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Par Amine Ben Gamra – Loi de Relance économique : cadre juridique révolutionnaire ou une loi qui sert les intérêts du marché parallèle de devises

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Le projet de loi sur la relance économique et la régularisation des infractions de change, qui vient d’être voté par l’Assemblée des représentants du peuple, le 12 juillet 2021, a fait couler beaucoup d’encre. Surtout concernant la mesure phare de l’ouverture des comptes en devises et la régularisation des infractions à la réglementation de change.

En effet, certains pensent qu’il s’agit d’inciter à l’évasion fiscale et à ancrer l’inégalité entre les contribuables également de consacrer la culture de l’impunité et de l’évasion à la reddition des comptes via la régularisation des infractions de change au profit des contrebandiers et des évadés fiscaux et leur protection contre toute poursuite administrative ou judiciaire.

Le Conseil d’Administration même de la BCT a tenu une réunion extraordinaire à distance le 23 juillet 2021 consacrée à l’examen dudit projet de loi n° 104 de 2020. Dans ce contexte, il a été constaté que ce projet de loi comporte des mesures de nature à entraver la bonne conduite de la politique monétaire et à affecter les engagements internationaux de la Tunisie et sa capacité à continuer de mobiliser les fonds extérieurs nécessaires, outres ce qu’il soulève des problématiques de mise en application. La Banque centrale estime en effet, que ce projet impacte directement les principes et les mécanismes d’action de la BCT ainsi que la réalisation des objectifs dont elle est directement responsable, conformément à la législation en vigueur. Il comporte, souligne-t-elle, des dispositions qui feront entrer la Tunisie de nouveau dans la liste au moins grise du GAFI.

Visiblement, tout devient source de polémique et de controverse en Tunisie. En effet, la fuite de capitaux représente un problème systémique qui a perduré, aussi bien durant la dictature que durant la transition démocratique. C’est un des principaux facteurs qui ont freiné le développement de la Tunisie. Des montants faramineux échappent aux caisses de l’État, pendant que le pays traverse une crise de surendettement. L’État se retrouve ainsi privé de ressources essentielles pour assurer ses approvisionnements et honorer ses engagements envers ses bailleurs de fonds. Il est difficile de parler du marché parallèle de devises sans évoquer Ben Guerdane. Au fil des années, cette ville s’est érigée en tant que carrefour central de l’économie transfrontalière. Ben Guerdane c’est une zone franche non légalisée. La marchandise passe par Ben Guerdane et remonte vers la capitale en passant par le Sahel. C’est aussi une place financière, c’est là-bas que l’on collecte les devises pour financer la marchandise qui transite par cette zone. C’est Ben Guerdane qui assure le cash.
La réglementation des changes ne remplit plus le rôle pour lequel elle a été créée, notamment éviter la fuite des capitaux et mettre fin au développement du marché parallèle.

Cette réforme, permettrait de ramener des devises vers le circuit formel, à renflouer les réserves de la BCT, à stabiliser le taux de change et à promouvoir les investissements directs étrangers, qui ne peut qu’être bénéfique pour tous.

Il est temps que les Tunisiens auront le droit d’ouvrir des comptes en devises. L’article 11Ter dudit projet loi ajoute une condition pour la détention et l’ouverture de ces comptes en devises : payer une contribution libératoire de 10% sur les montants déposés sur ces comptes. Le point 2 du même         article fixe les règles d’utilisation des fonds déposés dans ces comptes. Ces fonds ne peuvent être utilisés que pour :

  • Alimenter des comptes en devises étrangères ou en dinar convertible en Tunisie ;
  • Couvrir les dépenses à l’étranger des détenteurs de ces comptes.

Il faut rappeler que ce projet de loi sera activé seulement s’il est publié au Jort et promulgué par le Président de la République. La question qui se pose : Kaïs Saïed va-t-il valider la loi de relance économique?

 

Amine BEN GAMRA

Expert Comptable

Commissaire Aux Comptes

Membre de l’Ordre des Experts Comptable de Tunisie

 

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Publié par
Tunisie Numérique