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Par Abdelaziz Gatri : Moussi-Ghannouchi, le combat des constricteurs

Par Abdelaziz Gatri : Moussi-Ghannouchi, le combat des constricteurs

Voilà ce que j’écrivais il y a une dizaine de jours, à propos de l’audition de Ghannouchi par ses pairs à l’ARP :

” Ils vont lui adresser des questions, certaines soft, d’autres plus virulentes, auxquelles il répondra par des faux-fuyants, les débats tourneront à l’invective et aux insultes et la séance sera levée.”

Abir Moussi vociférera,  gesticulera et gagnera quelques supporteurs de plus dans les rangs des pseudo progressistes démissionnaires qui ont toujours attendu que quelqu’un mène le combat à leur place.

Ghannouchi regagnera son bureau tranquillement, fort du soutien de ses troupes et de la bande des traîtres sous domination, par intérêt ou par peur (des dossiers).

Cette scène risque de se reproduire pendant 5 ans.”

À quelques détails près, c’est ce qui vient de se passer ce mercredi 3 juin 2020. Non pas que je sois devin ou que j’eusse soudain acquis des dons de voyance, mais la configuration actuelle du parlement et les intentions des uns et des autres ne laissaient présager rien d’exceptionnel.

Soyons donc clairs : il ne s’agissait ni de protéger la Libye de l’interventionnisme étranger ni de sauvegarder la sécurité et les intérêts de la Tunisie, mais de marquer des points à l’adversaire en vue des prochaines joutes politiques et, disons-le, électorales.

Moussi a donc présenté une motion qui, au lieu de condamner TOUTE intervention étrangère en Libye d’où qu’elle vienne, condamne nommément celle de la Turquie et du Qatar. C’était de loin au-delà de ce que pouvaient admettre Ennahdha et ses excroissances, sans parler des députés inféodés, et ça elle le savait. Même les supplications de certains autres partis visant à la raisonner et à l’amener à retirer les pays désignés nommément du texte de la motion n’ont servi à rien. Elle a fait mine de s’y plier, mais en sortant de son chapeau une résolution d’un certain parlement arabe dont personne n’avait entendu parler, qui elle, désignait les deux pays concernés comme étant les grands méchants loups. Autant dire qu’elle a retiré de la main gauche ce qu’elle avait concédé de la main droite.

Mais pouvait-il en être autrement ? Faisons un petit exercice de politique-fiction : imaginons que Moussi retire la Turquie et le Qatar de la motion en y faisant condamner toutes les interventions étrangères, ce qui est somme toute logique, Ennahdha l’aurait votée et tout le plan tombait à l’eau.

La séance d’hier n’a fait que conforter chacun des protagonistes aux antipodes de la bipolarité qu’ils appelaient de leurs vœux, leurs faisant gagner de nouveaux sympathisants. Ceux de Moussi ne lui tarissent pas d’éloges, l’intronisant en unique rempart contre les frères musulmans, sans se poser de questions sur la manière dont elle compte s’y prendre.

Pourtant, il faudra bien un jour regarder les choses en face: l’intégrisme ne se combat pas par l’invective et l’insulte ni par les persécutions ou les armes. Le RCD s’y est déjà essayé, voilà le résultat.

Tout problème complexe nécessite une réponse intelligente et les vociférations n’y pourront rien.

Les ansars de Ghannouchi eux, n’ont qu’à glaner les fruits de cette “ghazoua”, (conquête) en montrant à ceux ne l’ont pas encore compris ou qui ont des doutes ce qui les attend si jamais Ennahdha passait dans l’opposition : les prisons, les tortures et/ou l’exil.

Pourtant, le RCD, héritier du Destour et Ennahdha, tête de pont de la secte internationale des frères musulmans, ne sont que les deux faces d’une même pièce de monnaie: la vieille droite hideuse. La seule chose qui les sépare est la lutte sans merci à laquelle ils se livrent pour le pouvoir. La preuve ? Les 10 ans de pouvoir d’Ennahdha ne sont qu’une pâle copie des 56 ans de pouvoir du Destour en matière de malversations, de détournements, de corruption, de développement inégalitaire.

Le plus grave est de voir certains intellectuels que je croyais vaccinés contre la tentation de la facilité se faire à ce jeu, dans une attitude dangereusement démissionnaire : à quoi bon se fatiguer ou se mobiliser, Moussi fera le combat par procuration.

Du coup, au diable les combats de jeunesse, menés entre les baïonnettes des BOP et des milices du parti de Moussi d’un côté, et machettes et couteaux des milices du Ittijah Islami, l’ancêtre d’Ennahdha, de l’autre. Et oublié le slogan scandé,  gorge et yeux brûlants sous les lacrymogènes, SUS, SUS AUX RÉACTIONNAIRES, QU’ILS SOIENT DESTOURIENS OU FRERES. سحقا سحقا للرجعية، دساترة وخوانجية

Alors, sommes-nous partis pour être l’otage de ce combat de coqs pour les 50 ans à venir? Allons nous léguer à nos enfants nos tares et nos démons, faute d’avoir eu le courage de les dépasser?

À vous de voir.

Abdelaziz GATRI.

 

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