutter contre la corruption (…). Malheureusement, elle est tellement présente à toutes les échelles, qu’elle se manifestera forcément dans les domaines qui ont pris de l’ampleur ces derniers mois, tels que l’alimentation ou l’énergie», ajoute l’experte.

Le président Zelensky a publiquement sonné le rassemblement autour du combat contre la corruption. Dans la vidéo publiée dimanche 22 janvier, il a déclaré que le gouvernement trouvera le remède à ce mal endémique et qui le préoccupe au plus haut point. «Je veux que ce soit clair : il n’y aura pas de retour à ce qui existait dans le passé», a-t-il asséné.

Il est évident qu’en l’état, sans un toilettage en profondeur des pratiques au sommet de l’Etat ukrainien, l’adhésion à l’Union européenne (UE) restera un voeu pieux. «Si l’Ukraine espère un jour devenir État membre de l’UE et continuer à toucher des subventions, notamment pour la reconstitution du pays après la guerre, elle doit donner des gages en matière de corruption et d’État de droit», a dit Alexandra Goujon.

Le sommet UE-Ukraine est prévu le 3 février 2023 à Kiev, nul doute que les derniers scandales chez Zelensky y seront en bonne place.

 

Laissez un commentaire