Nous vivons une vraie crise de valeurs que personne ne peut nier. Malheureusement, cette crise est devenue notre triste réalité où tout est banalisé, bafouillé, embrouillé, standardisé. Partant du paysage audiovisuel tunisien, je constate qu’au fil de ces dernières années quelques chaînes télévisuelles ont contribué et contribuent encore à accentuer cette crise; voire à l’utiliser pour en faire un fond de commerce télévisuel. J’accuse certaines télés qui produisent des feuilletons et les diffusent à des heures de grandes audiences, écrits avec des scénarios véhiculant implicitement des discours extrêmement dangereux. J’accuse ces chaînes pour qui la violence conjugale et autre, le viol, le meurtre, le banditisme, la corruption, l’arnaque, la drogue, le blanchiment d’argent et j’en passe sont devenus leur marque de fabrique, les paramètres basiques de l’écriture scénaristique pour en faire un même objet et sujet de fascination. J’accuse ces feuilletons et toutes les personnes qui sont derrière, d’« embellir » tous ces crimes par des procédés de mise en scène qui ne font que manipuler le téléspectateur et donc le citoyen. J’accuse cette machine audiovisuelle qui fait appel à des « visages d’influenceurs » qui ne font que faciliter le processus d’identification de celui et celle qui les suivent et les regardent. Vous me diriez que ces feuilletons ne sont que le miroir de la société tunisienne ! Là j’accuse tout ce système qui est mis en marche qui ne fait qu’ anéantir toute capacité intellectuelle et culturelle chez une grande masse de citoyens/ téléspectateurs aboutissant à leur incapacité à faire la différence entre la fiction et la réalité. Je précise que cette capacité n’a rien à voir avec le niveau d’instruction, on peut être instruit, très instruit même… mais pas du tout cultivé. Et l’inverse est vrai. J’accuse ce système d’impunité totale qui ne fait qu’embrouiller le citoyen/ téléspectateur à distinguer le monde imaginaire (le feuilleton) et notre monde réel qui lui devient carrément surréaliste. J’accuse la présidence du gouvernement, censée donner l’exemple, de tomber elle aussi dans le piège de cette marque de fabrique télévisuelle nouvellement acquise et à diffuser un spot de sensibilisation sur le Covid 19 mettant en scène une partie de poker ! Si « ce sommet de la pyramide » qu’est le gouvernement ne réalise pas et ne voit pas qu’il est en train de diffuser un spot pour la promotion de l’impunité totale, comment voulez-vous qu’un simple citoyen y arrive.
Je ne peux qu’être pour la liberté d’expression, pour un enrichissement du paysage audiovisuel tunisien s’élargissant sur toute l’année, mais tant que n’avons pas définit la frontière, cette ligne rouge entre la fiction et la réalité avec un véritable état de droit, tant que ces produits audiovisuels feuilletons et émissions de divertissement continuent délibérément à abrutir la masse, ces produits télévisuels et toute la machine qui est derrière portent aussi la responsabilité de cette crise de valeurs et de toutes ses conséquences désastreuses de la vraie vie.
Henda Haouala
Maître de Conférences en techniques audiovisuelles et cinéma
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