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Point Afrique – Nigéria : La première puissance économique d’Afrique s’ouvre d’autres horizons, la France en bonne place

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La République fédérale du Nigéria collectionne les superlatifs : «Géant d’Afrique», leader des économies du continent depuis 2016 et 27e au niveau mondial (PIB) d’après la Banque mondiale, pays le plus peuplé d’Afrique (225 millions d’habitants) et 6e dans le monde, 1er producteur africain de pétrole jusqu’en 2020 (détrôné par l’Angola), premières réserves prouvées de gaz en Afrique (10e dans le monde) et 3e producteur de gaz du continent (derrière l’Algérie et l’Égypte), etc. Avec tout ça on se dit que les Nigérians sont forcément les citoyens les plus heureux du continent. Et bien non. La faute surtout à un sous-développement endémique et à une sous-industrialisation chronique, sans parler de la corruption dans toutes les strates de la société. Mais le pays du président Bola Tinubu se soigne bien et vite…

En février 2023 il a pris les rênes d’une nation qui a tout pour faire le bonheur de ses populations et de l’organisation régionale dont il fait partie, la CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest). Le travail a commencé avant l’élection du nouveau chef de l’Etat, il devra continuer sur cette lancée. 

Jusqu’en mai 2023 le Nigéria n’avait même pas les moyens de raffiner sur place son pétrole pour écouler le produit fini sur le marché local et à l’étranger. Avec quatre raffineries étatiques hors course le pays était obligé de traiter ailleurs sa production pour ensuite le réimporter plus cher. On a même eu des situations ubuesques de pénurie. Le milliardaire nigérian Aliko Dangote a en grande partie réglé le problème en mobilisant 19 milliards de dollars pour installer une raffinerie capable de traiter 650 000 barils par jour, 12 000 MW d’électricité et qui fournit 57 000 emplois directs. Donc cette affaire qui jetait l’opprobre sur le pays est derrière lui.

Place aux autres méga chantiers sur les rails. D’abord il y a le projet de gazoduc avec l’Algérie, en gestation depuis 2002. Et sur le papier les perspectives sont très alléchantes : Un gazoduc transsaharien d’une envergure de 4128 km qui partira du delta du Nigéria, traversera le Niger pour faire la jonction avec l’Algérie ; une fois relié au site de Hassi R’Mel il pourra approvisionner l’Europe en gaz.

Mais il faudra compter avec un autre partenaire du Nigéria et frère ennemi de l’Algérie : le Maroc. Puisqu’Alger a trop tardé à matérialiser ses ambitions Rabat s’est glissé et a approché Abuja pour lui proposer de s’embarquer dans un projet encore plus imposant, tout simplement le gazoduc offshore le plus long du monde, avec quelque 5000 kilomètres. Donc le Nigéria devra choisir : Ce sera soit le Maroc, soit l’Algérie. Et le choix sera cornélien…

Dès son élection le président Tinubu a fait savoir publiquement qu’il prendra exemple sur le modèle de développement du Maroc et calquera ses infrastructures sur celles du royaume. Comment après ça dire au roi du Maroc, Mohamed VI, que finalement le Nigéria a enterré le projet de gazoduc pour filer vers l’Algérie ? 

En attendant il y a les autres partenaires d’Abuja avec qui les prises de décisions sont beaucoup moins épineuses. D’abord il y a la France, dont le Nigéria est le premier partenaire commercial en Afrique subsaharienne. Les échanges économiques entre la France et le Nigeria ont doublé depuis dix ans, au point que le pays le plus peuplé d’Afrique est vite devenu le quatrième partenaire commercial de l’Hexagone sur le continent, derrière le Maroc, l’Algérie et la Tunisie. Une centaine d’entreprises françaises opèrent en toute discrétion au Nigéria et emploient plus de 10 000 personnes, essentiellement dans les domaines très juteux du pétrole et du gaz.

Il n’y a pas que ça, il y a aussi le boom des affaires dans la banque, les infrastructures et la logistique. Par ailleurs la France est l’un des plus gros investisseurs étrangers au Nigéria, avec un stock d’investissement qui monte à 10 milliards de dollars. Avec plus de 2 milliards d’euros investis durant les dix dernières années (les données de 2021) par le biais de l’Agence française de développement la France est le deuxième créancier bilatéral le plus important du Nigéria, après la Chine.

L’acte fondateur entre les deux partenaires a été la visite du président Macron en 2018 et le lancement du Conseil d’affaires France-Nigeria. Depuis beaucoup de chemin a été parcouru, jusqu’à la venue à Lagos, jeudi 23 novembre 2023, du ministre délégué chargé du Commerce extérieur français, Olivier Becht. Il était accompagné d’une dizaine d’entreprises françaises, dans le cadre du Sommet économique entre la France et le Nigeria, qui dure deux jours.

Plusieurs accords de principe ont été paraphés par les entreprises des deux pays, dans des domaines aussi divers que l’agriculture, l’énergie et l’innovation technologique. «Le Nigeria est un partenaire clé pour la France», son «premier partenaire commercial en Afrique subsaharienne», «une centaine d’entreprises françaises» y sont présentes et emploient «plus de 10 000 personnes dans le pays», a rappelé le ministre français…

Olivier Becht a annoncé dans la foulée que le Nigéria prendra part pour la première fois au Salon international de l’agriculture de Paris en février prochain.

A noter que les Cinq accords de partenariat ont été signés par les sociétés Compagnie Fruitière/Raedial Holdings, Danone/Koolboks, Echosys/Rensource et Watt Renewables et Bpifrance/Access Bank. «Le Nigéria est un pays qui a du potentiel, surtout depuis la promesse d’ouverture du gouvernement actuel», a confié Didier Mas, directeur technique Afrique à la Compagnie Fruitière, qui opère principalement en Afrique francophone. Le responsable ambitionne de se joindre à Raedial Holdings pour cultiver de la banane dans l’État de Cross River, au sud du pays.

Bpifrance a conclu avec Access Bank «une lettre d’intention» pour booster leurs créneaux en France et au Nigéria. «Bpifrance a retenu notre attention, car elle a une grande influence dans le secteur financier», a déclaré Michael Wenegieme, responsable du département France à Access Bank.

Olivier Becht est le troisième émissaire de la France au Nigéria depuis l’élection du président Ahmed Bola Tinubu en mai dernier. Son voyage survient peu de temps après celui de Catherine Colonna, ministre française des Affaires étrangères, à Abuja, la capitale politique, le 3 novembre 2023. La veille de son départ Becht avait dit que «contrairement à ce que véhiculent certains médias, et notamment les réseaux sociaux, la France n’est absolument pas chassée d’Afrique et nous ne sommes pas du tout en déclin», rapporte Le Point.

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Publié par
Souleymane Loum