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Mon troisième printemps au pays du Soleil-Levant (Partie 1 :Le Japon un pays bien ancré dans sa nature)

Mon troisième printemps au pays du Soleil-Levant (Partie 1 :Le Japon un pays bien ancré dans sa nature)

Cela fait trois ans que je me suis installée au Japon, après un séjour de quelques mois en Corée du Sud. Ce n’est pas la première fois que je m’installe dans un pays étranger.

J’ai déjà vécu un temps en Turquie, au Qatar et aux USA.

Que dire, chaque voyage est l’occasion de se faire sa propre idée du pays, de ses coutumes et de son mode de vie, remettre en question les préjugés et nuancer les idées reçues, constater, chercher, comprendre, analyser et démêler le vrai du faux.

Pour ce pays si lointain, il faut d’abord répondre à une première question: Que connaissons-nous réellement du Japon?

En Tunisie comme partout ailleurs, nous pensons le monde avec beaucoup de subjectivité, à partir de notre propre perception des choses et notre système d’évaluation.

Si vous demandez à n’importe quel tunisien de culture moyenne comment il voit le Japon, il dira certainement quelque chose du genre: Un pays avec peu de ressources naturelles, il s’est construit de rien, peuple travailleur, poli, discipliné, très développé, ils subissent beaucoup de catastrophes naturelles, ils sont à la pointe de la technologie, il a été victime de deux bombes atomiques, etc.

Tout cela est bien vrai, toutefois, il y a un lien subtil entre toutes ces informations qui semblent en apparence bien éparpillées.

Le lien c’est la nature et tout ce qui est relatif à la météo, à la situation géographique, aux catastrophes naturelles presque cycliques et la succession des saisons.
L’archipel japonais de par sa situation géographique est isolé.

Durant des siècles, la période Edo (1603~1867) dominée par le Shogunat Tokugawa, un puissant système militaire, le pays a banni toute présence étrangère sur son territoire, développant un rythme de vie et des traditions en relation directe avec la succession des saisons. Pour les japonais qui sont souvent victimes de catastrophes naturelles ravageuses en tous genres (volcans, tremblements de terre, tsunami, inondations, etc.), la beauté est dans l’harmonie, la stabilité, l’ordre et la fixité.


Pour les japonais, la nature n’est pas synonyme de pureté, de joie ou de fraîcheur! C’est une donnée qui a ses bons et ses mauvais côtés, et qu’il faudrait négocier avec pour survivre.

Alors l’esprit du groupe, la discipline, l’assiduité, le respect des règles et la technicité qui font la renommée de ce peuple sont en quelque sorte une fatalité.

Face à une nature capricieuse qui peut se montrer impétueuse et d’une extrême violence, les japonais n’ont pas d’autres choix que d’être organisés, efficaces, collaboratifs et rapides! C’est une question de survie!


Aussi, durant l’ère Edo et l’isolationnisme japonais, les samouraïs qui se sont retrouvés au chômage avec l’établissement de la paix, ont investi tout leur héritage disciplinaire dans l’élaboration de l’artisanat et des arts japonais connus jusqu’à nos jours comme le washi (papier), le shibori (textile), le Kogetsu (tambour), le sado (Cérémonie du thé), la calligraphie, etc.

Si dans la plupart du monde, surtout dans sa conception moderne, l’art est l’expression de la liberté, parfois même de l’insurrection et du refus de l’ordre établi, au Japon, c’est l’expression même de l’ordre, de l’obéissance, des traditions, de la transmission des valeurs archaïques et du renforcement du pouvoir en place.


Ce n’est donc pas une surprise que durant l’ère Meiji et sa réforme, les japonais se sont adaptés très vite aux nouveaux savoirs venus de l’occident, rattrapant ainsi durant quelques dizaines d’années leur retard technologique et s’imposant comme pays industriel au même titre que les grandes puissances du début du 20eme siècle.

Leur capacité à mobiliser toute la population et l’engager dans l’action est le fruit de siècles de destruction, de reconstruction, d’isolement et de soumission absolue au pouvoir établi.
De par mon travail dans la revitalisation locale de Asakura, une ville d’une cinquantaine de milliers d’habitants dans le sud du Japon, avec son histoire riche et son héritage samurai (le puissant clan Kuroda) j’ai pu expérimenter différentes traditions japonaises et développer mon propre savoir-faire technique grâce aux ateliers de l’artisanat japonais.

Absolument dans toutes ses manifestations, l’artisanat japonais requiert de la technicité manuelle, un ordre précis à suivre et une manière unique de faire, cela peut parfois être frustrant. Souvent, on me demande: Est-ce que c’est tunisien de plier le carton dans ce sens, de cuisiner de cette façon, de faire telle ou telle chose dans cet ordre? Et je réponds, pas particulièrement, c’est mon style, et en Tunisie, on aime avoir chacun son style!

C’est très surprenant pour eux d’autant plus qu’il y a un aspect quasi militaire dans toutes les traditions japonaises que l’on constate aussi dans le domaine de l’éducation (j’en parlerai plus en détails dans un prochain article).

L’ordre est simplement le mot d’ordre, et la perception japonaise des saisons est un autre aspect qui rythme cette harmonie inébranlable, absolue, presque sacrée, du quotidien japonais.
Aujourd’hui encore, l’année fiscale au Japon commence en avril, au cœur du printemps, avec la floraison des cerisiers sakura, un symbole de renouveau et de continuité au Japon.

Les japonais ont l’habitude de fêter ce phénomène en se rassemblant dans les parcs sous les cerisiers en fleurs, une tradition connue sous le nom de Hanami.

Contrairement aux idées reçues, la floraison ne dure que deux à trois semaines, et son pic diffère selon la région (ça commence fin mars au sud, et atteint son apogée début mai dans le nord).


Pourquoi aime-t-on à ce point cette saison? Car à elle seule, elle symbolise l’esprit du Japon. C’est une saison courte, intense, fragile, éphémère mais cyclique.

Elle est à l’image même de ce pays qui a toujours su renaître de ses cendres après chaque destruction.

Cela renforce le japonais dans ses certitudes bien inculquées depuis la tendre enfance, ses efforts quotidiens d’autocensure, de maîtrise, de refoulement et de soumission pour préserver l’ordre établi.

Bien que pour la collectivité, c’est souvent positif, les conséquences sur soi, sur le sentiment d’individu (presque systématiquement effacé devant le groupe) et sur le rapport à autrui et aux autres cultures peuvent être désastreuses. C’est ainsi qu’il y a toujours un prix à payer.

A vous de vous faire votre propre idée du Japon à la lumière de cette expérience!

Pour mieux découvrir mon quotidien au Japon consultez mon blog sur Facebook. 

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