Une personnalité politique qui s’expose à la télé est explicitement en situation d’énonciation. Cette dernière se structure selon plusieurs paramètres et facteurs, tous canalisés par un support : l’image. Contrairement à ce que la majorité pense, un politicien lorsqu’il apparaît à la télé, il communique sur sa propre image et non sur son parti même si à première vue, le téléspectateur a tendance à les confondre. Cette image ou cette « représentation » de la personnalité politique est définie selon la question suivante : Qui est ce personnage ? (Je dis bien personnage et non personne). La réponse est modulée en trois axes : le premier est politique, (son parti politique, des informations sur son appartenance à ce parti etc.) le deuxième est social (son expérience professionnelle, ses prises de position relatives à des problèmes sociaux, son positionnement dans son parti..) et le dernier est personnel (son apparence physique et vestimentaire, sa gestuelle quand il parle, les expressions de son visage…)
Toute apparition télévisuelle, autrement dit audiovisuelle, est une machine de communication qui se met en marche et qui active ces trois axes, donc, la représentation de la personnalité politique. Une fois à la télé, le personnage public ne choisit plus sa cible ou son public, c’est lui qui le choisit positivement ou négativement : tout dépendra de la manière avec laquelle se fera l’activation des trois axes. Le 25 mai 2021, sur El Hiwar (émission Tounes el yaoum), j’ai vu une personnalité politique qui a préparé et travaillé sa « représentation »; à savoir Monsieur Mohsen Marzouk président du parti Machrouu Tounes. Interviewé par Mariem Belkadhi, Mohsen Marzouk a soigneusement arrangé son passage télé, je dirais presque sa « mise en scène ». Constant dans ses interventions du début jusqu’à la fin, il a tenu un discours limpide et à la portée de tous, étayé par des ouvrages qu’il a apporté avec lui sur le plateau comme Am al Fzou 1864 (Année de la terreur) un roman historique de l’écrivain tunisien Hassanine Ben Ammou où Mohsen Marzouk expose un parallèle entre l’histoire du roman qui raconte la révolution de Ali Ben Ghedhahem et la situation actuelle de la Tunisie tout en insistant sur le « Fzou » (un terme bien à nous). Mohsen Marzouk appuie ses propos par un deuxième livre « Hathihi Tounes » (Voici la Tunisie) publié au Caire en 1948 par le leader Habib Thameur, qui expose un réquisitoire de l’horreur de l’occupation française et raconte que les néo destouriens anciens et nouveaux ont réussi à se mettre sur la même table pour défendre la cause unique, l’indépendance. Mohsen Marzouk développe ce point à partir du livre pour expliquer son idée de rassembler les autres partis pour sauver la Tunisie d’aujourd’hui.
Mohsen Marzouk finit son intervention en prenant l’exemple d’une chanson du sud tunisien Rit el njoum (j’ai vu les étoiles), reprenant les paroles pour insuffler une note d’espoir aux téléspectateurs, l’étoile c’est bel et bien notre Tunisie.
Lors de ce passage télé, Mohsen Marzouk a su jouer avec ce médium en exploitant les atouts que seule la télé peut offrir. Marzouk a argumenté sa vision et sa stratégie par des livres qu’il a montré (chose qu’il ne peut faire qu’à la télé), par des citations de grands leaders tunisiens, des dictons tunisiens, par des faits historiques créant une lecture intelligente, attrayante et engageante de la situation actuelle malgré la noirceur du tableau dressé et surtout optimiste. Certes, les téléspectateurs ne sont pas tous sensibles à ce type de communication, certes les idées se discutent, une chose est sûre cette communication s’est faite dans le respect du téléspectateur. Je pense que Mohsen Marzouk a visé une cible indécise encore en optant pour une communication audiovisuelle qui a su déclencher positivement deux paramètres extrêmement importants lorsqu’on fait de la politique : l’identification et la mémorisation.
Henda Haouala
Maitre de conférences en techniques audiovisuelles et cinéma
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