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Par Hadi Sraïeb –La pénurie d’eau…. Une seule réponse: La sobriété !

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Prendre conscience de nos pratiques est un facteur essentiel. Même si cela ne semble préoccuper qu’une minorité consciente de l’opinion. Parmi les effets du bouleversement climatique, le cycle de l’eau est manifestement et gravement perturbé. L’humanité est en train d’épuiser “goutte après goutte” l’eau, déclare Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU.

Depuis maintenant plus d’une décennie, le taux de prélèvement d’eau (efficace à 95%) en tendance est supérieur au taux de recharge naturelle des nappes (partiellement compensé par les réserves des barrages du bassin versant-Nord).  

Cette question lancinante (stress hydrique) n’est donc pas neuve, mais les gouvernements successifs ne s’y sont jamais attelés (en dehors de quelques unités de dessalement).  

La raréfaction de la ressource est par ailleurs aggravée par l’artificialisation des sols (urbanisation anarchique, surexploitation des terres) qui empêche l’eau de s’infiltrer dans les sols. De fait, l’absence d’investissements conséquents limite les capacités de rétention d’eau et d’évapotranspiration (l’évaporation du sol et la transpiration du couvert végétal avec l’augmentation des périodes de canicule vont augmenter de 10 % à 30 %). 

Arrêter le gaspillage de l’eau est donc une priorité. 

Les autorités doivent de toute urgence cesser le « laissez-faire » de l’extraction (Forages Ruraux incontrôlés)  et la surutilisation de l’eau de la production agricole,  des industries textiles, de l’exploitation minière du phosphate (5 tonnes d’eau pour 1 tonne de phosphate) et de leurs pollutions respectives.

Si les structures de tarification des services d’eau à usage domestique et industriel se rapprochent de l’intégralité des coûts de la fourniture de ces services, les usages agricoles de l’eau, -essentiellement pour l’irrigation-, restent fortement subventionnés, ce qui conduit à un gaspillage de ressources de plus en plus rares.

Si la situation est si critique désormais, c’est le fruit de ce sous-investissement chronique dans les services de l’eau.

Les SONEDE-ONAS ont régulièrement remis à plus tard l’entretien des canalisations, qui s’est traduit au fil du temps par une déperdition croissante, de l’ordre de 30 % d’eau dans les tuyaux. Par ailleurs, le rejet direct d’eaux usées dans le milieu naturel devrait être interdit (par étapes) ! Il ne l’est toujours pas !

L’autre piste pour s’adapter à la raréfaction de l’eau douce consisterait à augmenter la ressource.

En dessalant l’eau de mer. Une solution mise en œuvre dans les pays du Golfe où près de 80 % des besoins en eau proviennent des stations de dessalement, mais avec toutefois, des conséquences dramatiques sur la biodiversité et la faune aquatique dont ces mêmes pays commencent à ressentir les effets, La technologie de l’osmose inverse est en outre fortement consommatrice en électricité.

Sans doute conviendrait chaque fois que possible (hors zones urbaines denses) de réhabiliter en les modernisant les techniques traditionnelles de captation et de rétention des eaux de pluie et de surface. Mais comme cela ne devrait pas suffire, il conviendrait aussi de mettre en œuvre une politique de recyclage des eaux usées qui apparait bien pour ce qu’elle devrait être : Une composante majeure, un pilier déterminant de la « sobriété ».

Car d’évidence c’est de cela qu’il est question désormais: Tout ce qui permet de baisser la consommation est le bienvenu.

A Singapour, un processus en boucle fermée permettant de recycler les flux d’eaux usées est de plus en plus utilisé dans les processus de fabrication des semi-conducteurs, qui sont au cœur de la principale industrie de la cité-Etat, y compris de l’économie de toute la région.

La plus grande difficulté réside, sans aucun doute, dans la nécessaire refonte du système agricole (jusqu’à 80% de la consommation). Un modèle à bout de souffle, anachronique, mais  continue à endetter dangereusement les agriculteurs, à vider les campagnes de ses paysans, un modèle qui empêche les jeunes de reprendre les fermes et qui désespérant, préfèrent vendre leur lopins. Un modèle qui pollue les sols et les eaux, détruit la biodiversité, dégrade la santé des écosystèmes. 

Cette  agriculture dite conventionnelle, repose bien trop largement sur la chimie et bien trop souvent sur une mauvaise gestion des sols, de la biodiversité et de l’eau. C’est peu dire !

Les dispositifs d’irrigation ont un rendement bien plus faible qu’il n’apparait.

On estime qu’avec les techniques classiques, 30 à 40 % de l’eau d’arrosage s’évaporent et ne profitent pas aux cultures.

Là où ce système agricole parvenait à franchir tant bien que mal les sécheresses estivales (en multipliant abusivement les prélèvements des nappes fossiles), il y a encore quelques décennies, mais avec la récurrence et la persistance de ces sécheresses, il montre à présent clairement ses limites.

Les sols travaillés en profondeur, les engrais minéraux et les pesticides chimiques sont autant de facteurs qui, année après année, ont fragilisé les sols en leur enlevant leur aptitude à retenir et stocker les eaux en période de pluies, puis en période sèche, à les redistribuer progressivement aux plantes, aux aquifères profonds.

Un appauvrissement des sols qui correspond, au cours des deux dernières décennies à une surface perdue égale à celle du Cap Bon ! Last but not least : la diversité génétique des semences utilisées a diminué de près de 90 % !  Une calamité préjudiciable totalement contraire à des productions pérennes, mais dérive mercantile oblige !

Un projet de refonte globale du système agricole ambitieux est pour l’heure hors de portée !

Mais croire aussi qu’il ne s’agirait que d’un simple renouvellement technologique et technique (perma-culture, goute à goute), c’est ignorer les implications sociales (les paysans et leur vie) tout autant qu’organisationnelles (choix des cultures, entretien des sols, rétribution de l’activité). Alors que convient-il de faire ?

Le passage à une agriculture économe en eau va s’avérer difficile pour une frange importante de petits agriculteurs trop vulnérables. Cependant il y a des mesures qui ont un effet immédiat. Les méthodes d’irrigation de précision, comme la surveillance de l’humidité du sol, l’installation de systèmes d’irrigation localisés et l’utilisation de capteurs et de logiciels pour gérer l’eau permettraient d’économiser jusqu’à 20 % de la ressource.

Les agriculteurs peuvent également accroître l’efficacité de l’eau en améliorant le rendement et la qualité des cultures tout en réduisant la quantité d’engrais qu’ils utilisent. Cela peut se faire par l’utilisation de cultures de couverture pour augmenter la matière organique dans le sol et l’utilisation de meilleures pratiques de gestion pour réduire le besoin d’engrais.

De nouveaux dispositifs permettent des pratiques d’irrigation économes basées sur la quantité d’eau disponible dans le sol. Les agriculteurs n’irriguent alors que lorsque le sol est sec, afin de maximiser la rétention d’eau dans le sol (retarder le début de la saison d’irrigation). Capteurs et logiciels d’exploitation ont tendance à généraliser  et leur coût devient accessible.

Ces techniques nucléaires et isotopiques permettent d’obtenir des données sur l’utilisation de l’eau, y compris les pertes dues à l’évaporation du sol, et aident à optimiser les programmes d’irrigation et à améliorer l’efficience d’utilisation de l’eau.

Les experts évaluent entre -20% et -40%, le recul de la disponibilité en eau dans les prochaines décennies. Les périodes de sécheresse seront plus fréquentes et plus longues.

Dans ce contexte, un plan eau (suite à des assises regroupant toutes les parties prenantes) s’avère d’une urgence incontournable, même si les élites politiques et intellectuelles semblent encore incapables d’abandonner leur paradigme désuet de la croissance et sa rhétorique affligeante !

Hédi Sraieb Docteur d’Etat en économie du Développement

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Publié par
Tunisie Numérique