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Monsieur le président, la Seule perdante c’est la Tunisie…

Monsieur le président, la Seule perdante c’est la Tunisie…

Le fracas des tambours de guerre. On n’entend que ça en ce moment, de toutes parts. Le chef de l’Etat, Kais Saied, vocifère, éructe et menace. Le secrétaire général de l’UGTT, Noureddine Taboubi, se cabre, se rebiffe et… menace. Est-ce que tout ce raffut va dans le sens des intérêts du pays ? Est-ce que c’est ça qui va nous sortir du trou ? Est-ce que ces postures belliqueuses répondent aux urgences des citoyens ? Assurément non. La seule à trinquer dans cette ambiance délétère est la Tunisie, encore elle, comme toujours. Quand Saied et Taboubi auront fait valoir leurs droits à une retraite dorée les dégâts qu’ils auront faits eux resteront.

Attention à l’ivresse des sondages…

Nous osons espérer que le président de la République n’a pas été grisé par les résultats des sondages de Sigma Conseil. Tout triomphalisme, même secret, serait une erreur fatale. D’abord parce que les intentions de vote en sa faveur, même si elles écrasent les autres comme le borgne éclipserait les aveugles, n’ont pas franchi le seuil des 50%. On est très loin des 80 à 90% en août 2021, et il y a des raisons à cette forte érosion.

Ensuite comme tout sondage ça reste une photographie du moment et qui confirme ce qu’on savait déjà : Pour l’instant Saied n’a pas d’adversaire, pas de combat politique à livrer faute de combattant. Enfin si, il a un adversaire : Lui-même. Il a un combat à mener : Contre lui-même. Et c’est peut-être la pire chose qui puisse lui arriver. Et pour gagner cette bataille il y a une seule voie : Remporter tous ses duels contre l’inflation, les pénuries, la croissance économique, etc.

Ce que disent tous ces mécontents dans cette enquête, la grande majorité des Tunisiens, c’est que le pays n’est toujours pas sur la bonne voie en dépit du virage du 25 juillet 2021. Et ça c’est la deuxième bataille du président. Là aussi il devra la gagner avant de faire valoir ses droits à rempiler l’an prochain. 2024 sera une année électorale par excellence, dès le mois de janvier. Et Saied ne pourra pas, n’osera pas y aller sans un bilan, sans des réponses concrètes aux problèmes des Tunisiens.

Même au “paradis des syndicats” – en France – on n’a pas ça, mais…

Jusqu’ici on n’a pas parlé de l’UGTT, c’est volontaire parce que ce n’est pas le souci numéro des Tunisiens. C’est peut-être le problème numéro 1 de Kais Saied mais pas celui de l’écrasante majorité des citoyens. Il est vrai que le président de la République, comme tous ceux qui l’ont précédé depuis la dite Révolution, a trouvé une spécificité bien tunisienne : Une centrale syndicale qui revendique sa place à la table du dirigeant du pays. Les autres s’en sont accommodés et ont fait avec, pas Saied.

Le rôle central de l’UGTT est consubstantiellement lié à l’histoire de la Tunisie, toute son histoire. De toute évidence la place démesurée de la centrale syndicale est un problème ontologique pour la lisibilité de l’action gouvernementale et un frein aux réformes. Pour la simple raison que l’UGTT n’acceptera pas de scier la branche sur laquelle elle est assise, de se tirer une balle dans le pied.

La réforme, surtout quand elle est douloureuse, bouscule toujours un système, des habitudes ; elle se fait toujours contre quelque chose ou quelqu’un. Et là en l’occurrence elle se heurte frontalement à l’UGTT, à son armée de fonctionnaires, agents et leurs planques dorées dans les boites publiques. Et dans un sens on comprend la décision de Saied d’en découdre avec cet immobilisme qui a rendu le pays ingouvernable et quasiment irréformable. Mais est-ce le bon moment, est-ce le bon timing ?

Si Saied veut le pont de Ben Ali il devra en payer le prix

Il est vrai que même au “paradis des syndicats”, en France, les centrales syndicales n’ont pas autant de puissance. Même la CFDT, réputée pour être un syndicat réformiste proche des cercles du pouvoir, n’a pas autant d’influence. Si ce syndicat avait l’oreille du président Emmanuel Macron il ne descendrait pas dans la rue pour contester la réforme des retraites. En France les syndicats restent à leur place, militent dans leur périmètre, Saied ambitionne d’imposer la même chose en Tunisie…

Sauf que les pépins de la Tunisie ne laissent pas de place à autre chose que les urgences financières, économiques et sociales. Et pour les affronter la trêve sociale est la seule voie, et ça passe par un Pacte social. Après le cataclysme de la dégradation de la note souveraine remettre le pays au travail et relancer la production sont devenus le passage obligé. Mais ça passera par la pacification du pays. Et donc par l’organisation la plus puissante du pays, qu’on le veuille ou non : l’UGTT.

Mais Saied continue de considérer tout cela comme une coquetterie et persiste dans un déni de la réalité. Ce n’est pas cette tension extrême dont le sommet de l’Etat fait la promotion qui va émettre les signaux positifs qu’attendent les investisseurs. Le chef de l’Etat a fait part des rêves qu’il veut réaliser, dont un ouvrage semblable au pont de Radès – le pont de Ben Ali, même s’il se gardera de le dire. Mais avec quel argent concrétisera-t-il tout ça ? Il ferait mieux d’y penser au lieu d’attiser cette guéguerre avec l’UGTT dont la seule perdante est la Tunisie.

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