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Ma vie: Couple de Manouba avec une fille unique

Ma vie: Couple de Manouba avec une fille unique

Tunisie Numérique a mené une série d’interviews auprès des familles tunisiennes pour savoir comment elles gèrent leurs budgets en ces temps de crise que traverse le pays.

Ces tunisiens proviennent de différentes classes sociales, sont d’âges différents et habitent dans des quartiers aussi bien huppés que populaires. Ils ont accepté volontairement de répondre de manière spontanée et anonyme aux questions de Tunisie Numérique. Les récits ont été retranscrits tels quels.

Thameur a 50 ans. Il est cordonnier.

Naima a 42 an et travaille en tant que salariée dans une supérette de la capitale.

Le couple a une fille unique, Eya, de 12 ans. Ils habitent dans un appartement, S+1, à Manouba.

Thameur se confie à nous : « Je suis cordonnier. Je répare les chaussures, les sacs, les espadrilles et tous les objets en cuir. Je pose également les fermetures éclair,… ».

Thameur et Naima se considèrent comme une famille de la classe moyenne.

Les tunisiens ne jettent pas leurs affaires, ils les réparent

Thameur nous parle de son travail : « Mon travail de cordonnier n’est pas trop fatiguant par rapport aux autres métiers. Mon travail est assez demandé : jusqu’à aujourd’hui les tunisiens prennent soin de leurs affaires. Surtout aux choses à lesquelles ils tiennent, qui sont leurs souvenirs. Ils réparent et réutilisent les objets, ils ne jettent pas, et c’est tant mieux pour moi ».

Thameur continue avec philosophie : « Chacun sa destinée. Dieu n’oublie personne, chacun a sa destinée, son boulot. Dieu est grand et miséricordieux – ربي ما يضيع حد، الي كاتبلو حاجة ماكلها ماكلها. ربي كبير ويرحم».

A propos des revenus de Thameur

Parlant de ses revenus, Thameur nous dit :  «Chaque jour a sa recette. Mon travail est aléatoire et mes prestations sont diversifiées : Je répare les choses contre 1 à 2 dinars. Parfois c’est plus cher vu le temps nécessaire, comme la couture, le coût des matériaux et des accessoires. Durant une journée je peux gagner entre 20 à 80 dinars. Koll Nhar et Kasmou – كل نهار وقسمو  ».

Thameur nous lance avec ironie : « C’est comme la bourse, ça monte et ça descend…ضربة الفوق وضربة اللوطة».

Thameur continue : « Hamdoullah, je me considère comme privilégié. Je suis ancien locataire de mon atelier qui fait à peine 4 mètres carrés. Je paye seulement 150 dinars par mois.  Mes voisins sont moins chanceux. Les ‘‘nouveaux’’ locataires payent 400 dinars par mois pour des locaux identiques. »

La boutique/atelier de Thameur rassemble à une caverne d’Ali Baba avec des accessoires de tout genre éparpillés un peu partout sans aucune logique apparente d’organisation.

Thameur nous parle fièrement de son métier et de la gestion de son ‘‘affaire’’ : «J’ai commencé mon projet, il y a 14 ans. J’ai acheté au début tous les équipements nécessaires, avec des prix beaucoup moins chers qu’aujourd’hui. Les prix des machines et outils ont flambés depuis. Hamdoullah, je possède tout, je n’acheté que les consommables.  De temps en temps je fais entretenir mes machines et mes outils. Mon calcul est simple :  Je paye mon loyer, j’achète mes fournitures et consommables et le reste des recettes est pour moi. »

Mes meilleurs clients : les vendeurs de fripe

Thameur nous parle de sa clientèle : « Les vendeurs de fripe sont de ‘‘bons clients’’. Ils me ramènent beaucoup de choses à réparer et je leur fais des prix ‘‘de gros’’, je gagne sur la quantité. »

Thameur rajoute fièrement : « Je suis content d’avoir choisi ce métier, qui n’est pas trop dur. Je prends les objets de mes clients et je leur dis quand il faut revenir. Je prends mon temps pour les réparer tranquillement et leur donner une nouvelle vie. J’aime mon métier et je m’applique  à le faire correctement, proprement et surtout honnêtement – نخدم خدمة مرتوبة ، نظيفة و بلاش غشة  ».

Thameur continue : « Je ne remets les objets aux clients que bien réparés. C’est comme ça je les fidélise, et je fais marcher le ‘‘bouche à l’oreille’’. La réputation avant tout – السمعة قبل كل شيء ».

 Je regrette le temps de covid. Je souhaite que la pandémie recommence

Se rappelant la période de la pandémie et son impact sur les professions libérales et les petits métiers Thameur avoue qu’il a bien profité de la pandémie de covid.

Il dit à ce propos: « J’ai fermé ma boutique au public. Je suis resté à l’intérieur à coudre les masques que j’ai vendu à prix plus bas que la concurrence. J’en ai vendu énormément, j’ai bien gagné ma vie avec ça. Il fallait que je me convertisse et que je m’adapte. Mes masques étaient de bonne qualité et à la portée des consommateurs. Le COVID a été une manne pour moi. Ce qui débute mal s’avère parfois très réussi- ربّ ضارّة نافعة».

Thameur donne des conseils pour vivre à capitale.

Thameur tient à adresser un message : « Quand tu sais gérer ton budget tu peux bien vivre à Tunis et même fonder une famille. Le hic c’est de savoir d’où acheter et surtout quoi acheter ».

Thameur explique : « Il y a des choses qui ne sont essentielles mais les tunisiens ‘‘s’obstinent’’ à les acheter : fruits secs, sodas et les gâteaux. Les fruits aussi sont trop chers, on peut s’en passer. Je ne les achète que quand leur prix baisse. On mange beaucoup des légumes chez nous ».

Chaque mois Naima donne l’intégralité de son salaire à son mari.  C’est Thameur qui fait les courses pour la famille.

Thameur nous parle de Naima : «Hamdoullah, j’ai une femme qui partage avec moi le poids de la vie – حمد الله عندي مرا تهز معايا وذان القفة. Elle travaille comme vendeuse, elle nous ramène la nourriture au prix du gros. Elle m’aide pour les dépenses pour la maison, même si son salaire n’est pas très élevé. Malheureusement – الله غالب, aujourd’hui un homme ne peut pas assumer seul les dépenses de la famille à Tunis.  Une main seule n’applaudit pas – يد وحدة ما تصفقش».

Thameur continue : « La crise mondiale à cause de la guerre en Ukraine, les problèmes politiques et économiques de la Tunisie, ont causé l’augmentation vertigineuse du coût de la vie. Et c’est le tunisien qui paye la facture. Il la paye cher- يدفع الثمن غالي ».

Thameur termine : « Tout ça m’oblige en tant que responsable de ma famille à chercher des solutions pour optimiser les dépenses et pouvoir vivre décemment ».

Budget de la famille

Recettes de Thameur avec le salaire de sa femme Naima : 1.500 à 2.000 dinars/mois

  • Dépenses pour la maison, nourriture :  700 dinars/mois.
  • Loyer de l’appartement, un S+1:  350 dinars/mois
  • Loyer du localde Thameur : 150 dinars/mois
  • Facture STEG :  40 dinars /mois
  • Facture SONEDE : 20 dinars/mois
  • Frais Internet : 35 dinars/mois.

La fille de Thameur utilise Internet pour ses études. La famille aime regarder ensemble les films sur Internet.

Naima prend la parole

Naima prend la parole et nous dit : « On vit au jour le jour. On ne dépense pas tout l’argent qu’on gagne. Malgré nos efforts et la privation de certaines envies, on n’arrive pas avoir une cagnotte convenable pour l’AÏd et les vacances d’été ».

Naima continue : « Quand on a un peu d’argent, je prends congé. Je propose à Thameur d’aller à la plage avec nous. S’il accepte de fermer sa boutique et nous accompagner, il et le bienvenu. Sinon, je vais avec ma fille »

Naima nous parle des AÏds : « Pour l’AÏd Kebir, ça dépend de l’année. Si on a de l’argent, on achète le mouton, sinon, comme l’année dernière, on achète un peu de viande. Pour l’AÏd Sghir, je sacrifie mes propres envies, je n’achète du neuf que pour ma fille. Je travaille et je me fatigue pour qu’elle ne manque de rien ».

Naima nous dit : « A la maison on est très organisé, on n’achète rien de superflu. Par exemple : on ne mange pas dehors.  On ne sort qu’une fois par mois dans un taxi. Notre fille est grande, on ne peut plus monter tous les trois sur la mobylette de Thameur. On va dans un café ou salon de thé en famille ».

Naima profite de l’absence de Thameur pour nous dire : « Avant mon mari été passionné de Rami. J’ai tout fait, pour qu’il abandonne cette habitude, trop gourmande en temps et en argent ».

Naima nous confirme que c’est Thameur qui fait les courses à l’exception des achats en promotion qu’elle fait dans l’épicerie où elle travaille ».

Naima nous confie : « Je ne sais pas ‘‘acheter’’ et faire les courses. J’ai essayé au début de notre mariage de gérer le budget, j’ai vite compris que Thameur se débrouillait mieux. Ça va faire bientôt 2 ans que Thameur gère entièrement notre budget. Il part à la recherche des promotions et des bons plans avec une liste des courses bien réfléchie, sans achat impulsifs. A la maison je fais à manger, c’est tout».

Naima : Mon rêve c’est de quitter ce pays, J’en ai marre de cette triste Tunisie.

Naima tient à partager avec nous ses inquiétudes : « Certes, nous vivons correctement mais psychologiquement on se sent étranglés par la situation du pays. L’ambiance générale est morose, ça nous rend pessimistes par rapport l’avenir ».

Thameur intervient et dit : «Je vois certains de mes clients qui ont des voitures neuves. Ils gagnent bien leurs vies. Même eux se plaignent de la mauvaise situation économique du pays, de la mauvaise ambiance, ils ne sont pas heureux avec ce qu’ils ont. Beaucoup de gens partent, ils préfèrent chercher le bonheur ailleurs.  Je les comprends, il n’y a pas des signes que la situation va s’améliorer, on craint que ça va rester comme ça ».

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