Economie

Peut-on privatiser les entreprises publiques ?

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Le flou règne depuis quelques semaines après l’accord préliminaire entre le gouvernement tunisien et le FMI sur un nouveau programme de financement et l’adoption d’un plan de « réformes » prônant notamment la « restructuration » des entreprises publiques.

Même les membres du gouvernement se contredisent, certains affirment que la « restructuration » ne correspond aucunement à une privatisation et d’autres indiquent clairement l’importance du désengagement de l’Etat des secteurs non stratégiques. Cependant alors que la plupart d’entre elles sont presque en faillite et proies aux lobbies, syndicalistes et rentiers, Peut-on privatiser les entreprises publiques ? et qu’est-ce qui motive réellement les investisseurs pour entrer dans leurs capitaux ? 

Les entreprises publiques et l’avantage du monopole

Dès l’indépendance, les autorités tunisiennes ont essayé de développer un tissu d’entreprises publiques clés opérant particulièrement dans les secteurs stratégiques. La crise socioéconomique des années soixante-dix et la faillite du système politique au milieu des années quatre-vingt ont précipité progressivement les entreprises publiques ayant le monopole d’une grande partie de l’économie, vers la faillite.

Les agissements des syndicats, des lobbys et des rentiers durant la dernière décennie et l’obsolescence du modèle économique en vigueur ont plongé depuis plusieurs années les EP dans le déficit et les graves déséquilibres financiers menaçant leur pérennité d’exploitation.

Toutefois, plusieurs indices révèlent que leur privatisation posée actuellement par le gouvernement n’a, au fait, aucun rapport réel avec l’assainissement de leur situation financière mais tient plutôt au maintien de la logique des activités économiques opérant sous agrément dans un marché dominé par le monopole loin des normes de la concurrence, recommandées par le FMI et l’instauration d’un climat d’affaire sain et inclusif.

Situation désespérée

Le dernier rapport du ministère des finances sur les EP (111) annexé à la LF 2022 révèle une baisse accentuée de la moyenne mensuelle des liquidités de 80 entreprises, qui est passée de 4354,7 millions de dinars (MD) en 2018 à 3328,4 MD en 2020 soit une baisse de 1026,3 MD ou 23,6%.

Les données révélées par le rapport indiquent aussi l’aggravation des pertes liées à l’activité d’exploitation des EP en 2019 de 153,4% en se situant à -1255,4 MD.

Les transferts de l’Etat leur permettant la pérennité d’exploitation se sont élevés à 6198 millions de dinars (MD) en 2019 contre 5863,6 MD en 2018 soit un accroissement de 5,7%. L’importance de ces transferts qui sont effectivement de simples subventions dénote l’absence de toute rentabilité des EP. Leur restructuration ne peut passer que par leur simple liquidation étant donné qu’elles opèrent en monopoles ou en oligopoles pour la plupart d’entre elle, d’une part et en raison de leur consommation totale de leurs capitaux propres, d’autre part.

Les données gouvernementales montrent également que les transferts aux EP représentent 19% des dépenses de l’Etat, hors du service de la dette, en 2019 contre 19,7% en 2018.

Le rapport ne fait pas état d’agrégats comptables et financiers importants tels que le total bilan, l’évolution des capitaux propres, le rendement des actifs et le salaire moyen par employé.

Les données du rapport du ministère des finances sur les établissements publics montrent clairement qu’il est extrêmement difficile de cerner d’une manière conforme aux normes et principes comptables la situation financière effective de ceux-ci ce qui rend leur restructuration une manœuvre pratiquement irréalisable du moins dans l’état actuel des choses.

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Publié par
Mohamed Ben Abderrazek