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Par Hadi Sraïeb – Une opération salutaire: la mise à plat des comptes de la Nation !

Par Hadi Sraïeb – Une opération salutaire: la mise à plat des comptes de la Nation !

Les jeux d’écriture délibérés utilisant la technique de vases communicants entre les différentes rubriques et sous rubriques de la comptabilité budgétaire, mais aussi dans les rapports de cette dernière avec celles des entreprises publiques et des caisses sociales, ont permis de masquer des réalités autrement plus dramatiques que ne le laissaient entendre les projets de loi de finances annuels présentés et les redditions des comptes publics et parapublics déposés auprès de la cour des comptes.

Une opération de mystification de la représentation nationale comme du grand public, tout ce qu’il y a, cependant de plus légal et licite, et à laquelle se sont livrés les gouvernements successifs cherchant en la circonstance, à occulter, dissimuler, maquiller, travestir des faits préoccupants et graves de nature fiscale ou financière !

Précisons d’emblée, qu’il n’y a là, -à proprement parler-, aucune malversation, ni malhonnêteté délibérée, mais une pratique courante quasi-universelle, à tous les Etats.

Les règles flexibles de la comptabilité publique autorisent des classements par nature ou par destination permettant de donner au final, une « image globale conforme » aux souhaits des pouvoirs publics. C’est, à vrai dire, le strict pendant du « window-dressing » (embellissement des comptes) permis par l’usage de normes par nature ou par fonction de la comptabilité privée.

Seul donc un retraitement poussé de rapprochement des données éparpillées dans différents comptes permet de restituer une image bien plus fidèle aux réalités que l’on tente d’appréhender.

Ainsi et à titre d’illustration, il apparait que la rubrique « impôts » (ou recettes fiscales) présentée à la délibération parlementaire est un « agrégat synthétique instantané » qui élude et escamote la situation nette du Trésor Public (hors dettes).

Si ce dernier est bien redevable du remboursement de « trop perçus » (3,2 Mds DT en 2019), il cherche lui-même, à recouvrer des montants considérables d’impôts qui lui sont dus (12,6 Mds DT en 2019).

On ne s’étonnera donc pas de ne trouver nulle part un indicateur reflétant le taux de recouvrement ou de son inverse de perte de recettes. On ne saura pas quel est le manque-à-dépenser ou le manque-à-financer. Pas loin de 10 Mds DT, une paille !

Les médias généralistes mais aussi la presse dite spécialisée passent le plus clair de leur temps à montrer du doigt et à vilipender les multiples acteurs de l’économie informelle illicite. Tous ces non-déclarés seraient à l’origine de l’aggravation de la crise économique.

C’est tout de même oublier que près d’un contribuable sur deux est lui-même est en « délicatesse vis-à-vis du fisc » (de la simple négligence à la dissimulation intentionnelle).

50%, oui vous avez bien lu, c’est tout de même considérable comparativement au 27% en France ou 23% en Allemagne !

Selon le forum FTDES près de 300.000 personnes physiques et près de 60.000 entreprises sur un total de l’ordre de 720.000 contribuables seraient à l’origine du blanchiment (involontaire ou délibéré) de près de 3 Mds DT annuellement de fraude fiscale ou parafiscale (cotisations sociales). Ils ont bon dos les « informels » !

Quoiqu’il en soit, le futur gouvernement serait bien avisé de mettre de l’ordre dans les comptes de la Nation (compte du Trésor, des caisses sociales, et des entreprises publiques) et par là même mettre fin à cette fourberie largement partagée et instrumentalisée de mise à l’index des seuls contrevenants non déclarés, les trop fameux passagers clandestins de l’économie ! Une opération vérité s’impose !

Dans le même ordre de considérations, de nombreuses voix s’élèvent pour exiger une rationalisation  de la dépense publique.

Trop de gaspillages, trop de prodigalités inefficaces, trop de dilapidations intenables. On l’aura compris les caisses de compensation sont dans le collimateur de cette « bien pensance » économique. Un mouvement d’opinion qui exige comme préalable à toute tentative de redressement et de reprise économique que soit mis fin à ces subventions inconsidérées et à ces prix administrés. Ce que d’aucuns appellent d’un nom quasi-magique : les réformes structurelles !

Des subventions aux produits alimentaires et énergétiques jugées dispendieuses, insoutenables dans le contexte de crise économique que traverse le pays, tant par leur niveau atteint (3 à 4 Mds DT du fait des fluctuations des prix internationaux) que par leur rythme de croissance annuelle (autour de 4%). Des montants considérables qui trouveraient un meilleur usage dans le cadre d’une réallocation plus optimale des ressources disponibles vers l’investissement et la compétitivité du site « Tunisie ».

Mais aussi surprenant que cela puisse paraitre les mêmes qui réclament à cor et à cri la réduction drastique des subventions et le retour à la « vérité des prix », négligent et occultent les efforts budgétaires déjà considérables, alloués au soutien de l’activité économique et des entreprises.

Subventions aux exportations, dérogations, exonérations, réductions fiscales et parafiscales et autres primes en tous genres, représentent une dépense annuelle estimée autour de 5 Mds DT, soit près de 13% du budget et de 5% du PIB.

Un montant tu, enseveli, éclipsé, pourtant considérable mais qui n’est jamais questionné ni quant à son bien-fondé (effet d’aubaine pour de nombreux acteurs) ni sur son efficacité effective (compétitivité prix/part de marché). Le doute est tout de même permis !

Si certains hésitaient encore, l’économie n’est pas une stricte affaire d’objectivité et de rationalité.

En dépit de mécanismes et de dynamiques, qui une fois enclenchés, produisent des effets parfaitement connaissables et mesurables (donc des déterminismes et causalités scientifiques identifiables), il n’y a pas, à proprement parler, de Lois économiques et qui seraient de surcroît quasi-naturelles.

Tout est affaire, de choix sous contraintes, choix le plus souvent politiques qui eux-mêmes se structurent autour de conditions préalables, de nécessités du moment, de conflits d’intérêts, mais aussi de rapports de force bien compris !

La légitimité des dites « réformes structurelles » telle qu’elle nous est présentée, tant au plan de leurs contours étriqués qu’aux résultats espérés (reprise de la croissance au contenu inchangé) est pour le moins contestable d’un double point de vue : Celui de la réduction effective des inégalités sociales (et non pas de l’aide aux pauvres par un financement ciblé) et celui du franchissement d’une nouvelle étape du développement plus harmonieux et plus écologiquement soutenable (et non pas à la reconduction d’un modèle réaménagé à la marge) !

 

Hadi Sraieb, Docteur d’Etat en économie du développement

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