En septembre 2023 on vous relatais les souffrances des usagers de la ligne 6 direction Monrouj, qui suffoquaient dans les rames de métros mal aérées parce que la climatisation ne fonctionne pas et que l’air passe par de minuscules fenêtres. Les mêmes tourments sont infligés aux usagers de la ligne 4, alors comme tous les autres ils ont pris l’habitude de voyager les portes ouvertes, une dangereuse habitude. Hier mercredi 13 novembre, entre 7h30 et 8 heures du matin, un drame, un énième, s’est produit sur la ligne 4, qui venait de quitter la station Den Den…
Ce qui arrive souvent est encore arrivé hier : Un groupe de jeunes se pendaient à la porte, ils le font même quand le métro n’est pas bondé, juste pour s’amuser. Deux lycéens ont perdu l’équilibre et ont chuté lourdement, le choc a été tellement violent que l’un a perdu son oeil, il est carrément sorti de l’orbite. L’autre malheureux a eu le bassin fracturé. Ceux qui ont assisté à cette scène atroce, insoutenable n’oublieront jamais les cris de ces jeunes qui se tortillaient par terre.
Un profond traumatisme que rien ni personne ne prendra en charge, ne soignera, il restera enfoui et fera le lit de déséquilibres qui parfois débouchent sur des comportements psychotiques, névrotiques, violents. De vraies bombes à retardement pour les familles, les proches, la société. Ces incidents sont courants, encore une chronique d’une violence symbolique ordinaire dans les transports publics. Tout le monde le sait, l’a vu ou en a entendu parler, mais personne ne fait rien…
De banals faits divers dont s’abreuvent les discussions dans les réseaux sociaux, les salons de thé, les cafés, les bureaux ; et comme à l’accoutumée on mettra le couvert sur ces vies brisées et on passera à autre chose, au prochain drame. Un cycle infernal. Tous ceux qui ont voyagé en Occident et ailleurs savent qu’il est impossible que le métro fasse un centimètre sans que toutes les portes soient hermétiquement fermées. En Tunisie on a pris l’habitude de faire avec, de faire sans.
Les dirigeants de la Transtu (Société des transports de Tunis) ont pris l’habitude de rester stoïques, passifs face à tout ce qui ne va pas, ils ont pris l’habitude de passer leur chemin, de regarder pourrir, par indolence, par incurie, mais aussi parce que les moyens ne suivent pas, parce que le comportement des citoyens ne leur donne pas envie de se lever le matin pour aller au charbon. Les responsabilités sont partagées, mais le fait est que cette confluence génère un cocktail explosif qui tue, blesse et handicape à vie.
Pourquoi on regarde les autres pays avec des yeux de Chimène, pourquoi ils nous font rêver au point que nos enfants meurent dans la Méditerranée pour y aller ? Pourquoi on ne se comporte pas chez nous comme on le fait ailleurs ? Pourquoi on va chercher ailleurs ce qu’on peut bâtir ici et maintenant, entre Africains ? Parce que la volonté n’y est pas, pas une once de volonté citoyenne. Nos tares sont dans nos têtes. Nos barrières sont dans nos esprits…
Quand on en aura marre d’enterrer prématurément nos fils et filles, quand on se sera gavé de drames et tragédies, peut-être que quelque chose se produira enfin, peut-être qu’il y aura un vrai sursaut pour changer en nous ce qui doit l’être… Je dis bien peut-être.
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