Société

Par Jawhar Chatty : La Kahina, Hannibal, Ibn Khaldoun, les momies et Kais Saied

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Dire que je n’étais pas émerveillé par le grand spectacle pharaonique du transfert des momies des rois d’Égypte serait me trahir. J’ai vibré comme beaucoup de mes très naïfs compatriotes. La mort dans l’âme, cependant. Car autant nous étions heureux pour l’Egypte pour cet acte culturel et politique majeur, autant nous étions tristes pour notre chère Tunisie qui stagne, qui régresse, qui ne sait plus où elle va ni ce qu’elle fait.

Ce spectacle n’était pas une grande comédie. Et quand bien même il le serait à l’effigie d’un nouveau pharaon, le président Sissi, nous serions bien lucides et inspirés d’en mesurer l’impact au niveau sous-régional et international. La démonstration de force n’est plus militaire mais culturelle. Le monde libre est très sensible à ce genre de manifestations. Les retombées touristiques et économiques sont évidentes. La Destination Égypte aura, covid 19 ou pas, la voie en poupe.

Et nous ?

Nous avons oublié La Kahina, Hannibal, Ibn Khaldoun…

Oublié le serment d’Aristote qui considère la Constitution de Carthage, de la cité punique, comme l’une des trois meilleures au monde de l’Antiquité ?

Nous ? Déchiquetés, déchirés, nous sommes passés maîtres dans l’art de la diversion, du babil et du sabotage. De l’envie et de la détestation de nous -mêmes et des autres. La culture est morte en nous. C’était peut-être être bien cela le projet politique post révolution ! Nous, aujourd’hui, sommes un amoncellement d’occasions ratés. Des occasions ratés depuis 2011 de faire de ce grand pays qui est le nôtre un immense motif d’espoir et de fierté pour une jeunesse aujourd’hui en perte de repères.

Un pays, une formidable mosaïque

Je reprends ici, avec sa permission, un texte de Si Hassen Zargouni. Je considère qu’il est tout à fait à propos.

Une balade dominicale en photos au pays qui a abrité des civilisations, atérienne, capsienne, numide, berbère, punique, carthaginoise, romaine, juive, byzantine, normande, arabe, ibérique, turque, latine,… une sédimentation historique qui fait notre être Tunisien, forgée par une géographie entre orient et occident, entre Nord et Sud, au cœur de mare nostrum, la matrice des civilisations.

Cette terre de Tunisie qui a intégré tous ses assaillants, ils y rentrent par la mer, par la terre, mais n’en sortent pas et contribuent à façonner notre être Tunisien telles des tesselles de mosaïque, chacun de nous en est la morceau.

Une parade, des messages

Le transfert des momies est aussi un message stratégique et géopolitique à l’adresse de la Turquie, le Qatar en rapport avec l’Islam politique et pour l’Éthiopie en rapport avec le grand barrage, la Renaissance en rapport avec ses conséquences désastreuses sur la part d’eau du Nil pour l’Égypte…Le pays des pharaons ne se laissera pas faire, étant comme disait Hérodote : l’Égypte est un don du Nil.

Hérodote, de nouveau. Pour nous, il faudra éveiller en chacun de nous, ce devoir de mémoire. Retrouvez cette fierté d’être les descendants de la Kahina la femme battante et combative, de Hannibal la bravoure et l’intelligence, Ibn Khaldoun, la psychologie sociale et le pouvoir. De quoi en faire non pas un musée mais une construction, une conscience collective.

Jawhar CHATTY

 

 

 

 

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Publié par
Tunisie Numérique