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Par Abdelaziz Gatri : De Gaulle honoré, Bourguiba souillé

Par Abdelaziz Gatri : De Gaulle honoré, Bourguiba souillé

Nous sommes le 18 juin 2020. La France commémore aujourd’hui le 80ème anniversaire de l’appel du général De Gaulle, dit appel du 18 juin, par lequel l’officier réfractaire au commandement de l’armée française passé sous la botte de l’occupant allemand, appelle, à partir de Londres, où il s’est volontairement exilé et passé dans la clandestinité, les officiers et les soldats français, qui se trouvaient en territoire britannique ou qui viendraient à s’y trouver, avec leurs armes ou sans leurs armes, les ingénieurs et les ouvriers spécialistes des industries d’armement qui se trouvaient en territoire britannique ou qui viendraient à s’y trouver, à se mettre en rapport avec lui.

Il a conclu son appel ainsi : « quoi qu’il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas ». La suite, nous la connaissons tous.

Aujourd’hui, la France toute entière, unanime, se dresse comme un seul homme, pour rendre un hommage solennel, vibrant et émouvant à celui qui fut le père de la nouvelle nation française, le sauveteur de son honneur et l’initiateur de sa stabilité politique grâce à la 5ème république, le bâtisseur de sa puissance militaire grâce à la force de dissuasion, et l’instigateur de son indépendance vis-à-vis de l’OTAN.

De son vivant, il était loin de faire cette unanimité ni d’être exempt de tout reproche. Il fut même l’objet de plusieurs tentatives d’assassinat, sans compter les attaques virulentes de ses adversaires politiques, allant jusqu’à le comparer au « duce », le leader fasciste italien, et au « führer », c’est-à-dire à l’homme qu’il combattu sans merci. Mais aujourd’hui, même Marine Le Pen, la cheffe du Front National, parti de l’extrême droite, fondé par des collabos et d’anti-gaulliens convaincus de l’OAS (Organisation Armée Secrète), auteurs de tentative de coup d’Etat et d’assassinat contre De Gaulle, y est allée de son hommage à elle, en se rendant hier sur l’île de Sein pour commémorer l’appel du 18 juin du général tant détesté.

Ces commémorations dans la liesse générale de l’appel du 18 juin n’ont pas manqué de me rappeler au souvenir de Bourguiba et de son éditorial intitulé « la rupture », destiné à être publié dans le journal l’Action Tunisienne du 9 avril 1938, saisi par l’occupation. Son auteur fut d’ailleurs arrêté à l’aube du jour même à son domicile à Maâkal Ezzaïm. Il y écrivait : «la bataille est, (désormais), nécessaire, jusqu’au triomphe final ou à l’écrasement complet, puisque les chemins de la légalité lui sont désormais interdits… Même si le Parti venait à succomber dans cette lutte inégale, la France ne sera pas en sécurité dans ce pays, tant qu’elle n’aura pas révisé toute sa politique tunisienne.”»

Au lieu de mettre à profit l’image du combattant suprême pour signer l’union sacrée autour des idéaux de ses compagnons de lutte, un essaim de vampires aveuglés par tant d’obscurantisme et de sourdes intentions, ne cesse de déverser des torrents de haine et d’ingratitude sur les symboles du mouvement national dont le leader Bourguiba, usant et abusant de termes dégradants, de déclarations diffamatoires, de mensonges et contre-vérités évidentes, sous l’œil indulgent d’une grande partie du personnel politique actuel qui pourtant doit tout à Bourguiba et à son combat. Ils sont allés jusqu’à déterrer la hache de guerre de la  sourde rivalité qui a, un jour, opposé le Zaïm à Salah Ben Youssef, escamotant du coup le fait que celui-ci fut aussi un compagnon de combat de Bourguiba et que c’est lui qui l’affubla du titre honorifique de Combattant Suprême.

Ce qui provoque le dégoût total, c’est que même ceux qui font mine aujourd’hui de jurer fidélité à Bourguiba, faisant de son image un simple fonds de commerce, furent les premiers fossoyeurs autant de son œuvre que de sa mémoire. Ben Ali et ses sbires qui fanfaronnent aujourd’hui, portraits de Bourguiba en main, avaient sans gêne déboulonné ses statues et fait en sorte que tout propos lui faisant référence fut interprété comme un acte de défiance à l’infâme dictateur dont Ghannouchi disait « Dieu dans l’au-delà et Ben Ali ici-bas » et que Moussi érigeait en Dieu à nul autre pareil. Entre-temps, le vieux leader qui a entamé sa lutte politique dans la prison de la France colonisatrice, l’avait finie dans la prison de la Tunisie qu’il a libérée, de l’Etat qu’il a construit, par la main d’hommes et de femmes qu’il a libérés, émancipés et éduqués.Le coup de grâce lui fut donné dans le cercueil, quand le peuple fut empêché de conduire son leader vers sa dernière demeure, dans des funérailles dignes de son rang, de sa vie et de son œuvre.

Bourguiba non plus ne fut pas sans reproches, mais ne dit-on pas que la mort met tout le monde d’accord ?

Traîner ainsi dans la boue l’homme qui tint tête à la France, à De Gaulle, à l’ignorance, à la maladie, à l’obscurantisme…provoque en moi une tristesse profonde et une colère indicible. Puissions-nous un jour nous soulever comme un seul homme, pour laver l’honneur de nos mères et pères, honorer leur mémoire comme il se doit, rendre sa dignité à notre Tunisie et faire taire à jamais les voix de la haine négationniste.

Abdelaziz GATRI.

 

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