Actuellement, les ressources en devises de notre cher pays sont limitées en raison du blocage des financements extérieurs. Les importations, qui sont payés en devises fortes, sont devenues plus chères, provoquant ainsi une sortie accrue de devises contre une faible entrée de monnaies étrangères, les exportations n’évoluant pas au même rythme soutenu.
La hausse des prix à l’importation a également aggravé les pressions inflationnistes et alourdi la facture des subventions du gouvernement. Aussi, la régression du dinar impactera l’endettement et le service de la dette ainsi que les grands équilibres financiers du pays, outre la caisse générale de compensation (CGC), étant donné que la plupart des produits de base sont importés.
En effet, selon la loi de finance 2024 ; la Tunisie doit trouver 3 milliards d’euro pour équilibrer son prochain budget et l’opération est délicate parce que les créanciers se font de plus en plus rares et que le pays a d’importantes échéances à rembourser l’an prochain.
Donc notre cher pays est appelé à concentrer ses efforts sur son front intérieur à travers la maîtrise du déficit de la balance des paiements extérieures et de la balance commerciale, notamment avec la Chine et la Turquie.
En suivant l’évolution de la structure du déficit commercial avec la Turquie, on constate qu’il a été multiplié par 4, en seulement 10 ans. En 2011, il était établi à 900 millions de dinars. En 2022 et selon les indicateurs de l’INS (l’Institut National de la Statistiques) il est à 3.7 milliards de dinars dépassant ainsi le financement extérieur net total du pays au cours de l’année 2022 qui est de l’ordre de 3.4 milliards de dinars. En effet, la valeur des importations tunisiennes en provenance de la Turquie atteignait près de 4.7 milliards de dinars alors que les exportations tunisiennes vers ce pays ne dépassent pas 1 milliards de dinars.
Les produits importés par la Tunisie? Pratiquement tout : du textile, du cosmétique, des produits électriques et mécaniques…
Les produits exportés? Seulement du phosphate et des quantités limitées d’huile d’olive et de dattes, étant donné que les Turcs imposent des quotas pour ce type de produits.
Pire, les avantages accordés dans le cadre l’accord en question est source de flux financiers illégaux, des opérations de contrebande et de blanchiment d’argent.
En effet, de nombreux industriels turcs changent délibérément l’origine des produits exportés vers la Tunisie qui sont majoritairement des produits chinois (et peuvent aussi être en provenance d’Israël) afin de profiter des avantages et exonérations douaniers.
Aussi, les biens importés turcs sont censés être constitués de matières premières, d’équipements divers et d’équipements lourds, alors que les biens vendus en Tunisie sont principalement des produits de consommation légères constitués principalement de textiles, d’habillement, de plastiques et d’autres articles ménagers et de quelques produits alimentaires simples. En effet, cette situation s’explique par le fait que certains fournisseurs turcs recourent au gonflement de la valeur des importations en provenance de la Turquie et le changement des désignations des produits importés alors que le port de Radès, qui gère 70% de tous les conteneurs, reste incontrôlable.
Sans oublier aussi les sociétés franchisées dont il n’y a pratiquement aucun chiffre précis sur leurs activités et le grand nombre de tunisiens qui se rendent en Turquie pour le tourisme mais importent en fait des marchandises turques après avoir payé leur valeur en Turquie aux parties qui accomplissent toutes les procédures pour les exporter vers la Tunisie.
Actuellement au sein de notre cher pays, il est grand temps de limiter les exportations provenant de la Turquie, en haussant les droits de douane (pour fournir des ressources supplémentaires au trésor public), et augmenter les quotas des produits tunisiens exportés.
Mais il faut faire attention, on peut limiter les exportations provenant de la Turquie, en haussant les droits de douane, et on peut augmenter les quotas des produits tunisiens exportés. Mais, le problème du déficit ne sera pas résolu, si on ne procédé pas au renforcement de la compétitivité et de la capacité des entreprises tunisiennes, pour faire face à la concurrence et développer ainsi les exportations.
Si on n’arrive pas à aider les entreprises tunisiennes à se tailler des parts de marché à l’étranger, la révision de l’accord n’apportera pas grand-chose. Le déficit avec la Turquie sera alors, substitué par l’aggravation du déficit avec d’autres pays de l’Union européenne. C’est ce qui se passe actuellement.
En effet, et suite à l’appel lancé par le Président de la République début de l’année, pour restreindre certaines importations: le déficit commercial s’est allégé de 28%, à fin aout 2023, par rapport à la même période de l’année 2022. Mais le déficit commercial a poursuivi sa dégradation en octobre suite à la baisse des exportations quasiment dans tous les secteurs et le hausse de 70% des importations en provenance de la Russie.
Par ailleurs, on ne peut pas demander à nos sociétés d’exporter et d’investir, sans le support de l’État, alors que d’autres le font, en plus en mettant autant de bâtons dans les roues.
Nos entreprises ont prouvé qu’elles sont capables de s’imposer sur des marchés hyper difficiles et techniques, mais sans financement et sans assouplissement de la réglementation des changes, tout ce que fera l’État pour encourager les entreprises tunisiennes et les exportations seront vaines.
Amine BEN GAMRA
Expert Comptable
Commissaire Aux Comptes
Membre de l’Ordre des Experts Comptable de Tunisie
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