Le polytechnicien tunisien, Anis Marrakchi qui a fait une très belle analyse sur l’économie de rente en Tunisie et ses conséquences, et sur Start-up act a réagi cette fois par rapport au sujet à la mode : cryptomonnaies / blockchain.
A chaque fois que j’entends une start-up dire « blockchain, blockchain, blockchain », je souris en coin en pensant aux pauvres investisseurs qui y mettront leur argent et se feront broyer par le darwinisme financier : si des gens pauvres mais astucieux réussissent à amasser des fortunes, il faut bien que des gens riches mais crédules perdent les leurs.
Pourquoi ça me fait sourire ? pour une raison principale : Les
cryptomonnaies sur DLT (distributed ledger technology, ou blockchain) sont une très bonne solution à un problème que personne ne se pose. Pour faire simple, la DLT sert essentiellement à créer un environnement financier où il n’y a pas besoin de faire confiance à quelqu’un.
Avec les monnaies classiques, à chaque fois que je reçois un virement d’une amie, je suis obligé de faire confiance au système bancaire pour enlever de l’argent du compte de mon amie, le mettre sur le mien et faire en sorte que ça ne pose pas de problème. Une banque, quelque part, note cette transaction sur un ordinateur et je lui fais confiance pour que tout se passe bien.
Les cryptomonnaies permettent de se passer de cette confiance. Il n’y a plus d’ordinateur central quelque part sur lequel on note la transaction. Quand mon amie m’envoie des bitcoins, plein de calculs sont lancés sur un très grand nombre d’ordinateurs de particuliers pour vérifier la transaction et une fois que c’est fait, cette transaction est notée chez TOUT LE MONDE. Tout le monde possède une version identique du registre de transaction partagé (distributed ledger) et pour faire une transaction il faut « convaincre » tous ces ordinateurs qu’elle est légitime. Plus besoin de faire confiance à un ordinateur central !
Le problème c’est que généralement, les gens n’ont pas de problème de confiance avec cette partie de la finance. Quand je fais un virement à une amie, je n’ai pas vraiment peur que la banque décide de lui envoyer moins ou plus ou rien. Je n’ai pas vraiment peur que la banque « oublie » que j’ai un compte chez elle. Du coup, les cryptomonnaies sur DLT résolvent astucieusement un problème que pratiquement personne n’a. En contrepartie, les transactions par cryptomonnaies sont beaucoup plus chères, beaucoup plus lentes et beaucoup plus énergivores (il faut faire plein de calculs compliqués sur pleins d’ordinateurs pour vérifier la transaction).
Au final, le seul véritable intérêt des cryptomonnaies, c’est de contourner le système financier pour faire des transactions dont il ne veut pas : acheter des drogues, des armes ou autres produits prohibés, contourner le contrôle des changes dans les pays qui l’imposent, etc. Mais ce qui est vraiment drôle, ce sont les startups ou entreprises qui proposent des produits sur blockchain privée! Les gens qui investissent dans ces trucs n’ont rien compris à la technologie j’ai l’impression. Tout le but de la blockchain, c’est d’éviter de faire confiance à quelqu’un parce que la blockchain est publique et décentralisée ! Si la blockchain est privée et centralisée, il faut toujours faire confiance à cet acteur central…
En France, Carrefour a lancé un système de suivi de l’origine des produits sur blockchain privée pour rassurer ses clients sur la provenance de ses produits bio.
Soyons clair, c’est de la com’ et rien de plus, ça donne exactement 0% d’assurance supplémentaire que le produit est bien bio… Le code de la blockchain est privé, la seule entité qui s’assure que les transactions sur la blockchain sont réelles est Carrefour. Donc si vous faites confiance à cette blockchain privée, c’est que vous faites confiance à Carrefour.
Alors à quoi ça sert d’avoir cette blockchain privée ? Juste à envoyer un signal : « on a un sticker extra bio sur lequel on vous demande de nous faire extra confiance ! »
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