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Par le polytechnicien Hazem Bouzaiane : Crime de non-assistance à un pays en danger… (partie 2)

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Dans la première partie de cet article, j’ai fait une analyse critique des différentes solutions disponibles pour sortir notre cher pays du gouffre économique, social et politique actuel.

Néanmoins, je pense qu’il faudrait commencer déjà par changer le régime politique en Tunisie par un système présidentiel pour tenir compte du contexte et des caractéristiques de notre pays.

Facteurs culturels :

La mentalité tunisienne assimile plus facilement un leader unique qu’un groupe de personnes pour gouverner. Il y a plusieurs indicateurs à cela. Le dernier étant les récentes élections présidentielles et législatives. Le nombre d’électeurs des législatives étaient 2.9M alors qu’il a atteint 3.8 M (soit 30% de plus) pour les présidentielles (au deuxième tour, avec 3.3M au premier tour). Sachant que les présidentielles sont organisées en deux tours donc avec plus d’effort pour l’électeur, alors que les législatives se font en un seul tour, et sachant qu’on est dans un régime quasi parlementaire donc théoriquement avec plus de poids et d’importance pour les législatives. Aussi, le gagnant a récolté 2.7M de voix, soit presque autant de votes que tous les partis politiques réunis.

Ce contraste est un signe très révélateur de la conception de l’esprit tunisien.

Il suffit de voir différents aspects de notre société (économique, sportif et civil) : beaucoup de grandes entreprises sont connues par les personnes qui les chapeautent et une fois que le leader change tout change. Les clubs de sport, pareil, leurs succès dépend étroitement de leurs présidents et de leurs notoriétés. Les partis politiques sont souvent connus par leurs présidents. Leurs images et celles de leurs leaders sont presque indissociables au point que l’ancien premier parti du pays a pratiquement disparu avec la disparition de son leader, d’autres ont le même président depuis leurs constitutions, avec renouvellement presque systématique à chaque congrès.

Pendant toute son histoire, depuis Carthage, en passant par les différentes dynasties et civilisations jusqu’à Bourguiba et Ben Ali, la Tunisie a presque toujours connu un leader fort et imposant.

Facteurs pragmatiques :

Un autre régime (hybride tel que ce qu’on a maintenant), n’est pas forcement mauvais, mais il ne va pas tout simplement avec l’histoire, la culture, la mentalité et les priorités actuelles tunisiennes.

Pour pouvoir justement commencer toutes les grandes réformes discutées auparavant, il faut un exécutif solide, fort et stable et non pas assujetti au lobbying continu des partis politiques. Aujourd’hui, il y a un vrai déséquilibre de pouvoirs entre le législatif et l’exécutif, un clivage qu’il faut rectifier au plus tôt.

La Tunisie va connaitre son dixième gouvernement bientôt, en moins de 10 ans (soit une moyenne d’un gouvernement par an). On ne peut faire aucun changement avec une telle instabilité.

Pour  avancer, il faudra un président, directement élu par le peuple, qui soit à la tête du pouvoir exécutif et qui tire sa force de sa légitimité électorale et non pas d’alliances politiques éphémères. Il est inconcevable, dans le contexte tunisien, d’avoir un chef de gouvernement (soit théoriquement l’homme le plus fort du pays), que personne n’a élu et que parfois personne ne connait.

On nous parle de risque de dictature avec ce type de régime, ceci est faux, puisqu’il n’y a aucune contradiction entre régime présentiel et démocratie, si on met en place une bonne séparation des pouvoirs. D’ailleurs, plusieurs grands pays démocratiques ont un système présidentiel ou quasi présidentiel, tel que la France, les Etats Unis, le Brésil, la Corée du Sud, etc.

Quand on dit régime présidentiel, cela ne veut pas dire donner tous les pouvoirs au président mais seulement le pouvoir exécutif (qui sera donc consolidé sous une seule personne élue directement par le peuple), sous le contrôle et suivi des autres pouvoirs. Il ne faut pas avoir la phobie de ce système à cause de l’historique. Les défaillances précédentes n’étaient pas générées par le système lui-même mais par le déséquilibre des pouvoirs.

On entend parfois dire que le régime actuel est bon et que c’est une question de temps pour que la classe politique et le peuple gagnent de l’expérience en terme d’exercice démocratique et en maturité, qu’on est entrain d’apprendre, que quelques années ne sont rien dans l’histoire d’un pays et qu’on est un exemple à suivre, une exception, que les grands pays apprécient et nous en félicitent (ils nous apprécient tellement qu’ils ne veulent plus nous prêter de l’argent !)

Ce discours rêveur, philosophique et limite utopique, est très dangereux. On pourrait l’accepter si seulement on était sur le bon chemin, si on était entrain d’avancer même à des petits pas, mais la réalité est qu’on est entrain de reculer et rapidement. Tant que les conditions qui ont créé la situation actuelle restent les mêmes, on ne peut pas espérer un changement.

A ce titre, Albert Einstein a défini « La folie » par le fait de « faire toujours la même chose et de s’attendre à un résultat différent ».

Message à la classe politique d’arrêter ce discours. L’hirondelle de la liberté d’expression ne fait pas le printemps.

Autre avantage :

L’autre avantage « collatéral » de ce changement est la création immédiate d’un choc générant une onde positive, envoyant un message fort au peuple tunisien, aux investisseurs locaux et étrangers, aux institutions financières, à la communauté internationale, un message qui montre qu’on est entrain de rectifier le tir et de mettre le pays sur le droit chemin et donner ainsi une lueur d’espoir en rétablissant graduellement un climat de confiance.

Un message plus que nécessaire en ces moments critiques.

Message au président

Sachant qu’il est impossible que cette initiative vienne des parlementaires, puisque c’est tout simplement contre leurs intérêts (ou du moins d’une bonne partie d’entre eux), la seule solution est que le président fasse une initiative pour organiser un référendum et avec le résultat, faire pression sur le Parlement.

Vu le temps nécessaire pour organiser le référendum, absorber toute la polémique correspondante et  changer la Constitution et le système électoral, il faudra commencer maintenant pour au moins sauver 2024!

La Tunisie ne va pas devenir un paradis grâce à ce changement, d’ailleurs aucun changement à lui seul ne pourra le faire, mais commençons par cette bataille déjà, qui ne sera pas facile. Ne disons-nous pas qu’en chassant plusieurs lapins à la fois, on finit par les perdre tous.

Monsieur le président, ne pas initier un changement drastique similaire en ce moment critique de notre histoire, pourrait être perçu, plus tard, comme un crime de non-assistance à un pays en danger.

Hazem Bouzaiane, ingénieur polytechnicien et Master in Business Administration (MBA) de l’université de Manchester. Directeur régional dans une multinationale.

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Publié par
Tunisie Numérique