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Ma vie: Trentenaire, célibataire et entrepreneure de Médenine

Ma vie: Trentenaire, célibataire et entrepreneure de Médenine

Tunisie Numérique a mené une série d’interviews auprès des familles tunisiennes pour savoir comment elles gèrent leurs budgets en ces temps de crise que traverse le pays.

Ces tunisiens proviennent de différentes classes sociales, sont d’âges différents et habitent dans des quartiers aussi bien huppés que populaires. Ils ont accepté volontairement de répondre de manière spontanée et anonyme aux questions de Tunisie Numérique. Les récits ont été retranscrits tels quels.

Rihab a 30 ans. Elle est célibataire. Elle a un modeste salon de coiffure dans un quartier populaire de la ville de Médenine.

Rihab se confie à nous : « Je suis coiffeuse. C’est ce petit salon de coiffure qui me fait vivre. C’est mon seul gagne-pain et j’en suis fière ».

Rihab continue : « J’ai mon frère de 25 ans et ma vieille mère de 65 ans à charge. Je suis celle qui ramène l’argent à la maison. C’est lourd comme responsabilité ».

Rihab vit dans une vieille maison qui appartenait à sa famille paternelle. Elle nous dit à ce sujet : « J’ai 3 oncles et 2 tantes. Ils ont accepté de nous céder leurs parts dans la maison. Ils ont tous propriétaires de leurs maisons. Mon père est décédé quand j’étais très jeune. Il était le plus nécessiteux Allah Yahmek Ya Baba – الله يرحمك يا بابا ».

Le parcours de Rihab : D’apprentie à propriétaire de salon

Rihab nous parle de son métier : « Je suis coiffeuse depuis 10 ans. J’ai commencé comme apprentie dans un salon du centre-ville et je me suis perfectionnée à travers plusieurs cycles de formations continues. J’ai finalement fini par ouvrir mon propre salon de coiffure ».

Rihab nous dit que son travail ne permettait pas, au début, de gagner assez d’argent. Le revenu mensuel ne dépassait pas les 300 dinars et des fois c’était moins. Le chiffre d’affaires était aléatoire et le salon n’était pas assez connu.

Rihab nous raconte que sa mère ne pouvait pas travailler pour l’aider. Son frère, Atef, de 25 ans, travaillais en tant que serveur dans un café populaire.

Elle nous dit à ce sujet :  «Atef était serveur avant cette fichue pandémie. Il a perdu son travail suite aux différents confinements sanitaires. Et depuis il n’a plus retravaillé. Il est chômeur et aucun travail ne le satisfait. Pour tout vous dire, il se plaît à être chômeur ».

Rihab paraît anxieuse et remontée, elle continue : « Tous les mois je donne à Atef 100 dinars d’argent de poche. Je ne peux pas donner plus. Il est libre de les dépenser en une journée ou les mettre de côté. C’est son affaire يحب يصرفها في نهار يحب يستحفظ هو حر ».

Rihab continue : « J’ai essayé de convaincre Atef de travailler mais aucune proposition ne répond à ses attentes ! ».

Le salon : La seule source de revenus

Rihab nous parle de ses revenus : « Après le COVID, le salon a remonté la ponte. Mon chiffre d’affaires s’est amélioré. C’était un vrai défi surtout que j’ai ouvert le salon quelques mois avant la pandémie. J’ai failli déprimer et tout abandonner mais j’ai tenu bon et hamdoullah je suis toujours là ».

Rihab nous raconte que son salon génère entre 600 dinars à 1 000 dinars par mois. Elle dit à ce sujet :  « Cela dépend de l’affluence surtout de la saison puisqu’en été je travaille à plein régime. Hamdoullah j’ai une bonne réputation et mes prix sont abordables. Le reste de l’année, mon revenu baisse jusqu’à 600 dinars par mois, bien sûr après le paiement du loyer et des frais d’électricité et d’eau ».

Rihab continue : « Mon salon est encore petit. Les services que je propose se limitent aux soins capillaires. Pour le maquillage, je fais appel à une esthéticienne, selon la demande. Je veux agrandir mon salon et ma gamme de services. Je veux chercher plus de clientes. Mon travail paiera – الحركة بركة  ».

La famille n’a pas d’Internet résidentiel. Rihab et son frère se partagent un forfait Internet mobile à 25 dinars par mois.

Rihab, sa mère et son frère s’habillent de la fripe. Rihab nous raconte qu’elle connaît les bons magasins de fripe chez qui elle a de bons prix et peut payer en plusieurs tranches ‘‘par facilté’’ ».

Pour le mois de Ramadhan Rihab nous dit : « Ce mois est saint. Il apporte avec lui sa Baraka et ses rentrées sont une bénédiction de dieu –  شهر البركة ودخله يجي من عند ربي  . Elle veille à ce que la table de rupture du jeûne soit la plus variée… ».

La HARKA

Attristée Rihab nous confie : « La situation de mon frère me préoccupe énormément. On se dispute continuellement parce qu’il ne veut pas travailler et ne peut pas m’aider pour les dépenses de la maison. Il n’arrête pas de demander plus d’argent….Je ne peux pas lui donner plus que les 100 dinars par mois. Il ne pense qu’à migrer clandestinement vers l’Italie ».

Rihab continue :  « C’est un vrai cauchemar : J’entretiens mon frère chômeur qui est obsédé par la HARKA.  C’est peut-être une solution à ses problèmes et ça peut arrêter les disputes mais j’ai peuR qu’il meure en pleine mer…Je lui ai souvent proposé de lancer un petit projet de fast food et de m’aider ma mère et moi. On est les 02 femmes de sa vie et il doit nous soutenir ».

Rihab lance :  « Cette obsession de la HARKA me tue. Il pense que là-bas c’est mieux. Je suis d’accord avec lui sur un point : La vie en Tunisie est devenue impossible. Je ne veux pas non plus qu’il risque sa vie pour finir en cadavre mangé par les requins ou au mieux, s’il réussi sa traversée, esclave entre les mains des barons de la drogue et de la mafia ».

Rihab finit par dire « Libre dans mon pays et surtout pas esclave chez les étrangers – حرة في بلادي ولا عبد عند البرانية . Je ne sais plus comment parler avec mon unique frère ! Heureusement qu’il n’a pas l’argent pour payer le passeur sinon il serait déjà parti !».

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