Société

Par Jawhar Chatty : Une élite vieillotte, hors sol

Par Jawhar Chatty : Une élite vieillotte, hors sol

Youssef Essedik. Un nom qui résonne bien. La parfaite combinaison pour un peuple schizophrène et sentimentaliste.

Il doit sans doute lui-même porter cette schizophrénie pour pouvoir  et à ce point enchanter et bercer le peuple d’un média aussi médiocre que la situation dans laquelle se trouve aujourd’hui le pays.

On ne sait pas si il est agnostique, laïc ou croyant. Il change d’humeur au gré du temps. En 2010, à l’Académie des sciences, il disait qu’il était agnostique. Quelques années plus tard, à côté du sulfureux Tarek Ramadan invité par les non moins sulfureux à Tunis, il tenait tribune pour dire en substance qu’il défend la thèse du «  choc des civilisations ».

Aujourd’hui, plutôt hier sur une chaîne TV à grande audience , il dit être pour «  un Islam progressiste ».

Seuls les idiots ne changent pas d’avis. Mais un penseur n’est pas un idiot.

Héla Ouardi, «  islamologue » , un peu notre Salman Rushdi à nous, n’a , comme il se doit , pas manqué de réagir aux propos de Y. Essedik. L’islam progressiste , c’est, je cite «  de la mloukhia avec des crevettes », fin de citation.

C’est dire le niveau des échanges entre intellectuels !

Ci-joint, un papier ( Un Éditorial)  publié il y a déjà neuf ans.

Talbi plutôt que Ramadan.

Publié par J C dans La Presse de Tunisie le 02 – 03 – 2012

Par Jawhar CHATTY

Talbi plutôt que Ramadan.

Ce choix, mon choix, est la résultante de trois raisons que je considère objectives. Il y a d’abord ce malaise que l’on éprouve à l’idée qu’un penseur puisse se permettre de rendre mercantile et financièrement négociable le produit de sa réflexion. Cette incompréhension aussi chaque fois qu’un penseur se plaît dans le rôle de prédicateur. Acceptant ainsi de jouer le jeu et de se plier au diktat des organisateurs de spectacles. Un penseur n’est pas un artiste. Et quand il singe les artistes, il devient piteux et lamentable. Non point parce qu’il s’est, pour la circonstance, mû en artiste, mais parce que ce n’est ni sa vocation ni ce que la société humaine attend en principe de lui. Sa vocation est d’éclairer les voix de la Culture qui est à la base de tout développement. Son rôle est d’interpeller, par la réflexion et non point en s’offrant en spectacle, la société et les sphères de la décision politique quant à l’avenir envisageable. Il n’est, à ce titre, pas risqué, pour les organisateurs de spectacles en quête de bon retour sur investissement, d’aligner et de placer au-devant de la scène de la grande comédie humaine, Tariq Ramadan, Bernard Henri-Levy et un certain… Wajdi Ghanim. Des penseurs-prédicateurs qui savent entretenir le spectacle et alimenter la comédie. Il appartient aux plus avertis, de lire en filigrane les visées « idéologiques » des uns et des autres et de remonter jusqu’à leur mentor d’imprésario.

Il y a, ensuite, ce damné complexe qui nous colle encore à la peau. Un complexe qui va jusqu’à nous faire dénier la valeur intrinsèque de nos penseurs contemporains et qui, dans un réflexe primaire de refus, nous conduit à s’en détourner. Quand Mohamed Talbi dit de Tarek Ramadan qu’il est «un personnage indiscutablement charismatique», il sait ce qu’il dit et il attend de nous d’avoir cette lucidité et cette intelligence de relever la vérité qui se cache derrière la subtilité des mots.

Quand Talbi juge que le discours de l’islamologue de nationalité suisse est «d’une fausse courtoisie. Une courtoisie qui banalise le discours», il nous appartient à tous de savoir saisir, de nouveau, le sens et la véritable portée du propos. J’étais présent dimanche dernier au Palais des congrès, et j’ai pu apprécier, sans grande surprise du reste, l’élégance et la profondeur du propos d’un penseur tunisien qui cultive l’humilité face à un discours désappointé d’un autre et qui semble avoir préparé son discours en prévision d’une grande tournée internationale….

Sur le fond, enfin. «Ma religion est la liberté», dit Mohamed Tabli. En face, Ramadan est «farouchement» attaché à la Chariâa. «Farouchement», le mot de Mohamed Talbi est repris par notre jeune collègue Narjes Torchani qui a remarquablement rendu compte de ce «face à face» dans nos pages Culture du jeudi, 1er mars. Le compte rendu est équilibré et la jeune journaliste a eu cette intelligence de ne pas …s’enflammer à son tour, au gré des thèses des tribuns. Il n’empêche, le mot choisi n’est évidemment pas neutre. Il traduit cependant une spontanéité sincère et un certain état d’esprit d’une jeunesse tunisienne qui aspire foncièrement à la liberté et à un mieux-être envisageable dans l’avenir en dehors de toute tentative d’endoctrinement et de discours populiste importé.

Jawhar Chatty

 

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