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Par Hadi Sraïeb: Non-assistance à personnes en danger !

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La non-assistance à personne en danger est une infraction pénale qui condamne l’omission de prêter secours à une personne courant un danger.

Contrairement à la plupart des normes pénales, c’est une infraction d’omission et non de commission, c’est-à-dire que l’auteur n’agit pas alors qu’il aurait dû le faire.

De manière générale, le législateur, de par le monde, sanctionne les comportements passifs, incriminés et notoirement prouvés, en stipulant que les rapports de citoyenneté n’autorisent aucune indifférence au sort d’autrui.

La non-assistance à personne en péril se compose de deux éléments : un élément matériel et un élément moral. L’élément matériel est l’abstention, le fait de ne pas apporter à autrui le secours dû.

Par l’élément moral, il faut comprendre ici que le délit n’est punissable que si l’abstention est volontaire, c’est-à-dire que le prévenu connaissait le danger et a décidé en toute conscience de s’abstenir.

Ce danger peut provenir d’une infraction intentionnelle ou non, d’une catastrophe naturelle ou accidentelle, voire même, si l’état dans lequel se trouve la victime est entièrement dû à son fait ou à sa propre faute.

Nous connaissons de multiples exemples à caractère individuel: agression raciste, accident de travail ou de la route etc…Mais nous connaissons aussi des situations tragiques où la question de l’engagement de la responsabilité des autorités se pose.

S’il est vrai que l’exécutif (ministres et présidents en exercice) est soumis à un régime dérogatoire au droit commun (immunité) pendant toute la durée du mandat pour l’ensemble des infractions qu’il aurait pu commettre (hormis haute trahison ou violation de la Constitution), il n’en reste pas moins que des actions en justice peuvent être engagées, dès lors que l’infraction revêt un caractère extraordinaire, autrement dit un « sinistre » d’ampleur nationale (la maladie est susceptible d’être mortelle) !

Les victimes et collatéraux directs (personnels soignants, personnels exposés) peuvent porter plainte pour « mise en danger de la vie d’autrui », pouvant déboucher éventuellement sur une condamnation pour « manquement à une obligation de sécurité ou de prudence ».

Dès lors deux approches sont possibles. Soit l’action vise à engager la responsabilité pénale des dirigeants au pouvoir, soit encore l’action vise à engager la responsabilité administrative de l’État.

Les victimes du Covid-19 peuvent rechercher la responsabilité pénale des ministres eux-mêmes, et en particulier celle des Premiers Ministres et des Ministres de la Santé qui se sont succédés.

Pour avoir une chance d’être validée par une procédure de saisine, les intéressés doivent se réunir en collectifs et engager une action pétitionnaire collective visant à justifier et à légitimer leur plainte.

Il parait en effet avéré que, ayant conscience de la gravité de l’épidémie, les membres du gouvernement ont choisi de ne pas exercer tous les moyens dont ils disposaient, alors il peut leur être reproché une infraction: le délit d’abstention volontaire de prendre toutes les mesures permettant de combattre un sinistre de nature à créer un danger pour la sécurité des personnes.

Autrement dit et de manière plus explicite: les décisions politiques qui ont été prises, mais aussi celles qui n’ont pas été prises malgré les avertissements de la communauté scientifique nationale et internationale (OMS), caractérisent l’abstention volontaire ! Il convient en la circonstance d’apporter la preuve de l’intention par la collecte et le recollement de l’ensemble de témoignages crédibles et dignes de foi.

Reste qu’il n’existe pas de précédent juridique de ce type d’action, ni de cour de justice adéquate.

L’on sait bien aussi que l’action collective appuyée par un mouvement puissant de l’opinion peut déboucher sur une obligation faite au Procureur près de la cour de cassation de constituer ou de désigner la cour de justice adéquate.

S’agissant de la seconde option, toute personne physique ou morale estimant que son dommage est dû à une faute de l’État peut saisir le juge administratif: cela vise non seulement les personnes atteintes par le virus (non prise en charge ou insuffisamment prise en charge) et leurs proches mais aussi les victimes collatérales, comme les entreprises dont l’activité a été arrêtée avec le confinement.

Des groupements de victimes et de personnels exposés à la catastrophe sanitaire peuvent saisir la commission des requêtes.

De fait, il est toujours possible d’exercer un recours en responsabilité contre l’État pour obtenir la réparation du préjudice, voire à minima, obtenir une reconnaissance de la carence fautive de l’État.

Ici comme précédemment, pour que sa responsabilité administrative soit effectivement engagée, il faut que l’État n’ait pas agi correctement au regard de la connaissance qu’il avait du danger. Cela renvoie essentiellement à la période durant laquelle le virus est apparu et à la question de savoir si l’État s’est suffisamment préparé et a bien appréhendé les effets de la pandémie. Toutes choses qui peuvent effectivement être démontrées.

En la circonstance la mise en danger de la vie d’autrui ne se situe pas exclusivement dans le rapport de la population au système sanitaire, mais bien dans l’ensemble des mesures préventives (masques gel hydro alcoolique, jauge de rassemblement) comme des mesures curatives (disponibilités de lits dédiés, appareillage respiratoire, protection des soignants, approvisionnement en vaccins).

Il y a indubitablement matière à poursuivre l’Etat pour autant que nos compatriotes veuillent bien se décider à sortir de leur résignation quasi fataliste et de leur abdication apathique et stérile. Car de toute évidence nous n’en avons pas fini avec cette pandémie dévastatrice et ses multiples conséquences sociales et économiques qui fragilisent et hypothèquent les conditions d’un redressement et d’un retour à une vie normale !

A bon entendeur !

Hadi Sraieb, Docteur d’Etat en économie du développement

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