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Par Abdelaziz Gatri : Hooliganisme politique et déontologie

Par Abdelaziz Gatri : Hooliganisme politique et déontologie

La bêtise, comme le bon sens, est la chose la mieux partagée au monde, et nous en sommes tous plus ou moins bien pourvus. Tant qu’elle demeure l’expression d’une certaine paresse de l’âme, comme disait Brel, spontanée et inoffensive, elle est acceptable, et parfois même, amusante.

Certains poussent même le talent jusqu’à la rendre exquise par le phénomène de l’autodérision, en tournant en ridicule leur propre bêtise. Qui de nous, se rendant trop tard de sa bêtise, ne s’est pas écrié: mab’hemni, que suis-je bête! Et même si notre fierté déplacée nous empêche de le manifester en public, il n’en demeure pas moins que nous ruminons en silence notre colère envers nous-mêmes d’avoir raté une occasion de mieux réfléchir, de mieux faire ou simplement de se taire.

Il n’est même pas rare qu’elle ne soit que l’expression d’une certaine divergence de point de vues, et que ce que nous pensons être la pertinence même à nos yeux, n’est que de la pure bêtise aux yeux de nos contradicteurs ou de nos adversaires, et vice-versa. Dans ce cas, avec un peu de bonne volonté de part et d’autre, une discussion franche et bien argumentée arrive souvent à dissiper les malentendus les plus persistants.

Mais quand elle est la résultante d’une posture délibérément méchante et sournoisement malveillante, elle devient un poison, autant pour les relations humaines, que sociales ou politiques. Parfois, certains poussent le bouchon par simple intérêt matériel, pour défendre un privilège ou un revenu, jusqu’à l’insulte, la diffamation et la diffusion de rumeurs baveuses et fielleuses. Dans ce cas, on ne peut dire que la bêtise est une fatalité, tant elle constitue un choix.

Malheureusement, avec la dégradation de plus en plus généralisée du climat politique, la bêtise et la malveillance ont été banalisées, jusqu’à être érigées en mode de conduite. Même ceux qui se prétendent de l’islam, avec tout ce que cette religion véhicule comme échelle de valeurs pour ses braves fidèles: probité, droiture, désintérêt et recherche du bien d’autrui, sont passés maîtres dans la diffamation, l’invective bête, et j’allais dire, gratuite, si je ne savais que certains sont très bien rémunérés pour leur œuvre de rabaissement des adversaires.

Il règne en politique comme un climat de hooliganisme primitif, où il suffit d’une opinion contraire pour vous valoir une levée de boucliers de la part des meutes fanatiques de la curva facebookienne déchaînée, traînant votre réputation dans la boue, jetant sur vous, et souvent sur votre famille, une chape d’opprobre, expression d’une haine de l’autre et d’une infirmité intellectuelle rendant toute cohésion sociale impossible et tout débat stérile.

Je lance ici un appel urgent à toutes les tunisiennes et à tous les tunisiens, à toutes les forces vives de la nation, à l’élite que ce pays a pu secréter par des décennies d’école de la république, à adhérer activement à la vie politique, à créer leurs propres structures politiques ou à rejoindre des structures existantes, à investir les composantes de la société civile ou les syndicats, et surtout à adopter (et faire accepter à tous) une déontologie politique basée sur la mesure dans la contradiction, le respect des divergences et les règles de bienséance en politique comme dans la société, et à contribuer à l’apaisement du débat politique.

Seuls les ennemis de la Tunisie, en tant qu’État national, libre, indépendant et souverain et les fascistes patentés doivent être exclus de la sphère de l’indulgence, car ils représentent une menace pour notre existence en tant que peuple tunisien, notre cohésion sociale, notre démocratie et notre république. Ils sont à combattre par la loi, tant qu’ils ne lèvent pas les armes contre le peuple.

Charité bien ordonnée, je vais essayer moi-même de m’y tenir, en demandant l’indulgence de tous en cas d’écart, somme toute possible.

Abdelaziz GATRI. Conseiller pour les opérations douanières, le commerce international et le contentieux douanier.

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