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Par Habib Toubib – Le pain et nous : Toute une histoire

Par Habib Toubib – Le pain et nous : Toute une histoire

“Nos ancêtres les Capsiens étaient de grands mangeurs d’escargots. Mais nous n’avons pas hérité d’eux cette habitude et nous nous sommes plutôt rabattus sur le pain que nous mangeons sans modération et avec tous les plats. Même les plats à base de pâtes comme le couscous et les spaghettis le tunisien les accompagne de pain !

L’anecdote raconte qu’on a même surpris un tunisien en train de préparer un sandwich avec une baguette à l’intérieur du pain coupé en deux! Le savoir-faire populaire a réservé au pain – qui est considéré comme une ” faveur divine ” ( n’aamet rabbi ) – une utilisation intelligente et un usage utile pour éviter le gaspillage, surtout en ce qui concerne le pain rassis de la veille. Il est interdit de profaner les restes de pain en les jetant à la poubelle ou en les mettant à la disposition des équidés (ânes ). Le pain rassis ou le pain sec figure dans la composition d’une cuisine de terroir riche et inventive; on le trouve dans le fameux plat populaire du Lablabi, dans le plat sfaxien appelé Yehni, dans la gastronomie de terroir chez les jerbiens et parmi les usages les plus en vogue figure le pain perdu et la chapelure de pain !”

D’après les statistiques de l’Organisation Tunisienne de Défense du Consommateur 900.000 pains sont jetés à la poubelle au seul mois de Ramadan … là il faut dire que c’est doublement Haram ou plutôt ” Haram à la puissance 2 ” !

La cause la plus fréquente de ce gaspillage est la non-synchronisation entre les membres d’une même famille pour les achats du pain à la boulangerie, chacun apporte du pain avec lui pour la rupture de jeûne !

Une autre forme de gaspillage non moins importante est de manger la croûte du pain et de se débarrasser de la mie, la plupart de nos gargotiers enlèvent la mie avant de garnir les sandwichs tunisiens tout comme la majorité de nos femmes qui ne mangent que l’enveloppe bien cuite de la croûte et laissent tomber le reste.

À ce propos je me rappelle d’un vieil ami de Tataouine résident à Paris qui m’expliqua un jour comment il a appris à ne plus toucher au pain avant de l’acheter comme il faisait d’habitude chez nous au bled ! Tout au début de son séjour à Paris dans les années 60 il était dans une boulangerie pour acheter un seul pain mais il en est revenu avec une douzaine … ! Pourquoi ? A chaque fois que le bonhomme tâtait de ses doigts le pain que la boulangère lui présentait il demandait un autre de meilleure texture ! En fin de compte et après avoir testé une bonne douzaine de pains son choix se fixa sur celui qui était de meilleure cuisson, mais la boulangère lui demanda de payer tous les pains qu’il avait touchés de sa main !

Chez nous on qualifie de ” khobsiste ” toute personne qui arrive à sacrifier sa dignité pour gagner son pain, l’humour d’un caricaturiste place le pain accroché à un fil tiré par un citoyen pour répliquer à l’hystérie générale de voir tout monde courir derrière le pain.

Le musée du pain de chez nous n’a pas eu encore la chance de voir le jour, mon ami et confrère Dr Farouk Chaabouni a eu l’idée de l’installer à Nabeul, après on a eu vent d’un projet similaire à la foire de Sfax ! Mais rien ne s’est passé ! De toute façon le pain a son musée à ciel ouvert dans le quotidien de notre vécu, il est présent partout et tout le temps; on l’a même aperçu au top de la révolution du 14 janvier 2011 entre les mains d’un quidam du peuple en position de tir face aux forces de l’ordre !

Que Dieu bénisse notre pain quotidien tout en nous préservant la dignité !

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