Le 20 mars dernier, 3 semaines avant que le président Kais Saied ne dénonce les diktats du FMI, le haut représentant pour les affaires étrangères de l’UE, Josep Borell alertait sur le risque d’un « effondrement » imminent de l’économie tunisiennes lors d’une conférence de presse alors que les marchés internationaux des obligations et du crédit signalent que le pays est peut-être déjà en territoire de défaut, c’est que révèle une note d’analyse récente de la fondation Rosa Luxemburg Stiftung (RLS).
L’obligation International Tunisie à 10 ans avec un coupon de 5,75% émise en 2015 et à échéance 2025, a vu son cours s’effondrer entre 48,5 et 51,5 après l’annonce du refus des termes du FMI par le président. Le marché a clôturé le vendredi 14 avril écoulé avec un rendement de 48,5% sur cette obligation. A ce niveau de coût d’emprunt, les attentes de défaut sont très élevées, indique la note de la fondation.
Marchés financiers en état d’alerte
Les marchés financiers étaient en état d’alerte bien avant la dernière réaction contre les conditions du FMI. Les prix des écarts de crédit plaçaient la Tunisie en territoire de défaut probable en 2022, selon RLS qui indique que dans les rapports spécialisés sur les primes de risque pays, la prime de risque pays pour le crédit à 10 ans était déjà supérieure à 10% par rapport aux bons du Trésor américain, une référence du marché. Un seuil indiquant une forte probabilité de défaut.
La valeur de l’obligation à coupon 2025 de 5,75 % était en baisse depuis 2021, reflétant une détérioration rapide de la situation financière du pays depuis la pandémie de Covid19 et les confinements de mars 2020, lorsque le rendement de cette obligation a atteint plus de 15 %, précite-t-on. Et pour cause, à la mi-juillet 2022, le rendement avait atteint plus de 35 %.
Les discussions avec le FMI qui s’engagèrent alors et débouchèrent sur un Staff Level Agreement (SLA) déclenchèrent une reprise spectaculaire. Mais les retards dans les négociations dans la confirmation d’un prêt de financement final du FMI de 1,9 milliard de dollars, suivis de l’annonce par le président de la fin des négociations ont entraîné l’effondrement du marché poussant le rendement à près de 50%. A ce niveau, l’accès de la Tunisie au financement en devises par le biais des marchés internationaux est prohibitif.
Le calendrier des remboursements extérieurs de la Tunisie sera-t-il remis en question
Dans le budget 2023 du gouvernement, (LF2023) les remboursements de la dette extérieure s’élèvent à 6,672 milliards de dinars ou l’équivalent de 2 milliards de dollars, dont une euro-obligation de 500 millions de dollars à échéance en octobre et 412 millions de dollars de remboursement dû sur les prêts antérieurs du FMI, rappelle la note.
Elle souligne que le montant devrait atteindre 2,6 milliards de dollars en 2024, y compris une euro-obligation de 850 millions de dollars arrivant à échéance en février 2024 alors que le coût du financement augmente et que le taux de change du dinar baisse, le service de la dette extérieure s’élève à 2,27 milliards de TND pour 2023, soit 683 millions de dollars d’augmentation de 28% par rapport à 2022.
De ce fait, on estime le total des financements extérieurs nécessaires pour financer le budget prévisionnel record déficit de 25 milliards TND s’élève à 14,85 milliards TND soit 4,5 milliards US$. Une augmentation très significative à partir de 2022.
Un large gap budgétaire de 4,77 milliards de dinars estimé pour 2023
Il a été noté en outre que le document LF2023 identifie quelques sources de financements étrangers, notamment un prêt d’Afreximbank et de la Banque Africaine de Développement (BAD) obtenu fin 2022 pour un total de 600 millions US$, et un prêt de l’Algérie pour 300 millions US$.
Tous les autres engagements identifiés sont subordonnés à un accord du FMI. Même après prise en compte de tous les montants identifiés dont disposerait le pays, le budget laisse un large gap de 4,77 milliards de dinars soit 1,4 milliard US$ ouvert sous la rubrique « Autres emprunts extérieurs ». Le risque non financé est très élevé.
La note de RLS considère la propagation du risque de crédit et la flambée des taux d’intérêt exigés par les marchés internationaux pour les prêts tunisiens comme pleinement justifiées par le financement de la « Loi des Finances 2023 » – LF2023 – et des précédentes depuis la pandémie de Covid19.
On précise, dans ce contexte, que les marchés internationaux exigent un taux d’intérêt de 50% pour les nouveaux prêts à la Tunisie, ce qui signifie que ces marchés sont, de facto, fermés. Le gouvernement et le président n’ont d’autre recours que le FMI, martèle la note de RLS concluant que l’écart de 1,4 milliard de dollars US dans le déficit de financement international souligne le besoin urgent d’un prêt de 1,9 milliard de dollars US du FMI.
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