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Ma vie: Couple de la Marsa avec deux filles

Ma vie: Couple de la Marsa avec deux filles

Tunisie Numérique a mené une série d’interviews auprès des familles tunisiennes pour savoir comment elles gèrent leurs budgets en ces temps de crise que traverse le pays.

Ces tunisiens proviennent de différentes classes sociales, sont d’âges différents et habitent dans des quartiers aussi bien huppés que populaires. Ils ont accepté volontairement de répondre de manière spontanée et anonyme aux questions de Tunisie Numérique. Les récits ont été retranscrits tels quels.

Fakhri a 47 ans. Il chef d’entreprise filiale d’une multinationale.

Sa femme Balkis a 33 ans. Elle ne travaille pas et s’occupe de la famille.

Le couple a deux filles : Lina âgée de 8 ans et Aya âgée de 6 ans.

La famille habite dans une petite villa de location à la Marsa dans la banlieue Nord de la capitale.

La famille a deux voitures.

Fakhri raconte son retour en Tunisie

Fakhri nous confie : « J’ai eu mon bac avec mention très bien. J’ai fait la prépa dans une grande école en France et puis j’ai fait mes études d’ingéniorat ».

Fakhri continue : « Ma femme a étudié dans une école de commerce à Tunis. Nous nous sommes mariés en Tunisie. Ma femme m’a ensuite rejoint en France. En 2019,  la société où j’ai travaillé à Paris a annoncé qu’elle allait ouvrir sa filiale à Tunis. Et étant franco-tunisien, j’étais le mieux placé pour chapeauter la nouvelle unité de ma boîte ».

Fakhri nous précise : « C’est tombé à pic car j’ai tenu à ce que mes filles soient imbibées de la culture tunisienne. Et voilà qu’en 2020,  je m’installe à Tunis avec ma petite famille ».

Fakhri nous parle de ses revenus : « Ma société est spécialisée dans l’informatique financière. J’avais un salaire ‘‘de rêve’’ de 10 000 dinars par mois. A raison de 14 salaires par an c’était le Jackpot. Il n’y avait aucune comparaison avec le salaire de 1 200 dinars par mois touché par mon père, si je me rappelle bien.».

Fakhri continue : « En 2022, mon salaire a été revu à la hausse. Je touche actuellement 12 000  dinars par mois, 14 salaires/an ».

Je voulais que mes enfants soient élevés dans les traditions tunisiennes

Fakhri nous apprend: « J’ai inscrit mes filles dans une école privée du système tunisien au Lac.  C’était un choix bien réfléchi. L’avantage de cette école c’est qu’on apprend le programme tunisien en arabe et que le français est enseigné dès la première année »

Fakhri  continue : « Vu mon salaire considéré comme ‘‘généreux’’ pour la Tunisie, nous avons décidé en couple, que Balkis ne travaillera pas et s’occupera de la famille ainsi que de l’éducation de nos filles ».

Malgré l’augmentation de mon salaire de 20 %, et en gardant le même rythme de vie, j’ai constaté avec étonnement, que … je n’arrive plus à boucler les fins du mois.

Fakhri nous dit : « Malgré un salaire mensuel de 12 000 dinars, je n’arrive plus à boucler les fins de mois. Je touche plus d’argent depuis 2020 mais ça devient corsé ».

Fakhri nous donne plus de détails sur le budget familial.

  • Revenu mensuel : 12 000 dinars par mois, soit 168 000 dinars par an pour 14 salaires.
  • La scolarité de 2 filles plus les frais de goûter, panier, sorties scolaires et fournitures : 15 000 dinars par an.
  • Loyer d’une villa à la Marsa : 3 400 dinars/mois.
  • Courses pour la maison (nourriture et produits de ménage) : 1 000 dinars par mois.
  • Loisirs et clubs pour les 2 filles : 500 dinars /mois.
  • Essence pour les deux voitures : 800 dinars /mois et ce sans compter les bons d’essence de la société de Fakhri.
  • Sorties en famille et resto en couple 1 fois par mois : 500 dinars /mois.
  • Salaire de la femme de ménage : 480 dinars/ mois. La femme de ménage vient 3 fois par semaine. Fakhri nous dit que  la famille refuse que la femme de ménage soit logée chez eux.   «Pas de couchante » nous affirme Balkis.
  • Sorties avec les amis et autres loisirs : 1 000 dinars/mois.

Une fois par an, toute la famille part en voyage en Europe pendant la période des soldes.

Balkis nous dit : « On fait notre shopping pour l’année, pour toute la famille et on profite des soldes ».

  • Le coût du voyage familial: 20 000 dinars.

La famille préfère acheter les parascolaires en France. Elle trouve qu’en Tunisie, les mêmes manuels coûtent plus cher.

La hantise de Fakhri : L’absence d’épargne

Fakhri nous confie son objectif : « Mon son seul regret c’est de ne pas atteindre mon objectif d’épargner chaque mois 1 000 dinars ».

Fakhri nous dit : « Je sais que je suis privilégié et que mon salaire est assez élevé pour la Tunisie. Je n’arrive toujours pas à constituer et alimenter une épargne en gardant le même rythme de vie. Je suis conscient que je dois revoir mes dépenses, je n’arrive plus à boucler les mois. Heureusement que j’ai 14 salaires par an. C’est ma bouffée d’oxygène !».

Fakhri relativise : « Si moi, chef d’entreprise, très bien rémunéré, je suis impacté par inflation, alors que dire de la majorité des tunisiens qui vivent avec des salaires 10 fois inférieurs au mien ! Comment font-ils pour s’en sortir ? Je réalise ça. Cela m’attriste».

 Les 4 choses que je n’arrive pas à comprendre en Tunisie 

Fakhri exprime son incompréhension et nous expose ses 4 préoccupations ‘‘existentielles’’.

  1. Pourquoi les rues sont si… sales ?

Fakhri nous dit à ce sujet : « Chaque fois que je reçois des étrangers à Tunis, ils me reposent tous la même question : Pourquoi les rues sont sales ? Pourtant, il suffit d’installer les poubelles partout et de faire le ramassage ! ».

  1. Il n’y a aucune grande place publique ni des espaces piétons

Fakhri raconte : « On n’a pas où marcher à pied à Tunis. Les trottoirs sont quasi inexistants. S’ils existent, ils sont occupés par les arbres, par les panneaux d’affichage ou carrément par les voitures garées sans aucune impunité ».

  1. Le summum de la bureaucratie tunisienne : la signature légalisée et la copie conforme !

Fakhri s’insurge avec ironie : « Tous les ministres en parlent, mais personne n’ose bannir cette fichue signature légalisée et sa cousine la copie conforme ! Cela ‘‘tague’’ les tunisiens comme de potentiels tricheurs ».

  1. Problème de paiement en devise

Fakhri s’interroge : « Il n’y a toujours pas de Paypal. Vous rendez-vous compte ! En 2022, on ne peut toujours pas payer en devises en toute liberté ! En plus, les commissions des banques sont très élevées ».

Fakhri répond à la question : Comptez-vous repartir en Europe un jour ?

Fakhri nous répond : « Je suis conscient de la chance de vivre à Tunis avec cette qualité de vie. En France, on a habité dans un petit appartement à Paris. On travaillait ‘’non stop’’ tous les deux à longueur de journée. On n’avait pas le temps pour nos filles. On ne les voyait presque pas.  C’est l’état français qui s’occupait de nos filles plus que nous. J’ai vite compris que mes filles seront façonnées à la française et quelles ne seront pas élevées dans la culture tunisienne ».

Fakhri continue : « Ici, à Tunis, mes filles sont épanouies, elles sont très bien entourées. Elles fréquentent plusieurs clubs et font des activités comme la danse classique et l’équitation. D’ailleurs, j’ai très peur d’être en retard à la séance de danse classique : la prof russe est très sévère et exige la ponctualité. Je préfère que ma fille soit à l’heure et être en retard à mes réunions professionnelles », plaisante Fakhri.

Je ne pourrais jamais avoir cette vie en Europe avec le même salaire…

Avant de finir, Fakhri tient à préciser : « L’excellence des clubs pour mes enfants, la vie au bord de la mer, la proximité et l’accessibilité de services et des commerces… tout ça rend notre vie à Tunis incomparable par rapport à la vie qu’on peut s’offrir en Europe avec le même salaire. On s’estime malgré tout très chanceux de vivre à Tunis ».

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