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Par Hadi Sraïeb – Le gouvernement et ses affidés tombent de Charybde en Scylla !

Par Hadi Sraïeb – Le gouvernement et ses affidés tombent de Charybde en Scylla !

Tout le monde connait peu ou prou l’Odyssée d’Homère. Charybde et Scylla sont deux monstres marins de la mythologie grecque, situés de part et d’autre d’un détroit, deux menaces successives qui se présentent sur le chemin de retour d’Ulysse !

Cette allégorie du danger signifie qu’en voulant échapper à une épreuve difficile, on se retrouve face un péril encore plus grand !

Dans le langage commun, cela équivaut à dire: éviter un danger pour en affronter un autre encore pire ou bien encore aller de mal en pis.

C’est précisément ce qui arrive au gouvernement dans sa tentative désespérée de sortir de l’impasse.

Pris au piège de la dérive récessive et de ses effets protéiformes (crise sociale aiguë, incivisme débridé, désorganisation institutionnelle, querelles byzantines, paralysie du tissu économique, étranglement des leviers d’intervention de l’Etat, etc.), le pouvoir est en émoi et ne sait plus comment se sortir de cette nasse (pour ne pas dire bourbier) dans lequel, -comme ses prédécesseurs-, il s’est laissé enfermer !

A y regarder de plus près, c’est toute la classe dirigeante, dans ses diverses composantes parlementaire, présidentielle et gouvernementale, qui croit encore en une possible fuite en avant !

Un apport substantiel d’argent frais changerait du tout au tout la situation, offrant au pays une nouvelle possibilité de redressement et de reprise généralisée.

Une large fraction de l’opinion, il est vrai, souscrit à cette chimère illusoire.

Une cécité inconsciente mais assez largement partagée qui tient à une confusion délibérément entretenue entre deux notions antinomiques: gérer et transformer, ou bien encore entre administrer et remanier.

Tous les gouvernements qui se sont succédés, aucun n’échappant à la règle, ont sciemment maintenu et entretenu cette équivoque laissant espérer qu’une « bonne gouvernance » viendrait à bout des difficultés, une sorte de condition nécessaire et suffisante.

Bien sûr, et très tôt, l’idée de Réforme, notion passe-partout, ondoyante à souhait, au périmètre jamais précisé, a bien été avancée, faisant l’objet de débats et de préconisations, mais sans jamais trouver le début d’une concrétisation.

Aucune des dites réformes structurelles avancées (compensation, périmètre public, assiette fiscale) n’a été entamée. Les gouvernements passés, comme le dernier en date, se sont bien gardés de s’y atteler, tant leur mise en œuvre apparait hasardeuse, voire périlleuse, (revoilà Charybde) pour leur propre maintien au pouvoir.

Lesdites réformes n’ont jusqu’ici trouvé qu’une légitimité réduite, pour ne pas dire une absence véritable de consensus dans la population.

Chacune d’elle soulève méfiance quand ce n’est pas une ostensible défiance et donc un risque d’embrasement. Manque de courage politique devant l’enjeu, mais plus probablement lucidité prudente des gouvernants qui tout en temporisant avisent une porte de sortie toute trouvée: Atténuer et réduire les difficultés présentes (goulot d’étranglement dû aux finances publiques), par un apport d’argent frais redevable avec promesse de réformes (revoilà Scylla).

A ce jeu de poker-menteur et en dépit de la mise en scène soignée (rencontre des ambassadeurs influents, constitution d’un quatuor, copie du quartet du dialogue national de 2013), le FMI ne semble pas vouloir se laisser abuser. Il vient de faire connaitre sa position : Une fin de non-recevoir !

Un camouflet sans précédent, tant cette institution fait preuve d’ordinaire d’un très grand tact.

Un affront cinglant mais qui ne semble émouvoir ni le gouvernement, ni ses affidés, ni moins encore une presse dévote devenue subitement silencieuse. Sous d’autres cieux, ce gouvernement remettrait immédiatement sa démission, mais sous les nôtres, il n’en fera rien !

Retour provisoire donc à la case départ, sur fond de pandémie aggravée. Une situation inextricable, car les portes vont se refermer l’une après l’autre. Le gouvernement peut bien tenir encore quelques mois mais il n’évitera pas l’épreuve: Enclenchement de réformes avant assistance financière.

Or cela serait possible soit par un profond remaniement ministériel vers plus de cohésion, pour ne pas dire d’imagination dans la formulation de sa trajectoire (nouveau contenu de réformes) et qui aurait ainsi une plus large légitimité populaire, soit par la désignation d’un nouveau gouvernement de type « technocratique » coopté, à horizon de temps prédéterminé, issu d’un véritable consensus des formations partisanes !

De longues semaines, voire de mois, à attendre avant que ne se dessine une solution, d’autant qu’il est inenvisageable d’entamer quoique ce soit tant que dure la pandémie et ses dommages collatéraux.

En effet, on n’imagine pas une seconde que les dites réformes structurelles puissent être mises en œuvre sans une véritable éclaircie sur le plan sanitaire et de facto politique. Réformer la fiscalité alors que le tissu socioéconomique est exsangue ? Infaisable.

Il en va de même pour la compensation ou bien encore de la dite réforme de la fonction publique (comprise comme réduction des effectifs). Personne n’y songe et pour cause : Ces réformes n’annoncent que des lendemains qui déchantent.

Ce qui manque notoirement, depuis le début, à toute classe politique qui s’est essayée au pouvoir ce n’est pas d’avancer une addition de réformes austéritaires en guise de programme, mais bien de proposer un projet de société, un nouveau contrat social à construire pas à pas (même si d’emblée on a du mal à en saisir les contours), qui vise à réduire les inégalités multiformes et à offrir une perspective d’emploi digne et donc une vie décente à tout un chacun.

Irréaliste, chimérique et illusoire, disent les nantis désabusés et arcboutés sur leur pré carré, mais c’est pourtant dans cette direction qu’il faut fouiller. Pragmatisme oblige, c’est avec le nécessaire et incontournable apaisement des tensions sociales que peut être envisagé une nouvelle étape du devenir du pays !

Hadi Sraieb, Docteur d’Etat en économie de développement

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