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Par Ridha Zahrouni | LA TUNISIE : Y-A-T-IL UN POLITIQUE DANS L’AVION ?

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Nombreux sont ceux qui imputent le désastre que nous vivons depuis plus d’une décennie aux régimes de gouvernance antérieurs aux 14 janvier 2011. Des régimes qu’on a accusés de tous les malheurs du monde, politiquement parlant bien évidemment. Despotisme, dictature, totalitarisme, corruption, incompétence, culte de la personne, un spécimen des arguments avancés le plus souvent par ceux qui ont accédé au pouvoir après la chute de régime de Ben Ali et par leurs partisans, et également, par une partie non négligeable des oppositions. Pour ma part, je ne vais ni confirmer, ni infirmer ces accusations. Mais j’affirme que le pays allait beaucoup mieux juste à l’arrivée des nouveaux venus au pouvoir, et que depuis, notre situation va de mal en pis. En effet, le pays ne cesse de rétropédaler, d’année en année, et ce pratiquement dans tous les domaines. Et pour mois nous sommes les artisans aussi bien de nos réussites que de nos échecs.

Une économie qui se gère à la louche.

La situation économique n’est guère rassurante, et tous les indicateurs sont au rouge. Le taux de croissance ne couvre plus le montant nos engagements financiers vis-à-vis de nos créanciers. La notation de la Tunisie et son classement par les organisations internationales compétentes eu égard aux principales références économiques et financières n’ont cessé de se rétrograder depuis l’avènement de ce fameux janvier 2011. La dépréciation du dinar tunisien vis-à-vis des monnaies étrangères ne cesse de se creuser pour atteindre des niveaux historiques en termes de gravité et de préjudices portés à l’économie nationale et à la bouse du citoyen. Une décente continue vers l’enfer des secteurs de phosphate et de l’hydrocarbure, principaux sources de rentrée de devises du pays; des entreprises publiques sont en grosses difficultés au niveau de leur gestion, le transporteur national Tunis Air en est l’exemple. Une inflation galopante, un taux d’endettement hors norme, nos réserves de devises en chute libre, et l’Etat peine chaque année à collecter les ressources pour renflouer ses caisses et pour boucler ses budgets à chaque fin d’année.

Un citoyen désabusé, voire déboussolé.

Quant au malheureux tunisien, celui qu’on désigne par le citoyen moyen, il n’arrive plus à voir clair dans sa tasse. Le pauvre tunisien, tellement il est pauvre, que désormais, personne ne s’intéresse à lui, lui-même, il n’a plus ni force, ni voix pour manifester son existence. Le tunisien de nos jour, exception des nantis et des aisés, n’arrive plus à atteindre le “smig” en parlant des besoins essentiels de la vie. Il trouve d’énormes difficultés pour manger correctement, pour accéder aux soins nécessaires quand il tombe malade lui ou un membre de sa famille, et pour éduquer et instruire ses enfants. Un constat rendu amère par le maintien du taux de chômage à des niveaux alarmants, et par le cout galopant de la vie et l’érosion du pouvoir d’achat du citoyen. Un citoyen qui se sent humilié, marginalisé, angoissé et désespéré. Un citoyen désabusé, a avec qui on a toujours cherché  a troquer le mirage de son accès à la démocratie et à la liberté de parole contre la confiscation de tous ses autres droits, notamment la dignité. Alors qu’une nation sans citoyen n’es qu’une terre et des bâtisses sans vie.

Des politiques hors temps et hors sols.

Or, et on le sait bien, tout est affaire de politiques et de politiciens. Les politiques mises en œuvre depuis le 14 janvier 2011, sont à l’évidence à l’origine de tous ces échecs constatés et de ce désastre qui va certainement s’amplifier et se répercuter sur les générations présentes et futures. Elles sont sans tête et sans queue : ni visions, ni stratégies, ni objectifs, ni projets, ni programmes, ni responsabilités. Une gestion comptable du quotidien, et de surcroit, à l’aveuglette, alors que le pays a besoin d’être rebâti en toute urgence et partout. A peine une décennie consommée, que nous avons connu trois présidents, une dizaine de gouvernements et des centaines de ministres. Des politiciens, hommes et femmes, installés au pouvoir ou dans l’opposition, dont certains sortaient même de nos prisons après un séjour de plusieurs années, et dont la majorité ont abusé des intérêts du peuple et de la nation. Des incompétents, des opportunistes et des manipulateurs qui se sont appuyés sur un discours de haine et de peur pour se créer un chemin vers les hautes sphères du pouvoir.

Un discours populiste toujours en rapport avec la religion, la corruption et les régimes antérieurs, assaisonnée comme à l’accoutumance par des attaques tous azimuts et des accusations qui vont jusqu’à la trahison et aux complots. De leur coté, les médias et les différents organes de presse ont amplifié le phénomène par leurs choix d’une stratégie de communication axée sur le sensationnel et les scandales en focalisant leurs projecteurs sur la forme, et en occultant le fond et l’essentiel. Et à chaque échéance électorale on devrait constater l’ampleur des dégâts par une simple lecture des taux de participation aux suffrages universels. Le citoyen Tunisien se dégoûte de plus en plus des politiques et des politiciens. Les dernières en date traduisent sans ambigüité l’ampleur de cet écœurement. Avec un taux de participation jamais constaté partout dans le monde, les tunisiens ont adressé un message en clair signifiant à tous ceux qui veulent l’entendre qu’ils ne croient plus en rien. Ils refusent tout simplement la démocratie, les politiques, les processus installés et les promesses aussi bien de ceux qui sont installés à la tête de l’Etat que dans l’opposition, ainsi que leurs discours.  

Le peuple doit de vivre le destin doit obéir et suivre

Je ne vais citer ni des chiffres, ni des évènements, ni des déclarations ni des responsabilités personnelles. J’estime que nous n’en avons nullement besoin pour se rendre compte de la gravité du moment. Toutefois, pour moi, les nations et les peuples ne meurent jamais, il viendra le temps pour eux pour se relever et repartir vers l’avant. C’est notre destin et notre destination. Et le plutôt serait le mieux. Il nous faut juste de vrais hommes et femmes, compétents responsables pour s’engager et engager le pays sur la voie de l’excellence. Ils doivent maitriser leurs affaires en mettant en œuvre un plan de sauvetage du pays. Un plan qui met en avant l’amélioration des conditions de vie du citoyen, notamment en rapport avec la satisfaction de ses besoins essentiels, en garantissant les droits d’accès aux soins nécessaires pour lui et pour les membres de sa famille et le droit d’accès à l’éducation et à l’instruction pour de ses enfants. Le Tunisien devrait se sentir respecté et rassuré sur un avenir meilleur pour lui et pour ses enfants. L’extrême gauche et l’extrême droite ont brouillé les cartes de l’actuel président français aux élections législatives et présidentielles, rien que parce qu’ils ont axé leur compagne sur le pouvoir d’achat des français. C’est le soucis majeur de chacun de nous.

 

Mise en œuvre de politiques de résultats

 

Une telle entreprise ne pourrait réussir sans la mise en place d’un modèle de gouvernance et de politiques aptes à relancer notre économie, refondre nos systèmes éducatif, culturel et social, améliorer notre service public de santé et rebâtir pratiquement tous nos secteurs d’activité. Ceux qui convoitent le pouvoir, ainsi que ceux qui gouvernent ou qui sont dans l’opposition doivent travailler sur les mêmes objectifs, à savoir restituer au tunisien sa dignité, le réconcilier avec le travail et l’espoir, avec l’amour de la partie et le respect des droit de l’autre et bannir l’emploi pervers de la religion dans tout enjeu politique. Ils doivent consigner leurs projets et bien les transcrire, maitriser chacune de leurs composantes en termes d’objectifs, de moyens, de priorités, de planning d’exécution et de suivi et s’engager pour la réussite de leurs réalisations. En fait, de nos jours, on ne peut parler de révolution si on s’astreint à dégager un régime supposé nocif pour le remplacer par un autre régime en gardant les mêmes habitudes et les mêmes modèles de gestion. Une révolution ne réussit jamais sans le décrassage des esprits et des mentalités. Toute politique de terre brulée détruira tout sur son passage et quand le plafond tombe, personne ne serait en mesure de sauver sa tête. De nos jours, la politique n’est ni l’art des consensus, ni des compromissions, mais celui de l’efficacité des actions et de l’anticipation des crises. C’est de notre devoir à tous de nous rappeler les raisons qui ont amené les peuples à se soulever partout dans le monde et depuis très longuement, c’est à cause de l’injustice et pour le pain. La crise des gilets jaunes qu’a connue la France il y a bientôt quatre ans en est la parfaite illustration.

 

Ridha Zahrouni : Lnt Colonel à la retraite de l’armée Tunisienne

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Publié par
Tunisie Numérique