A la une

Par Sadok Ben Ammar : Le boycott du raccordement des unités de production d’énergie renouvelable au réseau national d’électricités est-il un fait anodin ? Non, bien au contraire

Partager

En Tunisie, la polémique enfle, et de plus en plus de voix s’élèvent pour constater un énorme gâchis.  Commençons par exposer les faits.

La Tunisie a adopté en 2015 un plan solaire intitulé « Le Plan Solaire Tunisien », dont l’ambition était d’atteindre d’ici 2030 le seuil de 30% de la production d’électricité par le biais d’énergies renouvelables. Sept ans plus tard, les réalisations peinent à dépasser 3%.  Cinq appels à projets ont été lancés et 67 projets ont été retenus par le ministère chargé de l’énergie… Or, jusqu’à ce jour, un seul d’entre eux a été raccordé au réseau national d’électricité.  Tous les autres attendent le consentement du syndicat de la STEG, qui refuse de raccorder les unités de production d’énergie renouvelable au réseau. La raison : quelques personnes du syndicat de la STEG estiment que la production d’électricité́ par le secteur privé menacerait les intérêts de l’opérateur public national, alors qu’au contraire de cela, la position de la STEG s’en trouvera renforcée.  En effet, le plan solaire maintient le monopole de la STEG sur le transport et la distribution d’électricité :  seule est libérée la production d’énergie verte, et pour cause :  les opérateurs privés produisent le kWh d’énergie beaucoup moins cher que la STEG.  À titre d’illustration, l’adjudicataire de l’appel d’offres de 200 MW à Tataouine a proposé 0,0717 TND/kWh, ce qui représente près du tiers du coût de revient du kWh produit par la STEG. Le modèle économique envisagé par le Plan Solaire Tunisien est simple : l’opérateur national achètera l’énergie verte auprès d’opérateurs privés à un tarif beaucoup moins cher qu’il ne peut la produire lui-même, et pourra ainsi redistribuer l’énergie auprès de ses usagers dans de meilleures conditions de prix.

La conséquence : aujourd’hui, des investisseurs venus du monde entier ont répondu aux appels à projets sont en possession de contrats impossibles à exécuter.  En plus de l’atteinte à la crédibilité à l’État, cette situation fait perdre au pays près de 2 500 millions de dinars d’investissements non réalisés, essentiellement en devises, de la part d’opérateurs privés qui attendent d’y voir plus clair avant d’investir. 

Le boycott du raccordement d’unité de production d’énergie renouvelable au secteur  représente-t-il un fait anodin ? Bien au contraire, il met en relief l’urgence d’une situation insoutenable.  Il paraît de ce fait primordial de lancer un appel aux bonnes volontés pour voir les choses comme elles sont et faire appel à la raison pour remettre le pays dans le contexte de son temps.

Sadok Ben Ammar

Expert économiste 

Laissez un commentaire
Publié par
Tunisie Numérique