Categories: A la une

Par Abdelaziz Gatri : Entre insouciance, incompétence et trahisons, où va la barque Tunisie ?

Partager

Un président hors du coup, hors du temps et de l’espace, vivant dans le Hijaz du 7ème siècle, se prenant pour le calife Omar, réquisitionnant les moyens de la présidence pour rechercher l’homme à l’œuf, pour distribuer des cartons d’aide en pleine nuit, ou pour visiter des familles et les consoler avec force embrassades et accolades, bravant l’interdiction de circuler et l’état d’urgence qu’il vient lui-même de décréter, et le confinement pour cause de coronavirus. Il est conforté dans sa démarche par la smala de conseillers béni-oui-oui et d’amateurs dont il s’est entouré à Carthage, et par la curva des fanatiques de la toile qui ne jure que par son nom : Echaâb Yourid. Fraîchement investi, il reçoit coup sur coup Sarraj, le controversé chef du gouvernement qui n’est plus légitime de Tripoli, et qui n’est en réalité que la marionnette des turcs et des qataris et de leurs milices à l’ouest de la Libye, puis Erdogan qui lui a fait une savonnade en pleine conférence de presse sur l’odeur de tabac qui régnait dans le palais (suivez mon regard), et que Saied, comme un élève admonesté par son maître, a dévié en l’attribuant aux odeurs de la cuisine, au lieu de mettre fin à la conférence de presse, et enfin l’émir du Qatar dont le pays est engagé avec la Turquie dans la guerre civile qui ravage la Libye sœur, et qui n’est certainement pas venu pour passer le bonjour. En revanche, il a mis environ 48 heures pour féliciter Tebboune suite à son élection à la tête de l’Algérie sœur, devancé en cela par plusieurs chefs d’Etat, et même par son compère Ghannouchi, et environ 4 mois pour s’y rendre, ce qui est une éternité au vu des traditions diplomatiques entre les deux pays et leurs anciens présidents.

Tiens, Ghannouchi, parlons-en. Lui en revanche, n’a pas les yeux dans sa poche. A peine élu président du parlement par la majorité de députés qui ont trahi leurs engagements, il ne s’est pas contenté de recruter ses proches et ses hommes de main dans son cabinet, écartant ainsi les compétences qui s’y trouvaient, ni de poster ses fidèles comme ministres au gouvernement comme on pose des mines en terrain non conquis, mais il a fait recruter ses bras cassés comme conseillers auprès de Fakhfakh pour mieux le surveiller. Après quoi, il s’est rendu en visite éclair à son parrain d’Ankara, soi-disant pour le féliciter pour sa nouvelle voiture, un mensonge qui aurait fait mourir de honte Pinocchio et Musaïlama réunis. En même temps, les services des douanes et les forces de sécurité tunisiennes se démènent pour démanteler les réseaux d’acheminement d’armes turques aux terroristes tapis dans le mont Chaambi, ceux-là mêmes qui rappellent à Ghannouchi sa jeunesse. Et pour couronner son œuvre de sape des fondements de l’Etat, il a appelé au téléphone le fantoche chef du gouvernement libyen pour le féliciter de la reprise par ses milices de la base militaire d’Al-Watiya, évacuée par les forces de Haftar sous les assauts des avions turcs. Le tout en sa qualité de président du parlement de tous les tunisiens, sans en référer au président de la république, commandant suprême de nos forces armées et détenteur de la politique extérieure de la Tunisie.

Politique extérieure qui devrait justement être dictée par les seuls intérêts supérieurs de la Nation et de l’Etat, et non ceux d’une secte inféodée à un calife venu des ténèbres, porteuse d’un projet de société rétrograde.

Monsieur le Président de la République Tunisienne, vous l’assistant en droit constitutionnel, votre peuple Yourid un peu de cohérence pour vous, et un peu de dignité et de souveraineté pour lui ; est-ce trop demander ?  Jusqu’à quand allez-vous tolérer la mise en danger du pays, de l’Etat et du peuple dont vous avez la charge, en vous emmurant  dans une attitude de déni de votre rang et de votre fonction ? Votre posture et vos simagrées sont anachroniques et ne servent qu’à épater une galerie qui vous est déjà acquise quoique vous fassiez. Alors, sortez de votre état second  et endossez l’habit présidentiel. Qu’est-ce que je voudrais vous balancer un sceau d’eau de vérités pour vous réveiller, pour vous affranchir de vous-même et de vos chimères, pour vous remettre dans votre siège présidentiel et vous faire assumer, enfin, vos responsabilités ?

La question libyenne est très compliquée par les intérêts des parties dans le conflit, mais elle est aggravée par les interventions et les intérêts des parties étrangères. Prendre position pour l’un ou l’autre des belligérants, c’est prendre position en faveur de son parrain étranger, la Turquie et le Qatar en l’occurrence, aux dépens des intérêts, de la sécurité de la Tunisie et des tunisiens, et surtout de la souveraineté de son Etat dont vous êtes le dépositaire. Ghannouchi, prompt à se mettre sous la botte turque, et vous-même, avez-vous pensé aux éventuelles représailles du camp adverse sur la Tunisie et sur les familles tunisiennes établies en Libye ?

Et surtout, avez-vous oublié les dispositions du code pénal qui dispose dans son  article 60 (Nouveau) : est coupable de trahison et puni de mort tout Tunisien qui aura entretenu des intelligences avec une puissance étrangère, en vue de l’engager à entreprendre des hostilités contre la Tunisie ou pour lui en fournir, de quelque manière que ce soit, les moyens ?

Et l’article 61 nouveau qui stipule : est coupable d’atteinte à la sûreté extérieure de l’État et puni des peines prévues à l’article 62, tout Tunisien ou étranger :

Qui aura, par des actes hostiles, non approuvés par le gouvernement, exposé la Tunisie à une déclaration de guerre,

Qui aura, par des actes non approuvés par le gouvernement, exposé les Tunisiens à des représailles.

Le coup de téléphone de Ghannouchi à Sarraj a-t-il été approuvé par vous-même ou par le gouvrnement ?

En prenant fait et cause pour Sarraj et compagnie au mépris des intérêts supérieurs de la Tunisie et sans vous en référer, Ghannouchi n’expose-t-il pas la Tunisie à une déclaration de guerre et les tunisiens à des représailles ? Aucune immunité, fut-elle parlementaire, ne devrait le soustraire à sa responsabilité pénale pour répondre devant les tribunaux compétents de ses actes graves.

Quant au locataire de la Kasba, le sourd de la noce, le ministre à l’insu de son plein gré, qui laisse faire ses ministres, et s’en prend à ses concitoyens, j’ai presqu’envie de le plaindre. Sans parti politique représenté au parlement pour le soutenir, et avec ses 0,34% aux présidentielles, il ne fait pas le poids devant ses ministres soutenus par les mastodontes de la scène. Alors, il en est réduit à justifier l’injustifiable, à qualifier les dénonciateurs de pêcheurs en eau trouble, et à menacer de légiférer à postériori pour légaliser l’attribution de marchés publics par simple coup de fil.

Abdelaziz GATRI. Expert-conseiller, opérations de commerce international, contentieux douanier.

Laissez un commentaire
Publié par
Tunisie Numérique