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Ma vie: Couple avec 02 filles de Cité El Intilaka

Ma vie: Couple avec 02 filles de Cité El Intilaka

Tunisie Numérique a mené une série d’interviews auprès des familles tunisiennes pour savoir comment elles gèrent leurs budgets en ces temps de crise que traverse le pays.

Ces tunisiens proviennent de différentes classes sociales, sont d’âges différents et habitent dans des quartiers aussi bien huppés que populaires. Ils ont accepté volontairement de répondre de manière spontanée et anonyme aux questions de Tunisie Numérique. Les récits ont été retranscrits tels quels.

Le mari: Slah, 55 ans, coiffeur.

La femme: Najet, 45 ans, femme au foyer.

Le couple a 02 filles :

  • Karima a 16 ans. Elle est en 2éme année secondaire.
  • Rahma a 13 ans. Elle est en 2éme année de l’enseignement de base dans un collège.

Slah est coiffeur à Douar Hicher. La famille habite à Cité El Intilaka à près de 5 kilomètres du travail de Slah.

Slah se présente à nous : « Je suis un coiffeur traditionnel, je travaille à l’ancienne ».

Slah nous confie que son travail n’est pas bien desservi par le transport. Il est souvent obligé de prendre un taxi s’il en trouve sinon il est contraint de faire une marche d’une quarantaine de minutes.

Slah nous parle de son travail : « Je facture un rasage à 1,5 dinars et une coupe avec barbe à 5 dinars. J’ai ces tarifs depuis longtemps. Je ne peux pas les changer. Je travaille dans un quartier populaire, où il y a beaucoup de misère. J’ai ma clientèle. ».

Slah rajoute : « Mon local me coûte 300 dinars de loyer par mois. Hamdoullah mon propriétaire n’a pas augmenté le loyer. Il comprend ma situation difficile Yarham Waldih-   يرحم والديه  ».  Slah continue : « Pour mes recettes, ça dépend des jours…. Koll Nhar et Kassmou – Chaque jour sa cagnotte- كل نهار وقسمو  ».

Slah : Ma situation s’est dégradée ces dernières années

Slah nous donne plus de détails sur sa situation : « Avant je travaillais 6 jours sur 7. Le lundi, c’était mon jour de repos, comme tous les coiffeurs. Le jour sacré ! Quoi qu’il arrivât, je n’ai pas travaillé les lundis.

Maintenant, je suis obligé de travailler les lundis après-midi, pour servir quelques clients. Allah Ghaleb Denya Soobet- La vie est devenue diffcile- الدنيا صعبت ».

Slah continue : « Je pourrais augmenter mes tarifs, pour avoir plus de recettes. Pour cela, il faudra investir. Actuellement ce n’est pas possible. Je n’ai pas de quoi acheter le nouveau matériel comme cet appareil pour épiler les narines et les produits comme les autres salons de coiffure, comme gels de rasage ou les cires pour les cheveux. Je fais l’épilation du visage à l’ancienne, avec un fil- بالخيط ».

Slah précise encore : « Autre chose, je n’ai pas de télé dans mon local. Je mets la radio. Certains de mes clients s’ennuient pendant l’attente de leur tour et finissent par partir…  Par contre avec une télé, ils auraient pu regarder le match ou un film. La télé aurait pu les faire patienter et les retenir…  Je n’ai également pas de climatiseur, ni de chauffage non plus. Mais d’un autre côté, même si je me débrouille et j’installe la climatisation et la télé, ça va augmenter la facture de la STEG. ».

Najet : Le plus grand problème de notre famille est que nous n’avons pas de couverture sociale.

Najet prend la parole timidement et nous confie :  « J’ai essayé d’obtenir le carnet blanc permettant la gratuité de soins à l’hôpital. Au ministère des affaires sociales, on me l’a refusé. On m’a promis le carnet de soins jaune pour les aides occasionnelles comme les médicaments et les tarifs réduits à l’hôpital. La procédure est en cours, je l’aurai, Inchallah ce carnet. ».

Najet continue : « On vit grâce à la générosité de mon père que dieu le garde – ربي يخليه, qui nous cède deux chambres dans sa maison. ».

Najet tient à rajouter : « Je suis malade. J’ai une maladie chronique de l’estomac. Ça demande beaucoup de frais de soins. Mon mari est fatigué à cause de moi… On a beaucoup de dépenses pour mes médicaments et les visites médicales. ».

En dirigeant le regard par terre, comme pour éviter le regard de notre journaliste, Najet dit : « Cet été nous étions obligés de faire travailler notre fille ainée, Karima, dans un atelier de maroquinerie clandestin pour 200 dinars de salaire par mois. Ça a aidé temporairement notre famille. ».

Les fêtes, on ne les fête plus ! On ne peut plus se permettre !

Parlant de la situation difficile Slah nous lance : « Depuis 3 ans nous n’achetons plus de mouton pour l’Aïd. Si on a assez d’argent, on achète un peu de viande.  Idem pour l’Aïd Sghir. Nos revenus ne nous permettent pas d’économiser pour acheter les vêtements neufs de l’Aïd. On achète la tenue de l’Aïd seulement pour notre plus jeune fille, si nos finances le permettent. Sinon, on s’habille tous à la fripe, le sponsor officiel du pauvre ! ».

Comment la situation de la famille s’est dégradée ces dernières années

Slah tient à nous parler plus en détails de la situation familiale : « Avant, pendant l’hiver, je rentrais chez moi du travail vers 18 h, je marchais à l’aller et au retour. Je faisais mes courses en chemin. En été, je travaillais jusqu’à 21h. Ca s’était avant Ya Hassra-  يا حسرة Maintenant, la vie est devenue très chère et très compliquée. Mes filles ont grandi et leurs besoins ont suivi. J’ai du changer mes horaires du travail.

Depuis deux ans, pendant l’hiver, je ne rentre chez moi qu’après 22h. En été je veille au travail jusqu’à l’aube. Il m’arrive de dormir dans mon salon. Je fais ça pour pouvoir gagner plus d’argent tant qu’il me reste de la force-مادام عندي جهد   »

Slah, angoissé, continue : « Avant, j’achetais 1 litre d’huile subventionnée-زيت الحاكم  à 900 millimes. Maintenant, il n’y plus d’huile subventionnée. Je suis obligé d’acheter 5 litres d’huile à plus de 35 dinars. C’est plus que je gagne en une journée ! ». Slah rajoute : « Avant, il me fallait 2.5 dinars par jour pour les goûter de mes deux filles, maintenant il en faut plus de 6 dinars. »

Le micro crédit : Rembourser ou ….

Slah lance un soupire et nous parle de son micro-crédit : «  J’ai emprunté un micro crédit, les mensualités ne sont pas très importantes, mais je n’arrivais plus à les payer à temps. Ils m’ont envoyé un huissier notaire à la maison… j’ai pu négocier, on m’a réduit un peu les mensualités… ».

Slah: Ma situation est précaire. Je n’ai pas de solution. Soit je me lève et je vais travailler, soit je vais en la prison pour mes dettes. 

Slah reprend son souffle et rajoute avec un air résigné: « Tout a augmenté d’une façon exorbitante. Cependant, je ne peux pas augmenter mes tarifs. J’exerce dans un quartier populaire et ma clientèle s’appauvri elle aussi… Depuis des années, je coiffe certains de mes clients gratuitement parce qu’ils n’ont pas de quoi payer. Je ne peux pas les lâcher. ».

Salah nous confie : « Durant une bonne journée, je peux gagner de 40 à 50 dinars. Je donne à ma femme 30 dinars par jour pour gérer les besoins de la maison. Le reste est pour moi pour mes cigarettes, mon transport et mon café. En hiver, mes revenus baissent. Je ne gagne que 15 dinars par jour en moyenne. ».

Avant de finir Slah tient à passer un dernier message : «L’avenir du pays n’est pas clair, on n’a pas de visibilité الرؤية موش واضحة. La Tunisie se portera mieux si on élimine les vols السرقة, la corruption    الرشوة  et le favoritisme.المحسوبية والمحابات ».

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