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Médicaments essentiels : 5 fournisseurs ont quitté la Tunisie à cause des impayés et 20 autres y pensent

Médicaments essentiels : 5 fournisseurs ont quitté la Tunisie à cause des impayés et 20 autres y pensent

Il y a une pléthore de trains qui n’arrivent pas à l’heure en Tunisie depuis la dite Révolution, mais quand ça touche la santé publique, notre santé, on est contraint de s’arrêter, de mettre le doigt sur les problèmes et de les résoudre parce que justement il s’agit de notre survie. Quand les laboratoires innovants qui mettent sur le marché des produits aussi essentiels que les traitements contre les cancers et le diabète ploient sous les impayés au point de quitter le pays, on ne peut pas mettre ça sous le tapis et regarder ailleurs. C’est pourtant ce que font les autorités en ce moment : Le dos rond en attendant que les calamités passent…

5 laboratoires internationaux ont déjà mis les voiles et les autres luttent pour ne pas leur emboîter le pas. Et derrière ça il y a des malades qui décèdent faute de soins adaptés et d’autres tragédies qu’on pourrait facilement éviter.

De gros dégâts planqués soigneusement

Le secteur des médicaments essentiels fait face à des difficultés qui impactent tout le secteur hospitalier et les patients payent un lourd tribut. Pourtant jusqu’ici tout allait bien entre ces laboratoires et les autorités tunisiennes. On s’arrangeait pour colmater ce qu’il y a à colmater, on passait sous silence les factures que la Tunisie ne réglait pas et les laboratoires faisaient même des pieds et des mains pour que les hôpitaux ne manquent de rien, quitte même à “détourner des stocks en direction d’autres pays pour alimenter la Tunisie”

A souligner que la grande majorité des médicaments essentiels qu’utilisent les hôpitaux tunisiens pour soigner des pathologies lourdes sont fournis par les laboratoires innovants. Ces derniers alimentent à hauteur de 40-50% les pharmacies privées. C’est tout cet édifice qui menace de s’écrouler…

Les patients dans les hôpitaux et ceux qui se rendent dans les pharmacies s’en sont rendus compte : La pénurie de médicaments s’installe en Tunisie et ça n’a pas l’air d’affoler nos autorités. Quelque 700 médicaments manquent à l’appel, et parmi eux des produits basiques qui jusqu’ici peuplaient les rayons. Même des médicaments tels que les désinfectants et les anti-inflammatoires disparaissent des pharmacies. On en est là…

Derrière ce drame national qui se joue il y a surtout les 700 millions de dinars que doit la Pharmacie centrale aux laboratoires innovants, une facture qui s’allonge depuis 6 ans. Les ennuis ont commencé en 2016 et sont montés crescendo en 2017, la pandémie du Coronavirus les a accentués. Au point que les impayés de la Tunisie dépassent le cadre local et commencent à inquiéter sérieusement les directions générales de ces laboratoires à l’étranger.

La recherche-développement s’éteint en Tunisie et des vies avec

Le plus grave dans cette affaire c’est sans doute l’impact terrible sur l’innovation. Quand les fournisseurs ne sont pas payés ils sont dans l’impossibilité pratique de financer des recherches et développer de nouveaux produits pour soulager les souffrances des malades. Quand ailleurs dans le monde les patients bénéficient des médicaments de dernière génération pour soigner des pathologies lourdes en Tunisie on se rabat sur de vieux médicaments dont les effets secondaires sont handicapants et qui ne soignent qu’une partie du mal. Par exemple on a appris que des cécités et des amputations de diabétiques auraient pu être évitées si les patients tunisiens avaient accès aux médicaments de dernière génération…

Un laboratoire a confié que le dernier médicament qu’il a mis sur le marché date de 15 ans. La Tunisie qui était pourtant très avant-gardiste en la matière et qui a l’un des marchés les mieux réglementés dans le monde rétrograde à une vitesse affolante. Il y a certes le fléau chronique des lourdeurs administratives qui fait qu’une Autorisation de mise sur le marché (AMM) peut prendre 6 ans – alors que le Maroc et même le Liban affichent 9 mois -, mais il y a surtout cette facture qui gonfle à vue d’oeil et qui tue à petit feu l’innovation dans un secteur où le recul n’est pas permis…

Attention à l’appel du grand large !

Les fournisseurs de médicaments essentiels affirment qu’il n’est pas question de céder aux sirènes des pays voisins et qu’ils continueront à opérer en Tunisie, au service des malades. Mais combien de temps tiendront-ils si les autorités tunisiennes continuent de se vautrer dans la politique de l’autruche ? Il est grand temps de réagir pour limiter les dégâts. L’irréparable a déjà commencé, il s’agit maintenant de faire au mieux pour circonscrire les dégâts et peut-être dans un second temps, à moyen terme, remonter la pente. Mais ne rien faire n’est pas concevable, surtout quand il s’agit de la santé des citoyens…

Il faut s’activer aussi pour stopper net cette médecine à deux vitesses qui commence à poindre, avec une catégorie de gens qui ont la possibilité de faire venir de l’étranger ces médicaments essentiels et les autres qui n’ont d’autre choix que de laisser dépérir leurs parents malades. “Un nouveau fléau des médicaments dans la valise” qui d’ailleurs n’est pas sans risques pour la santé avec le phénomène de la contrefaçon de médicaments à l’étranger, même dans des pays développés…

En solutionnant le problème des impayés qui plombe les laboratoires innovants c’est tout ça que le gouvernement tunisien règle en même temps. Mais il faut que la volonté politique y soit. Il faut surtout élaborer une politique publique ambitieuse et des réformes structurelles pour que le médicament soit un produit à part et que son parcours échappe à tous les soubresauts conjoncturels de l’après-Révolution.

 

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