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Par Henda Haouala : Sexisme et misogynie dans les médias tunisiens

Par Henda Haouala : Sexisme et misogynie dans les médias tunisiens

Il est vrai que la liberté d’expression a permis aux médias d’aborder des sujets qui étaient tabous pendant des décennies tels que l’homophobie et le racisme, mais au nom de cette même liberté nous interceptons un rapport homme/ femme extrêmement controversé qui envahit le paysage politique et médiatique. Observant le secteur audiovisuel tunisien depuis des années, les chaines télévisuelles ont fortement contribué à installer et à banaliser un rapport dégradant d’un sexe par l’autre.

Des propos et  des attitudes témoignant d’une forme de dénigrement, de rabaissement, d’un rapport de force et d’infériorisation font la une des réseaux sociaux au quotidien. Pas besoin d’être un connaisseur en audiovisuel pour comprendre la stratégie de production de la majorité des  émissions télés.

Ces dernières années, le concept dominant de ces émissions aux heures de forte audience est le suivant : un animateur entouré de chroniqueurs et chroniqueuses discutent de divers sujets qui ont marqué la semaine dans une ambiance légère, divertissante et désopilante. Dès lors, des stéréotypes se sont installés et sont devenus des normes et des critères pour « la réussite » de ces émissions. Parmi eux, la représentation, ou la sous représentation de la femme sur ces plateaux. Cette présence féminine se résume à  donner à voir des bimbos au corps sexualisé, prêtent à se faire insulter, à recevoir des gifles, à se rabaisser, à pleurer.  Elles sont aussi rivales entre elles, le tout orchestré par un homme : l’animateur qui se permet, sous couvert de plaisanteries et de divertissement, des propos sexistes, misogynes sur le plateau.

Cette sous- représentation de la femme a malheureusement entrainé le diktat de nouveaux canons relatifs à son image, qui s’est d’ailleurs ancrée dans l’archétype masculin et féminin. Quelques émissions ont tenté de faire face à ce fléau mais elles ont disparu et le paysage télévisuel demeure profondément, disons le, sexiste. Les  plateaux télé  sont majoritairement masculins, un manque déplorable de femmes expertes, sans compter que certains sujets d’expertises sont considérés exclusivement masculins (l’exemple le plus récent, la loi 52).  Au sein des chaines privées qui ont plus d’audience que la chaine publique, la parole est de moins en moins donnée aux femmes. De plus en plus de personnalités masculines font les débats et façonnent le contenu des émissions.

Cette même présence pratique, ce que l’on appelle le « manterrupting » ( man / interrupting) devenu monnaie courante sur les plateaux télés, où l’homme coupe systématiquement la parole à une femme, engendrant un rapport implicite de dominant / dominée.

Aujourd’hui, ces chaines télés semblent comprendre que ce modèle d’émissions ne peut pas perdurer longtemps, simplement parce que la principale caractéristique d’un téléspectateur est la lassitude. De ce fait, nous assistons à une transition, une étape charnière où les chaines télévisuelles cherchent de nouvelles manières de procéder, mais visiblement avec la même mentalité sexiste d’où le pataugement auquel nous assistons.

Cette transition médiatique prendra le temps qu’il faudra, cependant il faut garder en tête que ces émissions dont je parlais sont un récit informatif et divertissant destiné à une population d’hommes et de femmes, la qualité de ce récit définira le visage de cette population.

Henda Haouala – Maîtres de Conférences en techniques audiovisuelles et Cinéma.

 

 

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