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Par Jawhar Chatty : Le 14 janvier, un non-événement

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Le monde nous regarde et rit sous cape de notre incrédulité.  En fait, il a depuis longtemps cessé de nous regarder. L’astroïde Tunisie ne semble plus intéresser  personne. Le grand laboratoire du «  Printemps arabe » est depuis quelque temps déjà à l’abandon. Dix ans après, l’échec est avéré. Il y a, à notre sens, au moins trois raisons

  1. Si la greffe n’avait pas pris, c’est que l’alchimie, une fois sortie du grand labo avait manquée de leader tunisien pour la porter. La grande erreur des alchimistes était de n’avoir pas ,au préalable pris le temps nécessaire de former un leader.  En l’absence d’un chef la révolution tunisienne était dès le début vouée à l’échec. Elle n’était de plus pas tunisienne, c’est-à-dire pas d’âme  tunisienne, de psychologie et de sociologie tunisiennes.
  2. La révolution allait échouer parce qu’ elle avait l’ambition, fausse, d’être un bloc. Un tout à la fois : révolution politique, révolution sociale, révolution économique. Dix ans après,  au regard de l’instabilité politique endémique et des crises institutionnelles récurrentes, on ne peut pas réduire une révolution politique au simple fait d’avoir fait chuter un régime politique fusse-t-il dictatorial. Quant à la révolution sociale et économique, il ne faut pas être un grand génie pour admettre que c’est carrément la régression, le fiasco en termes de justice sociale, de progrès social et de croissance économique.
  3. La désertion rapide du labo Tunisie et, surtout , une fois passée la grande euphorie, le «  lâchage » en plein océan de la barque Tunisie. Sans trop rentrer dans les détails, il faut se rappeler que tous les appels d’un plan Marshall pour la Tunisie sont restés vains et que les promesses du fameux sommet de Deauville sont demeurées strictement au stade des promesses. Soyons justes à ce titre : l’ Union européenne n’était pas si parcimonieuse à notre égard ; elle a soutenu bien au contraire la «  transition démocratique » tunisienne. Son grand tort toutefois est de n’avoir peut- être pas été suffisamment regardante sur la destinée et la réelle affectation des fonds alloués.

Le monde libre rit aujourd’hui de notre immense incrédulité. Pour nous faire un peu plaisir à la veille du 14 janvier, il prend un peu la peine de nous jeter un regard furtif. Au temps de la Covid-19, c’est le sauve qui peut et le chacun pour soi.

Pour nous, pour beaucoup de Tunisiens, le 14 janvier est depuis quelque temps un non-événement. Ne demandons pas aux autres d’être plus tunisiens que nous-mêmes!

Jawhar CHATTY, Ancien Rédacteur en chef La Presse.

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Publié par
Tunisie Numérique