Economie

Par Hadi Sraïeb: Le window-dressing acclimaté et accommodé au contexte national!

Par Hadi Sraïeb: Le window-dressing acclimaté et accommodé au contexte national!

Les comptes publics comme les comptes nationaux seraient faux ! Tel serait le constat auquel serait parvenu le gouvernement. Tour à tour, le Ministre des Finances puis le chef du gouvernement ont fait savoir que de nombreux flux créditeurs comme débiteurs autour de l’intervention de l’Etat n’apparaissaient pas dans les documents officiels. Autant dire dans la foulée que de nombreux indicateurs statistiques seraient biaisés !

Les ratios de déficit, d’endettement, de situation nette des entreprises publiques seraient éminemment faux. Une révélation fracassante mais qui ne semble pas avoir émue outre mesure, ni les experts, encore moins les partis politiques et pas du tout les éditorialistes-journalistes chargés d’instruire les citoyens. Tout se passe comme si cette divulgation ne surprenait personne, pas même la fraction la plus avisée de la société civile, pourtant très à cheval sur la transparence et de redevabilité ! Plus rien ne semble surprendre !

Reste que des questions demeurent entières: Pourquoi cette dissimulation et à la demande de qui ? Une seule certitude, ces manipulations de données en vue de présenter les comptes sous un meilleur jour ont été réalisées par les services de l’Etat, en l’occurrence par les directeurs centraux et cadres supérieurs de divers ministères. La haute fonction publique a donc usé de techniques bien connues que les anglo-saxons nomment window-dressing (nettoyage de façade ou habillage des comptes). Des techniques qui consistent à maquiller des agrégats à partir de l’interprétation de principes comptables ou de nouvelles règles édictées par des lois de finances. Un embellissement des comptes nationaux par manipulation de données chiffrées, mais a priori sans trucages illicites et donc peu susceptibles d’être qualifié d’action frauduleuse ! Si la légalité n’en sort pas grandie que dire alors de la morale politique et de la responsabilité des dirigeants ?

Tous les gouvernements qui se sont succédé sont donc simultanément initiateurs et complices de leurs prédécesseurs de ces mensonges par dissimulation-omission ! Triste tropisme que celui de cette génération politique ! Le gouvernement actuel accuse donc mais du bout des lèvres celui qui l’a précédé de fabulateur et de mystificateur sans toutefois aller jusqu’aux qualificatifs d’imposteur ou de faussaire ! L’honneur des personnes et la continuité de l’Etat sont saufs ! Mais alors pourquoi cette dénonciation ?

Notons tout d’abord que l’objet du litige porte exclusivement sur l’action de l’Etat, ses institutions et ses entreprises. Il y aurait eu des jeux d’écriture autour de créances et de dettes masquant les comptes réels du Trésor Public, des caisses de prévoyance sociale et des diverses entreprises commerciales ou de services publics. L’Etat, -affirme le chef du gouvernement-, est « très mauvais gestionnaire » ! Détonnant !

Mais alors que vont bien penser les Institutions financières internationales qui s’échinent à venir « en aide » au pays, les agences de notation qui scrutent dans le moindre détail les actions de l’Etat, les partenaires multilatéraux et bilatéraux ! Rien ou si peu, car il semble bien qu’elles aient été mis dans la confidence !

Je n’ose imaginer la tête de nos distingués experts, « Gros Jean comme devant » qui se sont efforcés de commenter, -à longueur de temps et sans le moindre recul critique-, des indicateurs faussés mensongers.

Si donc ce gouvernement orchestre des déclarations dramatiques et alarmistes sur la gouvernance de l’Etat et la mauvaise gestion de ses institutions et entreprises publiques c’est, dira-t-on, qu’il compte y remédier !

En toute logique, il devrait donc être procédé à un audit complet, à une mise à plat de toutes les activités.

Pour l’heure rien de tel ! Pris dans la tourmente de la pandémie et de la crise économique, le gouvernement entend s’attaquer prioritairement aux menaces les plus directes et les plus flagrantes comme l’excessive masse salariale de la fonction publique, le surcroît de subventions, mais aussi aux déséquilibres de gestion et de pertes abyssales des caisses de prévoyance et des entreprises de service public !

Le ton est donné: gel des salaires et pensions, en attendant la mise en œuvre de plans de restructuration. En clair un ensemble de mesures conjoncturelles de nature austéritaire ! On observera au passage que les propos tenus par le chef du gouvernement et son ministre des Finances confortent une fraction de l’opinion pour qui « entreprise publique » rime avec inefficacité, laxisme, gaspillage et privilèges indus ! C’est faire  tout de même peu de cas des politiques économiques générales poursuivies tout au long de la décennie écoulée qui ont précisément conduit les caisses de prévoyance sociale et les entreprises publiques dans l’impasse sans laquelle elles se trouvent désormais.

Haro sur le secteur public ! Tel serait donc le nouveau Leitmotiv du gouvernement. Jingle ou ritournelle qui n’a, en réalité, rien d’inattendu tant sa récurrence est une constance du discours de tous les gouvernements ; sorte d’exutoire qui masque la sclérose et la pusillanimité de l’action publique depuis 2011.

Il est vrai que ce refrain est d’autant plus porteur qu’il fortifie cette fraction du sens commun populaire exaspéré par la dégradation des prestations offertes, corrélativement à des excès de pouvoir discrétionnaire, pour ne pas dire arbitraire, de la plupart des services publics.

Sans doute faut-il attendre de nouvelles annonces pour tenter d’entrevoir ce que ce gouvernement envisage d’entreprendre. Les finances publiques étant ce qu’elles sont, il y a peu de chance que les restructurations toujours très coûteuses par ailleurs, se fassent dans la concertation et le consentement des intéressés.

Pour l’heure l’exécutif en est réduit à racler les fonds de tiroirs. Il imagine, à son tour, pouvoir engranger de substantielles recettes en réactivant la trop fameuse « réconciliation nationale ». Une énième amnistie fiscale et de change dont le gouvernement espère cette fois-ci qu’elle sera plus fructueuse.

Un pari osé, s’il en est !

Hadi Sraieb, Docteur d’Etat en économie du développement.

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