Il n’y a pas si longtemps, juste après notre indépendance, car j’estime que notre Etat est encore en construction, plusieurs de nos concitoyens qui sont en vie, ont vécu la deuxième guerre mondiale et ont accompagné le pays dans ses premiers pas sur la route de la liberté, notre école s’est vue accordée une place d’honneur dans les diverses politiques conduites à l’époque.
L’école de Messadi(2), du nom de son premier réformateur, en même temps qu’elle instruisait nos enfants dans ses classes, elle enrichissait et formait les esprits à l’intérieur de nos foyers, notamment chez qui l’ignorance étaient enracinée dans ses dimensions cognitives, intellectuelles et culturelles,
Le modèle éducatif qui était le nôtre, s’est forgé depuis une réputation de qualité chez nous et ailleurs, abstraction faites des conditions socioéconomiques des apprenants.
Seuls les élèves et les étudiants qui ont perdu le droit de fréquenter l’école publique allaient dans des institutions privées ou cherchaient la réussite dans des pays voisins.
Nos élèves, nos étudiants et nos chercheurs ont été toujours bien considérés à l’Est comme à l’Ouest et réussissaient sans difficultés aucune là ils passaient. Les diplômes accordés aux tunisiens par certains pays comme la Belgique devraient être préalablement homologués pour ceux qui aspirent être recrutés dans la fonction publique.
Un élan qui qui s’est vu freiner d’un coup de pédale sec avec l’entrée en vigueur de la reforme de Charfi(3) objet de la loi 91-65 du 29 juillet 1991 relative au système éducatif, et puis par la réforme de Rouissi(4) objet de la loi d’orientation 2002-80 du 23 juillet 2002 relative à d’éducation et l’enseignement scolaire, dont les principales dispositions portent sur l’infirmation du concours de clôture de la phase primaire ( le sixième), l’obligation de l’enseignement jusqu’à l’âge de 16 ans, le retrait de la filière de formation professionnelle de l’enseignement secondaire scindé en deux phases, l’enseignement préparatoire de trois années avec l’arabisation des matières scientifiques, et l’enseignement secondaire qui est passé de 7 années à 4 années seulement.
Ces lois n’avaient en fait pour philosophie pédagogique que, la légalisation implicite du passage automatique des élèves au cours des phases d’enseignement primaire et préparatoire et la satisfaction des désidératas de ceux qui clament l’arabisation de notre système éducatif. Des dispositions qui, au lieu de remédier aux défaillances constatées à l’époque, notamment celles qui portent sur le nombre jugé inacceptable de nos enfants mis hors des enceintes des écoles au cours de la phase primaire, avec une moyenne de 66 milles décrocheurs au cours de la période 1984-2000 et un pic de 95 mille rien pour l’année scolaire 1990-1991, ont causé plusieurs autres dommages collatéraux aussi graves les uns que les autres.
En effet, ces décisions se sont avérées inopérantes contre le phénomène du décrochage scolaire chez nous qui a gardé des taux alarmants, avec des moyennes proches de 110 mille décrocheurs au cours des 40 dernières années, le glissement de son centre de gravité vers les phases préparatoire et secondaire et le détraquement des équilibres au niveau de l’enseignement secondaire avec la domination des filles à cause des taux de décrochage plus élevés chez les garçons comparés à ceux des filles.
Ensuite, de nombreux rapports nationaux et internationaux signalent la rétrogression de la qualité de notre école et de son rendu notamment au niveau de la maitrise des langues, de l’expression et dans les matières des sciences et des mathématiques.
Plusieurs autres phénomènes sont en nettes recrudescences, telles que la violence scolaire, le recours aux cours particuliers, la désertion des filières des mathématiques et de l’enseignement public, les faibles taux de réussite au niveau des examens nationaux, le recul des taux de scolarité au niveau national, …
Et notre école publique n’est plus aujourd’hui, ni gratuite, ni juste, ni ascenseur social. Seuls les enfants des familles aisés ont des chances de réussir, les pauvres et ceux qui vivent en marge de la société sont destinés implacablement pour l’échec, et les exceptions confirment toujours la règle. Une école devenue cause d’un “gaspillage incommensurable des ressources publiques.
Cela s’appelle surtout une dilapidation des ressources humaines voire de l’humanité de nos jeunes condamnés à l’impuissance intellectuelle, à l’exclusion économique et sociale, aux dérives et aux complexes de l’incompétence dans ses formes les plus perverses, celles de l’illusion de la connaissance et de la sacralisation de l’ignorance”.
Si j’ai toujours insisté auprès de l’opinion publique sur l’état catastrophique de notre école, je le fais depuis des années, et également auprès de nos décideurs, pas plus loin que la semaine dernière par lettre adressée dans ce sens à notre chef de gouvernement, c’est pour rappeler qu’aucune société ne peux espérer des jours meilleurs quand son école tombe en ruine.
Et c’est pour rappeler également que les solutions sont évidentes et à la portée si on revient à l’origine du mal pour le traiter à la racine, en démarrant bien évidemment par l’enseignant primaire.
Effectivement la résolution des problèmes de la phase primaire est plus que jamais une étape importante et incontournable pour reformer notre système éducatif. En des mots encore plus simples, il nous faut assurer les conditions nécessaires pour que l’enseignement primaire assure le niveau d’instruction requis ouvrant la voie au maximum de nos élèves pour progresser avec mérite dans leur cursus scolaire. Ce qui permettrait de résoudre le plus gros des autres défaillances dont souffre notre système éducatif. Cela va sans dire qu’on ne doit aucunement ignorer les phases d’enseignement préparatoire, secondaire et supérieur ainsi que la formation professionnelle.
Je conclu en m’adressant de nouveau à ceux qui ont le destin de notre pays en main pour leur dire qu’il nous faut être responsable pour reconnaitre l’état critique de notre système actuel et la nécessité de sortir des formules toutes faites pour prospecter un bel avenir pour notre école avec des objectifs à la fois ambitieux et réalisables, qui sont nécessaires pour bâtir un avenir radieux pour nos enfants et notre pays.
Il nous faut être créatifs pour dessiner les contours notre école demain et de son apport, en personnaliser l’enseignement pour être de qualité et pour le rendre juste et équitable en tenant compte des aptitudes, des perspectives et des potentialités de chacun de nos élèves et de notre vision future pour la Tunisie.
Tout en étant souverain, il nous faut être humble pour s’inspirer et s’appuyer sur des études et des expériences réussies dans le domaine. Le modèle de l’éducation et de l’enseignement reste universel dans sa façon de s’exécuter et dans ses principaux objectifs. On cherche partout à former le citoyen du monde, capable de s’intégrer dans n’importe quelle société, si nécessité ou intérêt est.
L’affaire de l’éducation reste toujours la priorité des priorités de toute nation qui respecte les droits de ses citoyens et fait même partie des conditions garantissant sa sécurité nationale. Elle implique plusieurs intervenants, dont les parents, et plusieurs spécialités et nécessite la mise en œuvre de vraies politiques et stratégies avec objectifs bien identifiés dans le temps et dans l’espace, la réservation des moyens à pourvoir et l’identification des responsabilités concernées.
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1- Citation emprunté du philosophe Hamadi Benjaballah
2- Mahmoud Messadi : Ministre de l’éducation entre 1958 et 1968.
3- Mohamed Charfi : Ministre de l’éducation, de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique entre 1989 et 1994
4- Moncer Rouissi : Ministre de l’Education entre 2001 et 2003
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