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Par Maher Ben Ghachem : L’olivier dans la neige

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Je viens de finir le livre « l’Olivier dans la neige », Apollonia Éditions, écrit par mon ami Habib Fekih, diplômé des grandes écoles d’ingénieurs, grande personnalité du grand groupe aéronautique européen Airbus où il a apporté sa propre pierre face à l’ogre Boeing. Le titre peut déjà interpeller : très vite on comprendra qu’il s’agit des racines sahéliennes représentées par l’Olivier qui se trouvera dans les neiges de la France à travers l’engagement militaire du sujet.

On retrouve dans ce livre toute l’intelligence, la perspicacité de Habib qui, à la suite d’une investigation longue (plus de six ans) et difficile (allant jusqu’à fouiller dans les archives françaises), a su relater de façon romancée, une chronique familiale et surtout l’histoire passionnante de son père, Mahmoud Fekih, dans ses moindres détails.

Dans cette famille de tradition militaire et originaire de la ville sahélienne de Mazdour, Habib nous raconte le chemin de croix d’un père qui a eu maille à partir avec sa belle mère et qui a dû très vite apprendre à être autonome surtout après son renvoi injuste du lycée, ce qui a boosté en lui son patriotisme pour combattre encore plus la colonisation française. Renvoyé du lycée, Il embrassa lui aussi, à son corps défendant, la carrière militaire pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille. Le teint clair et les yeux bleus, venus de leurs origines slaves, atténuaient un tant soit peu le délit de faciès dont il pouvait être victime par l’occupant.

Dans cette famille, les liens avec la France étaient étroits marqués par le grand père de Habib, Amor Fekih, officier des terres domaniales, en très bon termes avec l’officier français de sa zone, avant que ne se développe, sous la houlette de Bourguiba, le mouvement pour l’indépendance qui entraîna la famille Fekih dans la lutte contre l’occupant. Ceci ne l’empêcha pas de rester fidèle à la France et de ne pas être tenté de rejoindre le camp des nazis. Il se rebiffa souvent pour dénoncer le comportement des français qui ne se gênaient pas de se servir de milliers tunisiens comme chair à canon durant la deuxième guerre mondiale. Après l’armistice il se retrouve aux côtés des français au Vietnam où il s’assigne une mission de contribution pour la paix et de protection de la population civile. Son unité est relevée en 1949 avant la fin de la guerre au Vietnam qui va se durcir avec l’engagement des américains d’un côté et des chinois de l’autre.

Déçu de ne pas bénéficier d’une promotion à un grade supérieure car l’armée française était liée à un engagement de retourner en Indochine, il la quitta en 1952 après de bons et loyaux services. A quelque chose malheur est bon, Mahmoud Fekih intègre la gendarmerie française en 1952 mais il soutient les fellaghas. Sa participation à la résistance lui ouvre les portes de la création de la Garde Nationale Tunisienne avec la bénédiction de Bourguiba qui en 1933 lui avait déjà dit qu’il pouvait servir son pays dans n’importe qu’elle position. Bourguiba lui a dit aussi en 1958 : tu étais dans l’armée française mais tu n’as pas porté le képi, tu as porté le Tarbouche.

Cette famille a réussi à concilier les bonnes relations avec la France en période beylicale tranquille sans jamais tourner le dos au mouvement de libération du pays quand il fallait le faire. Durant cette lecture on peut apprécier le format du livre, maniable, pas lourd pour être tenu d’une main et pouvoir le lire facilement. Écrire l’histoire de son père et par delà celle de toute une famille dans ses moindres détails n’est pas une mince affaire.

Le déroulement de la pensée est fluide, agréable à suivre et ce livre constitue un exemple pour ceux qui veulent maintenir en vie l’histoire de leurs générations ascendantes. Des familles tunisiennes comme celle des Fekih, il en existe plusieurs et le mérite de Habib est d’avoir couché sur papier celle de sa famille . Bravo !

Maher Ben Ghachem – Ancien Professeur de Médecine – Ancien Interne des Hôpitaux de Paris.

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Publié par
Tunisie Numérique