Politique

Par Amine Ben Gamra : Calibrage de la diplomatie de l’Union européenne en Tunisie

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Après le Maroc et l’Algérie, dont la guerre fratricide impacte l’Union européenne, la France et l’Espagne, voici un nouveau front qui se dresse pour les Européens en Afrique du Nord : la Tunisie. En effet, le Président Kaïs Saïed a fait mener une vague d’arrestations qui inquiète les Occidentaux mais obtient l’adhésion d’une partie des Tunisiens. 

De nouvelles turbulences en Tunisie, alors que le pays ne parvient pas à se réformer et tombe dans une pauvreté encore plus grande, ne feraient qu’accélérer le rétrécissement stratégique déjà évident dans les relations entre l’UE et les pays du Maghreb.

En Tunisie, où l’État, aussi faible soit-il, est debout, une réponse unie et généreuse pourrait être le geste stratégique le plus intelligent que l’UE puisse offrir, un geste qui évitera des politiques encore plus douloureuses et coûteuses dans quelques années.

En France (par exemple), l’enquête vieille de douze ans sur les avoirs volés de la famille Ben Ali à l’étranger, estimés à 5 milliards de dollars (estimation prudente), va-t-elle être relancée ?

Lancée en janvier 2011 après la chute de l’ex-dirigeant sous la pression du printemps arabe, l’enquête ouverte pour blanchiment en bande organisée a connu difficultés, chausse-trappes et embûches. Mais les enquêteurs ont identifié et ont fait saisir des biens immobiliers de luxe et des comptes bancaires. Les juges d’instruction soupçonnent le clan Ben Ali de les avoir financés ou abondés avec des fonds provenant du détournement d’argent public ou de la corruption.

Ainsi, boulevard Saint-Germain, un ensemble de deux appartements de 272 mètres carrés avec jardin privatif et jardin d’hiver a attiré l’attention de la justice. L’acte d’acquisition de 2008 porte le nom d’une société française, Icarus, mais les enquêteurs découvrent que son véritable propriétaire est un homme d’affaires franco-tunisien a été marié pendant une quinzaine d’années à l’une des filles de l’ex-président tunisien Ben Ali.

Si seulement une fraction des milliards de dollars de capitaux détenus à l’étranger étaient rapatriés, cela donnerait un coup de fouet à la croissance économique de la Tunisie.

L’UE doit avoir une compréhension correcte des conditions structurelles qui ont initialement conduit aux soulèvements du Printemps arabe, des échecs des processus de transition post-dictature et de la réapparition des mêmes symptômes qui ont déclenché les soulèvements. En effet, depuis la révolte de 2011, la Tunisie a subi une succession de coups durs : le recrutement massif de personnes non qualifiées pour gonfler les effectifs déjà pléthoriques de la fonction publique et des entreprises de l’État ; refus de réformer ce qui est, par essence, un État corporatiste préindustriel ; attaques terroristes en provenance de la Libye ; et une pandémie. Le résultat a été un effondrement des investissements publics dans l’infrastructure, la santé et l’éducation ; et une amertume croissante parmi les tunisiens qui avaient risqué leurs vies pour affronter Ben Ali. Cependant, les causes de la révolte du Printemps Arabe n’ont pas été traitées dans son sillage. Les disparités régionales croissantes, l’un des facteurs clés de la révolte, la corruption rampante et la baisse du niveau de vie ont convaincu la majorité des personnes que la démocratie, du moins sous sa forme tunisienne, était une perte de temps.

Amine BEN GAMRA

Expert Comptable

Commissaire Aux Comptes

Membre de l’Ordre des Experts Comptable de Tunisie

 

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Publié par
Tunisie Numérique