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Par Henda Haouala : Emissions TV politiques et sociales, assumez enfin vos couleurs politiques

Par Henda Haouala : Emissions TV politiques et sociales, assumez enfin vos couleurs politiques

Ces dix dernières années, grâce à la révolution tunisienne, le paysage médiatique et télévisuel a été bouleversé par le nombre des émissions politiques et sociales. En access prime time (tranche horaire entre 18h et 21h), de nombreuses chaînes télés : la Watania, Attessia, El Hiwar Tounsi, Nessma, etc. traitent des actualités politiques.

Ces émissions sont « dirigées et gérées »  par un présentateur ou une présentatrice accompagné(e) de chroniqueurs et experts. Toutes ces émissions insistent et proclament leur neutralité politique dans le sens où les invités sont de toutes les couleurs politiques, afin de faire dialoguer des points de vue différents. Or, ces présentateurs et chroniqueurs et par conséquent les chaînes télés pour qui ils travaillent sont-ils dépourvus de tout engagement politique ? Ces chaînes sont-elles neutres politiquement parlant ?

De facto, ces émissions politiques façonnent l’opinion publique par le choix des chroniqueurs d’abord et des invités ensuite. En ce sens que toute émission télévisée est avant tout une communication par l’image et le son, vers un récepteur (le téléspectateur), ce qui implique forcément la construction d’un discours. Quelque soit le sujet politique et/ou social abordé dans ces émissions, cette communication se doit d’être comme une spectacularisation c’est-à-dire qu’elle doit rendre le discours plaisant, attrayant, séduisant, voire parfois affectif et spectaculaire. Autrement dit, de donner à voir « un spectacle  télévisuel » et provoquer des émotions, presque une mise en scène. Et du moment qu’il y a  discours, il n’y a plus de neutralité. Or, les présentateurs de ces émissions de débat politique et social ne ratent aucune occasion pour insister sur cette question de neutralité, créant une confusion entre neutralité et objectivité.

Toute émission traitant d’un sujet politique ou social doit passer par une mise en débat argumenté et non une compilation d’informations et d’auto-analyse orchestrées par le présentateur, chose que les émissions politiques tunisiennes peinent à réaliser encore, sous prétexte de neutralité et objectivité politique.

Ne serait-il pas plus judicieux pour ces chaînes télés d’assumer leur couleur ou leur engagement politique afin de proposer enfin aux téléspectateurs des débats inférés, contestés et soutenus et de leur épargner les affrontements polémiques non construits et de se contenter de cette spectacularisation de ce même débat ? Une chronique de Hassan Zargouni sur El Hiwar Tounsi ou une intervention de Lotfi Laamari sur Attessia ne sont- elles pas une orientation politique en soi ?

Au vu de la situation actuelle que vit le pays, le rôle des émissions politiques et sociales est de donner un sens aux discours émis par les politiciens et les experts et de faire sortir le téléspectateur de ce dédale des actualités quotidiennes.

D’un autre côté, les difficultés des chaînes télés sont légion : indépendance, objectivité, réactivité, contrainte(s), vérification, véracité, taux d’audience (et donc tout le volet financier). Endosser cette responsabilité médiatique et journalistique est un engagement vis-à-vis du téléspectateur et donc de la collectivité, un engagement qui n’annule aucunement l’éthique et l’objectivité professionnelles requises pour présenter une émission télévisuelle politique et sociale.

Henda Haouala – Maitre de Conférences en techniques audiovisuelles et cinéma.

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