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Par Raouf Chatty : Mohamed Ennaceur l’homme et l’homme d’État

Par Raouf Chatty : Mohamed Ennaceur l’homme et l’homme d’État

La Maison de la Culture a reçu ce 8 Avril  à l’invitation du ministre des affaires sociales  le Président Mohamed Ennaceur à l’occasion de la publication récente de ses » Mémoires ». Un paquet de plus de 700 pages qui n’a laissé personne indifférent, suscitant plusieurs controverses .

Un livre fourni,  images à l’appui qui résume une carrière riche de plus de   cinquante ans dans les domaines politique, gouvernemental , parlementaire et diplomatique, depuis les années soixante jusqu’ aux années 2020, où l’auteur a réussi à traverser et a servi, en dépit des difficultés sous les ères Bourguiba, Ben Ali, Caïed Essebssi et Gannouchi …

J’ai lu avec beaucoup d’attention son livre. C’est le reflet de notre pays depuis 70 ans avec ses  combats, ses vicissitudes, ses succès, ses échecs, ses ambitions.

L’homme est un politicien aguerri, un homme du sérail qui a su grâce à son intelligence, à son flair et à sa détermination à survivre à toutes les crises politiques qu’à connues notre pays depuis les années 70…Il est un habitué de l’État et du pouvoir, formé à l’école de Bourguiba. Il a été gouverneur de Sousse (à l’époque ce Gouvernorat couvrait également Monastir et Mahdia), dix ans ministre des affaires sociales, Président du Conseil Économique et Social,

Ambassadeur de Tunisie auprès des Nations Unies à Genève, avocat, Ministre des affaires sociales de nouveau dans le deuxième Gouvernement de la deuxième République, l’un des fondateurs du parti Nidda Tounes et Président du Parlement en janvier 2014. À ce titre, il devient président de la république    par intérim le , après la mort du président Béji Caïd Essebsi ; il exerce la fonction jusqu’au  suivant, date à laquelle Kaïs Saïed lui succède. Les rouages de l’État n’ont pas de secrets pour lui.

Diplomate de carrière, j’ai côtoyé étroitement l’homme et l’homme d’État durant deux ans en qualité de Conseiller à la Mission permanente de Tunisie auprès des Nations Unies à Genève (1994/1996), alors qu’il en était le chef.

Mohamed Ennaceur qui avait la confiance du pouvoir est resté cinq ans, de 1992 à fin août 1996, à la tête de cette ambassade clé, extrêmement délicate et sous les projecteurs de Tunis…

A Genève aux Nations Unies comme à New-York se traitent les affaires du monde. Elle est le siège de plusieurs organisations internationales dont le Haut Commissariat aux droits de l’Homme, le Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies, l’Organisation internationale du Travail, l’Organisation Mondiale du Commerce, l’Organisation Mondiale de la Santé, Le Haut Commissariat pour les Réfugiés, le Comité International de la Croix Rouge, l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle ,l’organisation internationale de  l’immigration …De nombreuses ONG internationales actives dans les droits de l’Homme, l’environnement, les questions de l’immigration etc. y sont toujours  très actives… Aucun autre ambassadeur avant lui ou après lui n’avait réussi une telle longévité à la tête de cette Mission hautement politique. Cela est déjà un exploit en lui-même. C’est pourquoi j’aurais souhaité le voir développer davantage dans ces Mémoires cet épisode très sensible pour la Tunisie et  lui consacrer  davantage d’espace, beaucoup plus  que quelques pages sur 700 …

Le Gouvernement Tunisien  avait à cette époque présenté à Genève devant le Comité des droits de l’Homme  son rapport périodique sur les droits civils et politiques , octobre 1994 et d’autres rapports…L’ambassadeur Ennaceur avait conduit la délégation. La Mission avait défendu convenablement la Tunisie. A l’époque, le pouvoir avait des démêlés sérieux avec les  instances onusiennes en charge des droits de l’Homme. Le régime  politique était sous les feux des critiques relayées dans la presse. Mais nous étions fiers des réalisations de notre pays dans le domaine des droits économiques sociaux et culturels tout comme dans le domaine des droits de la femme…chose qui a valu à M. Ennaceur de présider le groupe de travail de la Commission des droits de l’Homme sur le droit au développement.

De Mohamed Ennaceur  je retiens l’homme à la forte personnalité,  ouvert, relationnel, cultivé, soucieux du dosage, fixant à lui-même et à  ses interlocuteurs quelque soit leurs rang ou statut, les périmètres et les plates bandes, toujours meneur, imposant,voire pour certains envahissant.

De Mohamed Ennaceur, le boss, je retiens la personnalité affirmée, l’intelligence intuitive, la présence active, le sérieux, la rigueur, le perfectionnisme au travail….

Il travaillait comme un forcené , invitait tout le monde à se surpasser, à donner sans compter. Il faisait marcher la Mission, composée à l’époque de six diplomates uniquement, comme si elle comprenait une cinquantaine de  cadres, la masse de travail était énorme. Il ne tolérant aucune défaillance et voulait toujours voir la Tunisie  briller.

Sous sa supervision, nous étions  de toutes les réunions. La Tunisie était consultée et respectée. Il ne passait jamais inaperçu dans les enceintes des Nations Unies  et bénéficiait d’un grand crédit. Les portes lui étaient ouvertes. Il défendait avec hargne et détermination les intérêts de notre pays et veillait bien à ce que cela soit perçu et bien compris. Pour lui les intérêts de l’État  surpassaient toutes les autres considérations.

Il était le Chef. Cela ne pouvait être qu’ainsi pour une personne qui, durant  sa jeunesse, a été élevée à l’école de Bourguiba : celle du patriotisme, du travail , de l’esprit cartésien, de l’autoritarisme et du respect sacré de l’Etat.

Il reste toujours une référence pour celles et ceux qui veulent savoir ce que cela signifie d’être un homme d’État…et servir l’État et c’est ce qu’il a toujours fait.

Raouf Chatty, ancien ambassadeur.

 

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