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Par Imed Derouiche : L’homme d’Etat, ennemi juré des politiques et des populistes !

Par Imed Derouiche : L’homme d’Etat, ennemi juré des politiques et des populistes !

« La différence entre l’homme politique et l’homme d’Etat est que le premier pense à la prochaine élection, le second à la prochaine génération. » James Freeman Clarke – 1810-1888

Les tunisiens vivent très mal la situation politique actuelle marquée par les querelles stériles, l’absence de programmes de développement et de visions stratégiques pour les générations futures. Ils détestent ce qu’il est advenu de leur pays après 10 années d’un soulèvement populaire qu’ils croyaient salvateur. Les tunisiens sont déçus du rendement politique et ils ne se reconnaissent plus dans une classe politique qui s’apparente plus à une arène de combats de coqs, prêts à s’entre-tuer pour assouvir leurs ambitions personnelles qu’à un laboratoire d’idées avec des hommes intelligents et respectueux qui échangent sur des programmes pour améliorer les conditions de vie des tunisiens et l’avenir du pays.

Aujourd’hui, les tunisiens s’interrogent ou sont passés les bâtisseurs de la Tunisie moderne et pourquoi les hommes politiques prennent le pas sur les hommes d’Etat ?

Porteurs de projets sociétaux, talentueux, visionnaires, patriotes, souverainistes, pourvus de grandes capacités de management et souvent dépourvus d’ambitions politiques personnelles, les Hommes d’Etat sont soucieux du présent et surtout de l’avenir de leurs pays. Contrairement aux hommes politiques, les hommes d’Etat ne sont ni opportunistes et encore moins carriéristes. Contrairement aux hommes politiques, les hommes d’Etat préfèrent servir que se servir. Contrairement aux hommes politiques, les hommes d’Etat ne sont pas mégalomanes. Contrairement aux hommes politiques, les hommes d’Etat sont les comptables de leurs propres réalisations. Contrairement aux hommes politiques, les hommes d’Etat laissent des traces indélébiles et marquent l’histoire par des postures et des réalisations intemporelles et immortelles.
Les Mhiri, Nouira, Filali, Ben Ossmane, Messaadi , Klibi, Belkhodja, Gannouchi, Charfi , Boulares, Ben Dhia, Zenaidi, Jouini, Tlatli, Rabeh, Ben Salem , Ramadhani et tant d’autres ont été les chevaliers du bon ordre en balisant les contours de la Tunisie moderne. N’en déplaise aux aigris, aux ingrats et aux inféodés aux confréries terroristes, tous ces hommes d’Etat ayant servi loyalement la Tunisie sous les 2 Présidents Bourguiba et Ben Ali et ont marqué de leurs empreintes leurs passages avec des programmes, des œuvres et des ouvrages mémorables. (Feu Chedly Klibi et le Festival de Carthage)

Pour l’un comme pour l’autre, n’est pas Ministre qui veut. Il fallait du talent, de l’exemplarité, de la compétence et du dévouement à servir son pays pour aspirer à une responsabilité ministérielle.

Pour Bourguiba, le politicien visionnaire et bâtisseur de l’Etat moderne, le talent et la compétence suffisaient pour être dans le cercle de confiance car il avait une méfiance vis-à-vis des hommes politiques comme Mestiri, Ben Salah et Sayeh qui nourrissaient des ambitions personnelles.
Pour Ben Ali, l’homme d’Etat qui a doté la Tunisie d’infrastructures et a amélioré les conditions de vie des tunisiens, la compétence et la loyauté étaient indispensables pour construire ses équipes d’hommes d’Etat dévoués et de quelques politiciens porteurs de projets comme Mohamed Charfi ou Daly Jazi.

Depuis 2011, les véritables hommes d’Etat furent désavoués pour la simple raison qu’ils constituaient une menace pour les hommes politiques et même Beji Caid Essebssi, plébiscité Président de la République en 2014 et qui se disait homme d’Etat, pensant aux générations futures a cédé à la tentation des hommes politiques. Par nécessité, il a troqué le talent et la compétence à l’allégeance avec les conséquences que nous connaissons suite au choix de Youssef Chahed, un simple Secrétaire d’Etat à l’Agriculture, au poste de Chef de Gouvernement dont l’ambition était de surclasser son mentor. Si BCE avait conservé Mehdi Jomaa à la Kasbah, il aurait réconcilié les tunisiens avec le mérite et surtout aurait évité à la Tunisie toutes les crises politiques et économique et  aurait donné une autre cartographie politique en 2019 car de l’avis de tous les observateurs, Jomaa fut le meilleur Chef de Gouvernement de l’après 14 Janvier.
Les véritables hommes d’Etat aseptisés de politique sont nombreux et nous pouvons citer à titre d’exemple les Fadhel Abdelkefi, Kamel Ben Nasseur, Taoufik Jelassi, feu Slim Chaker ou Ghazi Jribi, qui ont fait preuve de talent, de savoir-faire et de loyauté à la République. Chacun a apporté ses solutions et sa vision pour sortir la Tunisie de sa léthargie mais tous ont été désavoués car leurs rendements faisaient de l’ombre aux politiques. La manœuvre politicienne de désavouer les hommes d’Etat a eu l’effet boomerang car elle a pollué les débats publics, a marginalisé les politiques avec des scores honteux lors des législatives de 2019 et a permis l’éclosion de courants populistes qui vouent une aversion notoire pour le talent des hommes d’Etat et la prestance des hommes politiques. Des populistes qui sont dans le déni et le nihilisme pour assouvir leur revanche sur l’establishment et pour ameuter leurs troupes sur le politiquement correct.
Après l’épisode avorté d’Habib Jemli, le président Kais Saïd, fidèle à sa thèse de non-Etat martelée pendant sa campagne, a évincé le candidat homme d’Etat Fadhel Abdelkefi, qui a été réhabilité par l’histoire après le coup fomenté par Brutus au profit d’Elyes Fakhfakh, un politicien en veilleuse depuis sa débâcle aux élections présidentielles. Nous payons actuellement le prix de ce choix et la léthargie de l’Etat face au fonds Zakat initié par le maire du Kram Fethi Layouni en est la parfaite illustration. S’il est décrié par les politiques pour des raisons idéologiques tenant à la constitutionnalité du fonds et à l’islamisation des institutions, les objections des hommes d’Etat tiennent aux mécanismes de collecte et de distribution de ce Fonds qui seront partisans et en fonction de l’allégeance. L’autre grief des hommes d’Etat tiendrait au financement de ce fonds et si par le passé on s’accordait à ce que le 26 26 finance les projets d’assainissement et d’infrastructure, ce fonds Zakat pourrait servir à financer des projets douteux et contraires aux fondamentaux de la République.
Imed Dérouiche

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