A la une

Par Anis Khlifi – Réflexion : « Covid 19, ITIL4 et nous »

Par Anis Khlifi – Réflexion : « Covid 19, ITIL4 et nous »

Qui aurait imaginé un instant que des chinois qui mangeaient du pangolin allaient provoquer une pénurie de farine en Tunisie ?

Les plus éminents économistes internationaux et les chercheurs les plus brillants en gestion de risques n’ont pas vu venir un tel scénario.

Ce scénario irréaliste s’est pourtant produit et a touché brusquement la planète entière sans exception.

Après des semaines d’observation et de suivi de la situation dans mon pays et dans d’autres, à travers les canaux d’information, qui ne manquent pas, j’ai sorti mes livres ITIL pour voir comment ce modèle abordait un tel sujet et j’ai pu faire une liaison entre cette situation inédite et la façon avec laquelle les choses ont été gérées dans mon pays et ailleurs. Bien évidemment, ma réflexion reste à approfondir et à justifier par des éléments techniques puisés dans les notions détaillées du modèle ITIL.

Commençons par décrire cette pandémie brièvement et en des termes simples :

C’est une variété de virus semblable à la grippe saisonnière ou H1N1 qui attaque les poumons, cause une fièvre et une toux, affecte surtout les personnes âgées ou atteintes de maladies comme le diabète, l’obésité ou l’asthme, mais qui se transmet très facilement et qui a tué à ce jour dans notre pays 28 personnes, 2 mois après son déclenchement. Je rappelle que chaque jour, 210 personnes meurent en Tunisie et que beaucoup de médecins disent que la grippe H1N1 est plus meurtrière. Je vous rappelle aussi que ce bilan a été dépassé en une semaine après l’accident de bus à Amdoun qui a coûté la vie à 30 jeunes tunisiens partis en vacances universitaires. Finalement, il n’y a pas de vaccin à ce jour ni de médicaments à part quelques tentatives à partir de médicaments anti paludisme et d’antibiotiques dont l’efficacité reste à confirmer.

Le pic de cette pandémie est prévu dans 1 à 2 semaines en Tunisie, alors que la situation est entrain de retourner progressivement à la normale en Chine, point de départ de la pandémie et dans une moindre mesure en Italie. Les Etats Unis observent pratiquement le même cycle que nous mais avec une population 20 fois plus importante et des moyens financiers 2000 fois plus importants mais dans un système de santé très différent du nôtre.

Voyons maintenant ce que le modèle ITIL propose pour aborder un sujet pareil :

Dans le modèle ITIL, il y a des principes (au nombre de 7) et un système de valeur des services (appelé SVS)

Les principes ITIL se résument comme suit :

  1. Mettre le focus sur la valeur et faire une balance entre bénéfices, risques et ressources disponibles;
  2. Commencer là où vous êtes et réutiliser ce qui existe déjà;
  3. Progresser itérativement avec des feed back pour subdiviser des grands projets en projets plus petits et faisables;
  4. Collaborer et promouvoir la visibilité avec plus de communication pour clarifier les objectifs et éliminer le travail en silos ou en cachette;
  5. Réfléchir et travailler de manière globale pour ne pas oublier ou passer outre des domaines ou aspects importants;
  6. Rester simple et pratique tout en respectant l’espace-temps des gens, proposer des solutions faciles à comprendre et à adopter;
  7. Optimiser et automatiser en éliminant les taches sans valeur ou qui ralentissent l’atteinte des objectifs par la standardisation au maximum des activités à faire.

Le système de valeur de services (SVS) couvre 4 dimensions importantes qui permettent de cascader les stratégies et fournissent à la fin des services à haute valeur ajoutée :

  • L’organisation et les personnes;
  • La technologie et les informations;
  • Les partenaires et les fournisseurs;
  • Les processus et les chaines de valeur.

Enfin regardons de plus près ce qui a été fait et ce qui aurait dû être fait dans mon pays face à cette pandémie :

Si on ramène les 7 principes d’ITIL et ses 4 dimensions par rapport à ce qui a été/aurait dû être, fait on trouvera les résultats suivants :

  1. Mettre le focus sur la valeur : notre pays a privilégié la valeur santé des citoyens à la valeur croissance économique du pays ou « business as usual » comme voudrait faire les anglophones;
  2. Commencer là où vous êtes : toutes les structures hospitalières étatiques (et probablement privées) ont été mises à contribution pour faire face à cette situation sans parler des autres secteurs, qui ont essayé de se débrouiller comme ils peuvent avec les moyens dont ils disposent;
  3. Progresser itérativement avec des feed back : des mesures de confinement, ensuite de limitation des déplacements, annulation des voyages avec l’Europe et enfin des mesures de couvre-feu ont été prises;
  4. Collaborer et promouvoir la visibilité : plusieurs réunions interministérielles, points d’information au niveau de plusieurs structures de l’Etat sur la situation actuelle et future, des mesures contre les trafiquants dans le secteur agroalimentaire ont été prises;
  5. Réfléchir et travailler de manière globale : les aspects constitutionnels, législatifs et exécutifs à tous les niveaux (sécurité, défense, justice, finances, collectivités locales, affaires sociales, transport, commerce, éducation, enseignement supérieur, agriculture, industrie, économie numérique, affaires religieuses, sport et culture);
  6. Rester simple et pratique : simplification de plusieurs procédures, décalages ou retrait de certaines mesures et échéances et enfin transfert à la présidence du gouvernement de certaines prérogatives de l’Assemblée des représentants du peuple;
  7. Optimiser et automatiser : certaines activités sans valeur et qui ralentissent le déroulement des activités ont été supprimées. (Comme par exemple l’obligation des personnes âgées à se déplacer aux bureaux de la CNRPS et CNSS pour prouver qu’ils sont encore en vie).

Regardons maintenant la situation des 4 dimensions qui permettent de guider la gouvernance dans le pilotage de la situation générale dans le pays :

  • L’organisation et les personnes : Le pays dispose quand même de plusieurs structures organisationnelles et des ressources humaines qualifiées qui lui permettent d’affronter convenablement une telle situation;
  • La technologie et les informations : Là, plusieurs lacunes ont été découvertes en terme de numérisation et d’accès à distance aux services;
  • Les partenaires et les fournisseurs : La Tunisie peut faire confiance à un large réseau national et international de partenaires qui peut lui être utile en cette situation : pays frères, grandes puissances, organismes et bailleurs de fonds internationaux;
  • Les processus et les chaines de valeur : Là encore, plusieurs choses restent à faire et à améliorer, parce que notre système se base beaucoup plus sur le système D (débrouille) que sur l’application de processus formels clairs.

En conclusion, on peut dire que plusieurs organisations, et par extension plusieurs pays, sont en train de rater des opportunités énormes de maximiser la valeur de leurs activités fournies à leurs clients, et par extension à leurs citoyens, parce qu’elles n’ont pas assimilé les 7 principes d’ITIL et continuent à faire confiance à des méthodes qui leurs sont familières et correspondent plus à leurs styles de leadership et de management.

Les organisations et par extension les pays, doivent se familiariser et s’approprier plusieurs outils et techniques différents de ce qu’elles ont l’habitude d’utiliser, pour affronter des situations nouvelles et inédites.

De ma part, grâce au virus du Coronavirus, j’ai appris à laisser mes chaussures à l’entrée de ma maison (qui est une pratique japonaise ancestrale) et à utiliser plusieurs nouveaux outils de télétravail (qui est une pratique très développée, voire même encouragée aux USA) !

J’espère que ces jours difficiles vont rapidement finir et que notre pays en sortira plus grand, si on appliquait les bonnes pratiques d’ITIL !

Anis KHLIFI : Expert ITIL

Que se passe-t-il en Tunisie?
Nous expliquons sur notre chaîne YouTube . Abonnez-vous!

Commentaires

Haut