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Ma vie: SDF de Tunis, profession Berbèche

Ma vie: SDF de Tunis, profession Berbèche

Tunisie Numérique a mené une série d’interviews auprès des familles tunisiennes pour savoir comment elles gèrent leurs budgets en ces temps de crise que traverse le pays.

Ces tunisiens proviennent de différentes classes sociales, sont d’âges différents et habitent dans des quartiers aussi bien huppés que populaires. Ils ont accepté volontairement de répondre de manière spontanée et anonyme aux questions de Tunisie Numérique. Les récits ont été retranscrits tels quels.

Cet épisode numéro 13 est assez spécial. Notre journaliste a eu la chance de s’entretenir avec Saber un ‘‘Berbèche’’ quinquagénaire.

Le terme ‘‘Berbèche’’ peut être traduit par fouilleur de poubelles. Ces ramasseurs cherchent dans les bacs à ordures et collectent, chacun selon sa spécialité, le pain rassis ou dur, des bouteilles et contenants en plastiques, des objets usagés de tous genres, des métaux, … On en croise de plus en plus dans la capitale et dans les grandes villes où l’impact de la crise économique, la cherté de la vie et la détérioration du pouvoir d’achat laissent peu de place au plus démunis.

Saber nous dit qu’il a 59 ans. Il paraît beaucoup plus vieux.

Saber nous confie : « Je suis SDF, je vis dans la rue. Chaque fois je dors dans des endroits différents : dans les parcs ou à côté d’une mosquée. Je suis fatigué de cette vie. Ça fait 3 ans que je vis dans la rue et que je fouille les poubelles. Je me réveille avec le soleil et je bouge jusqu’à la nuit. ».

Saber rajoute « Ma zone est entre le Lac 0 et Montplaisir. Je ne ramasse que le plastique et les canettes en aluminium. ».

Les tunisiens ne jettent plus le pain !

Plus à l’aise avec notre journaliste, Saber parle de son quotidien : « Les habitudes des tunisiens ont changé. Ils ne jettent plus le pain et la nourriture comme avant. »

Saber rajoute : « Avant je trouvais souvent dans les poubelles des restes de nourriture encore mangeables. Il y avait de la viande et du poisson cuisinés, encore bons. Je n’en trouve plus maintenant. ».

Avec un geste des mains signifiant la fin, Saber précise « Certaines fois j’ai trouvé dans les poubelles des téléphones portables, des câbles d’alimentation, les tunisiens jetaient de tout. Maintenant, les gens ne jettent plus les choses de valeur : les espadrilles, les appareils électroniques, on ne les trouve plus dans les poubelles de Tunis. ».

Je gagne environ 13 à 14 dinars par jour, je mange avec ça, je n’ai pas de quoi payer un loyer.

Parlant de son travail Saber nous dit « Je vais faire ce travail jusqu’à ce que le bon dieu vienne me chercher ‘‘ line rabii ihez mtaouلين ربي يهز متاعو ’’ ». Il rajoute avec un regard fuyant: « Mon avenir est incertain. Peut-être que je vais mourir dans une poubelle. ».

Nous parlant de son passé, Saber raconte « J’étais marié, j’ai divorcé. Je n’ai jamais eu d’enfants. Je n’ai personne pour m’aider. J’ai un diplôme universitaire en langue arabe. Mais j’ai toujours fait des petits boulots. ».

Quand je tombe malade, je me repose, j’attends que ça passe, je n’ai pas le choix.

Sur un air résigné Saber nous dit « Je n’ai pas de quoi me soigner. Le bon dieu me protège, je crois ».

Saber s’adresse aux tunisiens.

Saber nous demande s’il peut adresser un message aux tunisiens. : « Je vous invite à sortir une nuit et voir où dorment vos concitoyens : dans les maisons en ruines de Bab Souika et la Medina. Regardez-nous les Berbechas, comment on vit dans la rue, parfois on dort sans manger et sans pourvoir se couvrir. ».

Où est l’Etat ?

Saber s’insurge et nous dit : « Pourquoi l’Etat fait semblant que les gens comme moi n’existent pas ? Où sont les dortoirs pour qu’on puisse passer la nuit et nous laver, le minimum pour garder notre dignité ? ».

Saber rajoute : « Oui, j’ai essayé de chercher de l’aide, je suis allé au ministère des affaires sociales et au siège de la présidence du gouvernement. On m’a dit ‘‘Rabii inoub ربي ينوب.’’ que dieu te vienne en aide. Moi, au moins je sais que le ministère des affaires sociales existe, beaucoup de Berbechas ne le savent même pas. Je n’ai pas croisé les associations qui aident les gens de la rue. Si je savais où elles se trouvent, j’irai les voir. Parfois des gens très simples m’offrent à manger. ».

J’ai perdu mes papiers, je ne les ai pas refaits. C’est comme si je n’existais pas.

Saber nous dit qu’il a perdu ses papiers personnels et depuis il ne les a pas refaits. Il précise à ce sujet: « Je considère qu’il faut simplifier les démarches administratives pour les gens comme moi, qui n’ont pas de domicile. »

Avant de conclure Saber insiste pour nous dire : « Mon seul problème et que je n’ai pas où dormir et faire ma toilette. Je ne peux pas avoir d’hygiène de vie décente. Je vais au coiffeur 1 à 2 fois par an et je fais mes besoins dans les cafés du coin, ceux qui veulent bien m’accepter ».

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