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Ma vie: Couple avec 03 enfants de Sidi Bouzid

Ma vie: Couple avec 03 enfants de Sidi Bouzid

Tunisie Numérique a mené une série d’interviews auprès des familles tunisiennes pour savoir comment elles gèrent leurs budgets en ces temps de crise que traverse le pays.

Ces tunisiens proviennent de différentes classes sociales, sont d’âges différents et habitent dans des quartiers aussi bien huppés que populaires. Ils ont accepté volontairement de répondre de manière spontanée et anonyme aux questions de Tunisie Numérique. Les récits ont été retranscrits tels quels.

Le mari: Chokri, 47 ans, mécanicien

La femme: Najla, 37 ans, ouvrière agricole

Chokri et Najla sont mariés depuis 14 ans, ils ont 03 enfants : Une fille Dorra de 13 ans, Nabil de 11 ans et Khairi de 07 ans.

La famille habite dans une maison située dans le quartier agricole de la ville de Sidi Bouzid.

Chokri a une moto qu’il utilise pour aller à son travail.  Chokri nous confie qu’il avait une voiture et qu’il a été obligé de la vendre vu les frais assez élevés. Il nous dit « J’ai été obligé de me séparer de ma voiture qui me coûtait de plus en plus cher »

Chokri rajoute « C’est vrai que je suis mécanicien mais une voiture ce n’est pas juste des réparations : c’est une assurance, une vignette, de l’essence, de nouvelles pièces, … Des fois j’utilise les voitures que les clients me confient pour des réparations ».

Najla utilise des fois le transport public pour faire ses courses. Le quartier dans lequel habite la famille est très mal desservi. Najla nous informe que les habitants du quartier ont trouvé la solution : « Dans mon quartier, ceux qui ont des voitures proposent le transport. Bien sûr ce n’est pas gratuit ».  

Chokri n’a pas de salaire fixe étant donné qu’il exerce une profession libérale. Il gagne en moyenne 1 000 dinars par mois.

Najla nous parle des finances du foyer familial : « C’est la situation précaire de Chokri qui m’a poussé à travailler en tant qu’ouvrière agricole.  Je peux ainsi couvrir mes dépenses ainsi que celles de mes enfants ».

Le couple n’a pas de couverture sociale.

Chokri est originaire d’un village de la délégation de Souk Jdid السوق الجديد. Il est mécanicien dans un garage qu’il partage avec son petit frère.

Chokri prend la parole et dit : « La vie devient de plus en plus dure chaque jour. La cherté de la vie est incontrôlable. Il y a 10 ans en arrière, mon revenu m’a servi à acquérir un petit terrain sur lequel j’ai bâti ma maison actuelle. J’ai fait une bonne affaire, le terrain ne m’a coûté que 5 000 dinars. ».

« Impossible d’acheter un terrain pareil avec ce prix aujourd’hui même dans un lieu reculé, c’est impossible » rajoute Chokri.

Chokri reprend rapidement la parole et rajoute : « Les besoins des enfants augmentent de jour en jour. La génération d’aujourd’hui vit à l’ère d’Internet et de la mondialisation. Les ‘‘cerveaux عقول ‘’ des jeunes d’aujourd’hui ne se comparent à nos petites têtes ‘‘ عقولنا الصغيرة ‘‘. A leur âge on se satisfaisait avec les jeux les plus simples et des fois on les fabriquait de nos mains».

Chokri nous raconte qu’il n’a pas fini son enseignement secondaire et a dû quitter les bancs de l’école assez tôt.  Chokri nous dit : « J’ai choisi de quitter le lycée prématurément. Je devais aider mon père. Mon entourage n’encourageait pas à continuer ses études. »

Chokri rajoute : « J’essaie de fournir à mes enfants tout ce dont ils ont besoin. Je veux qu’ils ne manquent de rien. Quand j’étais jeune j’ai assez souffert, on manquait de tout. C’était difficile. Je ne veux pas que mes enfants vivent ça ! ».

Najla est originaire de la même délégation que Chokri.  Elle a grandi dans un quartier populaire de Sidi Bouzid. Elle n’a pas dépassé le collège.

Najla nous confie avec amertume : « Personne dans ma famille ou mon entourage n’a de diplôme. A l’époque on n’encourageait pas à réussir dans ses études. L’objectif était d’obtenir un travail rapidement. ».

Najla nous précise qu’elle vient d’une famille modeste de 03 sœurs et 02 frères.

Le papa de Najla est ouvrier journalier dans le secteur de la construction. Sa mère est agente d’entretien dans un établissement de l’administration publique. Selon Najla, tous ses frères et sœurs ont quitté assez jeunes l’école.

Najla nous dit avec regret: « Plusieurs fois, je constate une différence avec les femmes de ma génération, celles qui ont fait des études. Je me sens inférieure mentalement. C’est pour ça que j’encourage continuellement mes enfants à avancer dans leurs études. Je fais un maximum d’efforts pour leur fournir les conditions propices. D’un autre côté, je déprime quand je vois des diplômés de l’enseignement supérieur chômer et qui n’arrivent pas à trouver du travail ! ».

Najla rajoute avec un air résigné : « Je suis obligée de prendre les camions de la mort pour aller travailler parce que je ne veux pas que mes enfants vivent la privation dans laquelle j’ai vécu. ».

Najla, regarde rapidement Chokri et rajoute : « Chokri est contre ce travail. Mon rêve est de finir la maison. Il nous faut 30 000 dinars pour achever le foyer ».

Durant l’hiver, la saison de pic d’activité, Najla confie ses enfants à une garderie pour 200 dinars par mois.

Najla revient sur son travail : « Tous les jours, je prends le risque de la route, je ne sais pas si je vais rentrer en un morceau ! C’est devenu de plus en plus fréquent,  il y a un accident de la circulation impliquant les camions de la mort presque quotidiennement. Des ouvrières agricoles ‘‘Kadihate نــسـاء كــادحـات ‘’ en ont fait les frais ‘‘Allah Yarhamhom الله يرحمهم‘’ . Pour aider mon mari et pour mes enfants j’ai accepté ce risque ! ».

Najla rajoute : « Depuis 05 ans, le revenu de mon mari a considérablement baissé.  Nous avons réduit notre consommation au strict minimum. Je ne veux pas que mes enfants vivent la privation dans laquelle j’ai vécu. »

Le couple et leurs 03 enfants passent les vacances scolaires dans la maison de compagne de la famille élargie.

Durant la période estivale, la famille passe 05 jours dans la ville de Sousse où la location d’une maison pour une courte durée reste plus à la portée d’un budget limité selon le couple.

Budget de la famille :  1 200 dinars par mois en moyenne

Salaire mensuel de Chokri : 1 000 dinars.

Salaire mensuel de Najla : 200 dinars.

Dépenses :

  • Nourriture et produits ménagers : 400 dinars par mois
  • 200 dinars par mois pour les frais de transport
  • Facture de la SONEDE : 40 dinars par trimestre
  • Facture de la STEG :75 dinars chaque 2 mois
  • 50 dinars par mois pour les frais de santé.
  • Argent de poche de Chokri : 100 dinars par mois
  • Argent de poche de Najla : 50 dinars par mois
  • PAS d’Internet

C’est uniquement pour la fête de l’Aïd Seghir que la famille s’achète des vêtements neufs dans les magasins de prêt à porter.

La famille épargne durant 05 mois pour la cagnotte de l’Aïd Kebir qui dépasse rarement les 300 dinars.

Najla nous raconte qu’à la veille de chaque rentrée scolaire, elle vit un ‘‘vrai cauchemar’’.

Najla nous confie : « Je dois acheter des vêtements et de la fourniture scolaire pour chacun des 03 enfants. C’est en moyenne 450 dinars pour septembre, soit près de 150 dinars par ‘‘gamin غشير’’.   C’est un trou énorme dans le budget. Chokri et moi faisons tout pour qu’ils ne manquent de rien devant leurs amis et proches. ».

Avant de finir Najla rajoute : « La vie est trop dure. Les familles à revenus limités comme nous n’ont aucun pouvoir d’achat. Personnellement nous sommes les vrais militants. Nous militons et faisons des sacrifices pour pouvoir manger et survivre. C’est une vraie tragédie, c’est la dure vérité ! ».

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