Tunisie Numérique a mené une série d’interviews auprès des familles tunisiennes pour savoir comment elles gèrent leurs budgets en ces temps de crise que traverse le pays.
Ces tunisiens proviennent de différentes classes sociales, sont d’âges différents et habitent dans des quartiers aussi bien huppés que populaires. Ils ont accepté volontairement de répondre de manière spontanée et anonyme aux questions de Tunisie Numérique. Les récits ont été retranscrits tels quels.
Le mari: Houssem, 39 ans, pizzaiolo
La femme: Raouia, 30 ans, surveillante dans école privée, elle est diplômée en langue arabe.
Houssem et Raouia n’ont qu’un enfant : Un garçon, Haroun âgé de 04 ans.
Houssem et Raouia ont étudié dans la même école. C’est là qu’ils se sont rencontrés pour la première fois.
Raouia a terminé ses études secondaires et supérieures, tandis que Houssem s’est tourné vers la formation professionnelle et a commencé à travailler à 19 ans.
Les époux travaillent à deux pas du quartier Ettadhamen où ils habitent. Ils n’ont pas besoin de transport publique pour aller au boulot.
Houssem : « Je travaille dans une pizzeria, je suis payé à la journée. J’ai 20 ans d’expérience. ».
Houssem nous parle de son métier : « Je travaille le soir, j’ai décidé que ce soit ainsi, car je suis mieux payé. Parfois je termine à 4 heures du matin, ça dépend des commandes. Mon travail est nocif, je suis à coté d’un four pendant des heures. J’attrape froid souvent en sortant de la pizzeria ». Houssem rajoute avec un jeu de mot : « L’été c’est une fournaise, c’est l’enfer. Il fait autant chaud à l’intérieur qu’à l’extérieur, je cuis ».
Houssem reprend un air sérieux et nous dit : « A la fin de ma journée je touche 60 dinars. Je travaille 6 jours sur 7. C’est vrai que j’ai un bon salaire, mais mon patron ne me déclare pas, je n’ai pas de CNSS. ».
A propos de sa couverture sociale Houssem nous confie : « Je pense à mon avenir : Comment je vais faire sans cotisation pour la retraite et sans couverture médicale. ».
Houssem rajoute : « Mes anciens collègues ont demandé à être déclarés, mais notre patron a refusé. Il a dit que la pizzeria n’est pas rentable. Ensuite il les a mis à la porte. Je n’avais pas le choix. ».
Houssem nous informe qu’il a travaillé avant dans une autre pizzeria, où le patron déclarait ses employés, mais le salaire était de 30 dinars par jour.
Raouia : « Les concours nationaux sont une arnaque et servent à renflouer les caisses de l’Etat. »
Raouia prend la parole et nous dit: « Depuis que j’ai terminé mes études à la fac des lettres, je n’ai pas arrêté de participer à des concours nationaux. » Toute frustrée elle ajoute : « Je voulais vous dire : les concours nationaux ne sont qu’une source de revenu pour l’Etat. A chaque candidature, c’est 15 dinars de frais de dossier. Je paye ces 15 dinars à la Poste. Et comme à chaque fois à la fin du concours, je ne suis pas informée des résultats. Je ne sais pas pour quelles raisons je suis rejetée. D’après moi, c’est une arnaque, j’en suis convaincue, croyez-moi ».
Raouia tient à partager avec nous une de ses ‘‘aventures rigolottes et tristes المضحكات و المبكيات ’’ elle nous raconte : « J’ai participé dans un concours pour un poste au ministère des affaires étrangères, à l’époque où Youssef Chahed était notre chef du gouvernement. Nous étions 15.000 candidats venus de toute la république. On a passé les examens au campus de Manouba. J’ai su que des fraudes ont eu lieu dans les 2 salles d’examens sous les yeux des surveillants complices. Le concours a été annulé. Beaucoup de candidats ont fait le déplacement à la capitale, ont dépensé de l’argent malgré leur chômage et bien sûr ils ont payé les fameux 15 dinars… C’est une honte pour l’Etat tunisien. ».
Raouia enthousiasmée nous dit : « J’étais au chômage après la fac. Je ne trouvais pas de travail. Je devais bosser. J’ai donc accepté un boulot dans une garderie pour 200 dinars par mois. Maintenant je suis plus à l’aise. Mon salaire est de 400 dinars par mois. Je suis surveillante dans une école primaire privée. ».
Loyer pas cher et mari sans “fssed فساد “(mauvaises habitudes ou vices)
Raouia nous parle de la situation financière du foyer: « Dieu merci, notre loyer n’est pas cher et mon mari n’a pas de “fssed فساد “(mauvaises habitudes ou vices) il ne fume pas, ne boit pas et ne joue pas aux jeux de hasard. C’est pour ça, qu’on s’en sort à Tunis. Sinon, ça aurait été très dur de survivre. Vous avez vu ces prix ? Les prix ont flambé ! ».
Raouia nous confie que sa famille ainsi que celle de Houssem habitent dans le même quartier. Elles les aident avec des plats cuisinés, des épices et de l’huile d’olive.
Argent de poche de Houssem : 100 Dinars par mois dépensés entre coiffeur, hammam et produits cosmétiques.
Argent de poche de Raouia : 100 dinars par mois pour le coiffeur, le maquillage et le parfum.
Budget alloué à Haroun : 400 dinars par mois. Cette somme est partagée comme suit : 300 dinars pour le lait, les habits et le goûter. Et 100 dinars pour le jardin d’enfants.
Budget de la famille : 1 960 dinars par mois en moyenne
Salaire mensuel de Houssem : 1 560 dinars.
Salaire mensuel de Raouia : 400 dinars.
Dépenses :
- Loyer pour un S+1 : 300 dinars par mois
- Facture de la SONEDE : 60 dinars par trimestre
- Facture de la STEG :80 dinars chaque 2 mois
- Frais Internet ADSL : 31 dinars par mois
- Nourriture et produits ménagers : 600 dinars par mois
- Budget de Haroun : 400 dinars par mois
- Cagnotte Aïd Kébir et Aïd Seghir : 150 dinars mis de côté chaque mois
Pour la fête de l’Aïd Seghir la famille achète une tenue complète neuve pour Haroun. Le couple ne s’achète qu’une pièce de vêtement neuf pour chacun. La famille s’habille à la « fripe de luxe » et dans les boutiques.
La famille réserve 100 dinars par mois pour les sorties à la banlieue nord de Tunis. Une à deux fois par mois, la famille fait une sortie et s’offre un resto.
Raouia nous informe que le couple fait des efforts pour alimenter une épargne de 100 dinars par mois.
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